Publié

Appels au respect de la liberté de la presse après les révélations sur Credit Suisse

Les journalistes suisses ont été écartés de l’enquête sur le Crédit Suisse en raison de la législation sur le secret bancaire
Les journalistes suisses ont été écartés de l’enquête sur le Crédit Suisse en raison de la législation sur le secret bancaire / 19h30 / 2 min. / le 21 février 2022
Au lendemain de révélations sur Credit Suisse, qui aurait pendant des années accepté des clients criminels, des voix s'élèvent en Suisse pour demander la levée d'une loi rendant coupable de violation du secret bancaire toute personne utilisant des données bancaires volées, y compris les journalistes.

Les révélations de la presse internationale sur les "Suisse Secrets" concernent la fuite de données de milliers de comptes, passés ou actuels, de la banque Credit Suisse appartenant à des réseaux criminels ou d'anciens dictateurs.

>> Lire à ce sujet : Credit Suisse aurait hébergé des milliards pour des clients sulfureux

Cette vaste investigation journalistique publiée dimanche s'est faite en collaboration avec une quarantaine de médias étrangers, tels que le quotidien britannique The Guardian, le journal français Le Monde ou encore le New York Times.

Or, contrairement à des enquêtes précédentes telles que les Panama Papers ou les Pandora Papers, aucun journal suisse n'a cette fois participé. En cause: l'article 47 de la Loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne, qui depuis 2015 punit quiconque "révèle un secret qui lui a été confié ou exploite ce secret à son profit ou au profit d’un tiers".

"Le risque juridique était tout simplement trop grand", résumaient lundi matin les journaux du groupe Tamedia, habituellement associés à ces grandes enquêtes internationales. La peine encourue est en effet de trois ans de prison.

Une disposition légale récente

Le changement de loi, façonné puis adopté par la majorité de centre-droit au Parlement en 2014, avait pour objectif de protéger la place financière suisse contre le vol de données bancaires. La gauche s'était alors notamment inquiétée de l'impact de ce projet sur le travail journalistique.

Le PLR et la conseillère fédérale en charge du dossier Eveline Widmer-Schlumpf (PBD) s'étaient voulus rassurants: les médias auraient toujours la possibilité de faire valoir le principe de l'intérêt public prépondérant en cas de procès. Le groupe Tamedia a toutefois estimé ses chances de succès maigres, la jurisprudence lui étant, selon lui, défavorable.

"La presse suisse aurait pu apporter de la nuance, elle est brimée. Cela uniformise encore plus l'information qui part d’une source unique et qui est relayée par 48 médias", a regretté lundi la journaliste économique indépendante Myret Zaki dans La Matinale de la RTS.

>> Plus de détails dans notre article : Myret Zaki: "Les révélations sur Credit Suisse s’inscrivent dans un contexte plus large de guerre économique"

"Les médias suisses ne peuvent pas apporter leur expertise, leur point de vue et leur angle dans cette analyse. Du coup, on a un contenu trop homogène qui est mauvais pour la liberté d'informer", a-t-elle poursuivi.

Atteinte à la liberté de la presse

Craignant pour la liberté de la presse, le secrétaire général de la section suisse de Reporters sans frontières (RSF) Denis Masmejean appelle à une modification de l'article de loi mis en cause.

"Cette disposition doit être réécrite. A plus court terme, nous souhaitons que les autorités judiciaires suisses s'abstiennent de déclencher des poursuites sur la base de cet article, en faisant une analyse juridique qui englobe la protection constitutionnelle de la liberté de la presse", a-t-il déclaré lundi dans le 12h30.

>> Ecouter l'interview de Denis Masmejean dans le 12h30 :

Dans l'univers de la presse, du papier au multimédia, un quiz de la Semaine des médias 2020. [Unsplash - Waldemar Brandt]Unsplash - Waldemar Brandt
Absents de l’enquête internationale sur Credit Suisse, le risque juridique était trop grand pour les médias suisses / Le 12h30 / 2 min. / le 21 février 2022

"S'agissant d'informations révélées par les médias dans le respect des règles professionnelles et contribuant à un débat d'intérêt général, la Cour européenne des droits de l'Homme ne tolère que peu d'exceptions à la liberté de la presse", rappelle également RSF dans un communiqué.

mm/iar avec l'ats

Publié

Les Verts et le PS en soutien

L'appel de Reporters sans frontières (RSF) est notamment soutenu par les Verts. Pour le parti, ces révélations montrent "une fois de plus" que les banques suisses continuent à faire des affaires avec des dictatures, des autocrates et des criminels. Et qu'elles sont protégées par l'article 47 de la loi sur les banques, rendu possible par une initiative parlementaire PLR. Les Verts indiquent lundi dans un communiqué avoir déposé une intervention qui demande une révision immédiate de cet article.

Les écologistes demandent en outre que le Credit Suisse et les autres grandes banques révèlent quels partis, groupes parlementaires et membres du Parlement elles soutiennent ou ont soutenu financièrement, sous quelle forme et à quelles conditions. Ils attendent la même transparence du PLR quant aux éventuels paiements reçus pendant la période de révision de la loi sur les banques.

Les socialistes "pas surpris"

De son côté, le PS n'est "pas surpris" par les révélations des "Suisse Secrets", a déploré son coprésident Cédric Wermuth lors d'un point de presse à Berne lundi. Le parti à la rose veut faire pression au Parlement pour renforcer la Finma. Le gendarme financier devrait pouvoir infliger des amendes, comme cela se fait dans d'autres pays.

Le PS veut par ailleurs auditionner en commission parlementaire Credit Suisse, la Finma et les autorités de lutte contre le blanchiment d'argent. "La Confédération doit pouvoir obtenir les données divulguées afin de faire la lumière sur cette affaire", selon Samuel Bendahan. Le parti déposera aussi lors de la prochaine session de printemps une intervention visant à "renforcer celles et ceux qui mettent en lumière de tels agissements".

>> Les précisions de La Matinale :

Le co-président du PS Cédric Wermuth lors du congrès socialiste. [Keystone - Martial Trezzini]Keystone - Martial Trezzini
"Suisse Secrets": il faut renforcer la surveillance des banques estiment le PS et les Verts / La Matinale / 1 min. / le 22 février 2022