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La douloureuse question du démantèlement des remontées mécaniques abandonnées

Le difficile démantèlement des installations de remontées mécaniques obsolètes.
Le difficile démantèlement des installations de remontées mécaniques obsolètes. / 19h30 / 2 min. / le 11 décembre 2021
Alors que la saison d’hiver débute, certaines installations resteront à l’arrêt. Elles le sont parfois depuis plusieurs années. Se pose alors la question, souvent émotionnelle et économique, de leur démantèlement. Reportage du magazine 15 Minutes.

En Valais, proche de la frontière italienne, sur la route du col du Grand-Saint-Bernard, il ne reste que les ruines de la station du Super Saint-Bernard. Vitres cassées, murs tagués et des pylônes hors d'usage. Cette petite station de ski située au fond du Val d'Entremont a fermé ses portes il y a une dizaine d'années, l'exploitant a fait faillite.

Le départ des installations se situe à près de 2000 mètres d'altitude. Ce n'est pas l'enneigement qui a été problématique mais plutôt la concurrence des autres stations, explique Gilles Délèze, responsable des projets de remontées mécaniques à l'Etat du Valais. "Ici on pouvait skier dès le mois de décembre parce qu'il y a beaucoup de neige mais rien d'autre, alors quand les stations voisines se sont équipées de canons à neige, le modèle d'affaires ne fonctionnait plus".

La station du Super Saint-Bernard, à l'abandon depuis 2010. [RTS - Guillaume Rey]
La station du Super Saint-Bernard, à l'abandon depuis 2010. [RTS - Guillaume Rey]

Depuis, les câbles ont été enlevés, par mesure de sécurité. Mais les vestiges du passé restent bien présents. "Maintenant, on a un problème paysager", souligne Gilles Délèze.

Le coût du démantèlement des installations encore en place, comme les gares d'arrivée et de départ, est estimé entre 1 et 2 millions de francs.

C'est le sort de ces installations abandonnées, comme celles du Super Saint-Bernard, qui a poussé le conseiller national Vert valaisan Christophe Clivaz à déposer une interpellation à Berne. Et il pourrait revenir à la charge prochainement sur ce dossier.

Qui doit payer pour ces ruines?

"Le réchauffement climatique et le contexte économique difficile contraignent des domaines skiables à stopper leur activité. Cette évolution, qui va se poursuivre à l'avenir, m'inquiète, tant d'un point de vue financier que paysager et écologique", justifie Christophe Clivaz.

>> Ecoutez le reportage de Quinze minutes :

Les installations des Monts-Chevreuils, sur la commune de Château-d’Oex, sont à l’arrêt depuis le début des années 2000. [RTS - Guillaume Rey]RTS - Guillaume Rey
15 Minutes - Remontées mécaniques: le défi du démantèlement / 15 minutes / 15 min. / le 11 décembre 2021

Actuellement, en Suisse, sur les 2433 installations de transport à câbles destinées au transport de personnes, 661 sont sous l'autorité de la Confédération, les autres relèvent de la compétence des cantons. Et sur ce nombre, quatorze installations sont enregistrées comme étant hors service. Selon la loi, elles doivent donc être démantelées, mais le processus tarde. Le conseiller national suggère de fixer des délais et de créer un fonds pour les démantèlements.

"Il ne faut pas oublier une chose, la plupart des touristes viennent en Suisse pour la beauté du paysage, alors le but ce n'est pas d'avoir des dizaines d'installations abandonnées qui défigurent l'environnement", argumente Christophe Clivaz.

Une question émotionnelle

A Château-d'Oex (VD), au Pays-d'Enhaut, le sort des remontées mécaniques est une question très émotionnelle. Les installations des Monts-Chevreuils sont à l'arrêt depuis le début des années 2000 en raison notamment du manque d'enneigement sur le bas des pistes. Un projet de démantèlement des 36 pylônes est prévu. La facture pourrait avoisiner les 500'000 francs.

"Si on regarde vers l'avant, on se rend bien compte que la neige à cette altitude se fait de plus en plus rare", constate Eric Grandjean, le syndic de la commune de Château-d'Oex. "Mais quand on abandonne une remontée mécanique, ce sont des souvenirs qui partent et ce n'est pas simple parce que c'est un sujet qui divise les gens."

Toujours à Château-d'Oex, une deuxième installation, au cœur du village, est aussi à l'arrêt: le téléphérique de la Braye, à deux pas de la gare. Une installation qui fait partie du patrimoine régional, estime Serge Gétaz, président du ski-club Alpina de Château-d'Oex. Une association a été créée pour la réhabiliter. "On a un projet de tourisme quatre saisons, c'est une plus-value pour la région de bénéficier de ces remontées et pour relancer ces installations il faudrait 6 à 7 millions, ça reste très raisonnable."

Un vote pour trancher?

Une nostalgie partagée par Thomas Borgeaud. Ce gérant d'un magasin de sports prépare les skis pour la saison, mais le coeur n'y est plus vraiment. L'enfant de la commune se souvient: "quand j'étais à l'école, on allait skier l'après-midi, maintenant les gamins n'ont plus aucune journée de ski, ils vont en camp de ski à Schönried". Et sans le téléphérique de la Braye, les affaires sont moins bonnes. "C'est dur de voir un avenir", déplore Thomas Borgeaud, qui envisage même de fermer boutique à la fin de l'année.

Mais Château-d'Oex ne vit pas qu'en hiver, il y a la piscine, les sentiers de randonnées, rappelle Jean-Pierre Ramel, un artisan de la région. Selon lui, la région est "magnifique" et reste attractive.

Conserver les remontées mécaniques à tout prix? Serge Gétaz reconnaît que tout le monde n'est pas du même avis ."On aurait besoin d'un référendum à Château-d'Oex pour savoir si la population veut maintenir ou non ces installations, ça serait un signal fort", estime-t-il. A l'arrêt depuis 2018, l'avenir de la Braye reste pour l'heure incertain.

>> Ecoutez le débat dans Forum :

Le grand débat - Réchauffement: démonter les remontées mécaniques?
Le grand débat - Réchauffement: démonter les remontées mécaniques? / Forum / 19 min. / le 10 décembre 2021

Guillaume Rey et Martine Clerc

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