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Les couples homosexuels pourront désormais se marier en Suisse

La loi sur le mariage pour tous acceptée à 64.1%
La loi sur le mariage pour tous acceptée à 64.1% / 19h30 / 1 min. / le 26 septembre 2021
Après des dizaines d'années d'attente, les couples homosexuels pourront enfin se marier. La Suisse a accepté dimanche à une nette majorité de 64,1% de leur accorder les mêmes droits qu'aux hétérosexuels.

Le résultat de dimanche est sans appel. Outre deux tiers des votants, tous les cantons ont approuvé le mariage pour tous, lui donnant ainsi une double légitimité. Au total, un peu plus d'un million d'électeurs ont rejeté le texte et 1,8 million d'entre eux ont glissé un bulletin favorable dans les urnes.

L'acceptation au sein de la population est même plus forte que lors de la votation sur le partenariat enregistré. En juin 2005, le peuple avait accordé ce droit aux couples homosexuels par 58%, mais sept cantons l'avaient refusé.

>> Retrouvez notre suivi de la journée : Le mariage pour tous largement accepté et l'initiative 99% écartée et Le conseiller national Nicolas Walder annonce qu'il va épouser son compagnon

>> Lire aussi: Le conseiller national Nicolas Walder annonce qu'il va épouser son compagnon

Un pas important, pour Karin Keller-Sutter

Un pas important a été franchi, a déclaré la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter devant la presse. L'élue a précisé que le gouvernement entend mettre rapidement en oeuvre la décision populaire et que les couples homosexuels pourront se marier à partir du 1er juillet 2022.

Le projet de mariage pour tous permet à tous les partenaires, indépendamment de leur sexe de se marier, a rappelé la ministre de Justice et Police. "Il ne change rien pour les couples constitués d'un homme et d'une femme. Mais c'est un pas important pour les personnes concernées." Karin Keller-Sutter a encore précisé que les dons de sperme anonymes et d'ovules, ainsi que la gestation pour autrui, resteront interdits.

Les couples homosexuels seront désormais traités de la même manière que les autres devant la loi, a poursuivi la conseillère fédérale. "L'Etat n'a pas à imposer aux citoyens comment ils doivent mener leur vie." L'ouverture du mariage à tous est un "grand symbole" et une "forme de reconnaissance par la société".

>> Écouter les propos de Karin Keller-Sutter dans le 19h30 :

Karin Keller-Suter "Le référendum donne une légitimité très forte à cette question"
Karin Keller-Suter "Le référendum donne une légitimité très forte à cette question" / 19h30 / 2 min. / le 26 septembre 2021

Un petit oui en Valais

Les cantons alémaniques, souvent urbains et protestants, ont été les plus enthousiastes pour le mariage pour tous. Bâle-Ville a plébiscité le projet par presque 74%. Suivent Zurich (69,1%), qui a organisé la première marche des fiertés suisse en 1978, et Bâle-Campagne (67,2%).

Sans surprise, l'opposition la plus forte est venue des bastions catholiques. Appenzell Rhodes-intérieures (50,8%) dit oui du bout des lèvres. Le Tessin (52,9%), le Valais (55,5%) et Schwyz (56,5%) n'affichent pas un score beaucoup plus élevé.

En Suisse romande, exception faite du Valais, la différence entre protestants et catholiques est moins nette, mais quand même visible. Genève, Vaud et Berne approuvent le projet à un peu plus de 65% et Neuchâtel à environ 63%. L'acceptation est moins importante à Fribourg (62,3%) et dans le Jura (61,1%).

Le fossé ville-campagne est plus marqué à l'intérieur des cantons. Certaines communes excentrées ou montagnardes, comme Evolène (VS), L'Abbaye (VD) ou Vaulruz (FR), ont même refusé d'ouvrir le mariage aux homosexuels.

Une question d'égalité

Les opposantes et opposants, particulièrement virulents en fin de campagne avec leurs affiches-chocs représentants des bébés-produits étiquetés et des pères-zombies, n'ont ainsi pas réussi à convaincre la population. L'enjeu des votations n'était, à leurs yeux, pas l'ouverture du mariage à tous, mais bien l'instauration d'un "droit à l'enfant" contre-nature.

Pour le camp du oui, le bonheur des enfants ne dépend pas de l'orientation sexuelle de leurs parents, mais de l'amour qu'ils leur portent. La question n'est pas d'être pour ou contre le mariage et le don de sperme, mais pour ou contre l'ouverture des mêmes droits à tous les couples, ont pointé le gouvernement et presque tous les partis. Les Suisses ont été plus sensibles à ces arguments.

Les couples homosexuels pourront désormais soit conserver leur partenariat enregistré, soit le convertir en mariage. Les mariages entre une femme et un homme ne sont pas concernés. Pas plus que les unions religieuses. De nouveaux partenariats ne pourront en outre plus être conclus.

Les lesbiennes pourront elles accéder aux banques de sperme suisses. Les dons de sperme anonymes et d'ovules, ainsi que la gestation pour autrui, resteront interdits. Et ce pour les couples homosexuels comme hétérosexuels. Outre ces deux points centraux, le projet prévoit aussi d'autres avancées, comme l'adoption conjointe ou encore la naturalisation facilitée.

>> Le reportage 19h30 sur la journée de votation :

Le mariage pour tous marque un tournant sociétal majeur en Suisse.
Le mariage pour tous marque un tournant sociétal majeur en Suisse. / 19h30 / 2 min. / le 26 septembre 2021

boi avec ats

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Plus d'heureux que de déçus

Le camp du oui a rapidement salué le résultat du jour, à l'image d'Olga Baranova, directrice de la campagne en faveur du mariage pour tous, qui a interprété ce oui à 64% comme un signal envoyé à la communauté homosexuelle: les couples homosexuels sont égaux aux hétérosexuels, leur amour a autant de valeur et ils sont d'aussi bons parents.

"On est contents d'aboutir enfin", a de son côté déclaré Olivier Bolomey, coordinateur du réseau vert'libéral "Queer pvl". Car la Suisse doit le mariage pour tous à ce parti et à sa conseillère nationale Kathrin Bertschy, qui avait déposé une initiative parlementaire allant dans ce sens en 2013.

>> Les réactions dans Forum de Muriel Waeger, directrice romande de Pink Cross, et Marco Chiesa, président de l'UDC :

Mariage pour toutes et tous: réactions de Muriel Waeger et Marco Chiesa
Mariage pour toutes et tous: réactions de Muriel Waeger et Marco Chiesa / Forum / 9 min. / le 26 septembre 2021

"C'est un monument qu'on a atteint"

La conseillère nationale Isabelle Moret (PLR/VD) estime que "ce fort soutien de la population est une belle victoire de l'égalité: l'Etat n'a pas à se mêler de la vie privée des gens et les laisser libres de leur choix."

Au Parti socialiste, le conseiller aux Etats genevois Carlo Sommaruga considère que "cette magnifique victoire montre que la société suisse est bien plus ouverte que le Parlement. Le travail parlementaire, difficile et long, a rencontré beaucoup de résistance.

"C'est un monument qu'on a atteint, a réagi sur la RTS la conseillère aux Etats Lisa Mazzone (Verts/GE). Le signal est d'autant plus fort que des régions par le passé réfractaires au partenariat enregistré tendent aujourd'hui vers le oui au mariage pour tous. On a pris la température de la société et elle a fondamentalement changé.

Du côté du Centre, ce résultat net montre que l'égalité pour tous a dépassé le débat sur la PMA, finalement disproportionné, a dit la conseillère nationale Marie-France Roth-Pasquier. La Fribourgeoise constate une évolution des mentalités, y compris dans son parti, qui avait lancé une initiative sur l'imposition des époux contenant une définition de cette institution comme l'union durable d'un homme et d'une femme. Le texte a entre-temps été retiré.

>> La réaction de Valérie Piller Carrard (PS/FR) :

Valérie Piller Carrard: "Une meilleure protection pour les enfants"
Valérie Piller Carrard: "Une meilleure protection pour les enfants" / Journée Votations / 1 min. / le 26 septembre 2021

Un "jour noir" pour le bien-être des enfants

Aujourd'hui est un "jour noir" pour le bien-être des enfants, a déclaré pour sa part la conseillère nationale Monika Rüegger (UDC/OW) du comité contre le mariage pour tous. Les enfants n'auraient plus le droit de grandir avec leur père et leur mère.

"J'ai le mauvais rôle aujourd'hui. Je me suis engagé de manière très forte dans la campagne non pas contre le mariage pour tous, mais contre la PMA", a de son côté réagi Benjamin Roduit (Centre/VS).

>> La réaction de Benjamin Roduit (Le Centre/VS) :

Benjamin Roduit: "On a accompli notre mission"
Benjamin Roduit: "On a accompli notre mission" / Journée Votations / 2 min. / le 26 septembre 2021

Le conseiller national Jean-Luc Addor (UDC/VS) craint lui qu'il n'y ait désormais plus de limites. "Quelle sera la prochaine étape? La gestation pour autrui?", a-t-il demandé.

Pour le parti évangélique suisse (PEV), on a ouvert la boîte de Pandore, a déclaré François Bachmann. Le parti attend désormais que le Parlement pose des limites "claires" dans la loi sur la procréation médicalement assistée et la filiation.

La Suisse rejoint une trentaine de pays

Avec ce oui dimanche dans les urnes, la Suisse rejoint la trentaine de pays qui ont déjà reconnu le mariage entre personnes de même sexe dans le monde.

Le Danemark a fait figure de pionnier en 1989 en autorisant les premières unions civiles pour les couples homosexuels.

Mais ce sont les Pays-Bas qui, en avril 2001, ont été le tout premier pays à légaliser le mariage homosexuel, qui accorde plus de droits. Depuis, 15 pays européens leur ont emboîté le pas : Belgique, Espagne, Norvège, Suède, Portugal, Islande, Danemark, France, Luxembourg, Irlande, Finlande, Malte, Allemagne, Autriche, Royaume-Uni.

En tout, 28 pays reconnaissent le mariage homosexuel dans le monde. Le Canada l'a autorisé dès 2005. Il a en revanche fallu attendre 2015 pour que la Cour suprême le légalise aux Etats-Unis.

Une série de pays ont eux introduit une union civile, équivalent du partenariat enregistré suisse, qui prévoit moins de droits que le mariage. En Europe, il s'agit de la Hongrie, la Croatie, la Grèce, Chypre, l'Italie, la République tchèque, la Slovénie et l'Estonie.

L'homosexualité est à l'inverse réprimée dans de nombreux pays, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique. Les relations entre couples de même sexe sont même passibles de la peine de mort au Soudan, en Somalie, en Mauritanie, en Arabie Saoudite ou encore aux Emirats arabes unis.