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Malgré l'abandon de l'accord-cadre, "la relation avec l'UE reste très large" pour Livia Leu

Politique étrangère de la Suisse: bilan et interview de Livia Leu
Politique étrangère de la Suisse: bilan et interview de Livia Leu / Forum / 8 min. / le 6 juillet 2021
Après six mois au poste de secrétaire d'Etat du Département des affaires étrangères, la Grisonne Livia Leu a dressé un bilan positif de son début de mandat malgré l'abandon du projet d'accord-cadre avec l'Union européenne. Elle indique aussi que d'éventuelles sanctions contre la Chine sont à l'étude.

Beaucoup de choses se sont passées pendant ces sept premiers mois au DFAE et Livia Leu tire un bilan positif de cette période: "On doit toujours regarder vers l'avenir. Ces premiers mois étaient intenses, notamment avec les négociations avec l'Union européenne. Mais je crois que le résultat est quand même celui d'une perspective dans l'avenir", affirme-t-elle au micro de Forum.

La diplomate a amené en mains propres la lettre à l'Europe, lui notifiant de la part de la Suisse la mort de l'accord-cadre: "C'était une négociation: toute négociation peut ne pas se terminer, c'est toujours possible. On doit trouver un accord et si on ne le trouve pas, c'est une fin normale. Il ne faut pas non plus dramatiser trop cet événement".

Consciente qu'elle amenait une mauvaise nouvelle, elle s'en amuse: "Oui, cela fait aussi partie de mon métier, ça peut arriver!"

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Le Conseil fédéral a placé beaucoup d'espoirs en cette haute fonctionnaire qui fête cette année ses soixante ans: elle devait être celle qui allait en quelque sorte amadouer l'Europe.

Elle analyse ainsi cet échec: "Je dirais qu'il faut évidemment toujours être deux", précise-t-elle. "Il faut trouver un champ d'entente qui corresponde aux intérêts des deux côtés. Là, la Suisse avait déjà fait de grandes concessions au début de cette négociation, elle n'avait plus une marge de manœuvre très large."

La Suisse, isolée?

Les premières conséquences de l'abandon de l'accord-cadre sont là: la Commission européenne a écarté la Suisse du programme de recherche européen Horizon. Le certificat Covid met du temps à être accepté par l'Union européenne. On parle même de menaces sur notre approvisionnement en électricité.

Je pense que la relation entre l'UE et la Suisse est trop importante pour la laisser tout simplement tomber.

Livia Leu, secrétaire d'Etat du Département des affaires étrangères

En l'absence d'accord avec l'UE, la situation semble devenir sérieuse: "L'Union européenne s'est maintenant aussi pris un moment de réflexion et je trouve que c'est une très bonne réaction de vouloir d'abord calmer un peu le jeu, laisser retomber la poussière et réfléchir aux intérêts en jeu.

Le dialogue n'est pas rompu avec l'UE

La secrétaire d'Etat relativise l'échec: "Je pense que la relation entre l'UE et la Suisse est trop importante pour la laisser tout simplement tomber." Et elle rappelle que ce "ne serait même pas possible", puisque quelque cent vingt accords restent en vigueur et applicables.

Pour la suite des discussions, la Suisse est-elle encore une interlocutrice crédible, alors qu'elle vient de disposer de sept ans de négociations? L'ambassadrice sera sans doute dans ses petits souliers lorsqu'elle devra retourner à Bruxelles, mais le dialogue est loin d'être rompu: "Ce n'était pas le seul et unique dialogue que nous avons avec l'Union; il y avait peut-être un peu plus de visibilité sur ces négociations", admet Livia Leu. "Mais, dans les faits, on a une relation très large avec l'UE."

"L'Union européenne restera toujours notre partenaire primordial et privilégié"

Toutefois, la Suisse semble se tourner vers d'autres parties du globe depuis quelques temps. Quelques semaines seulement après avoir débranché l'accord-cadre, le Conseil fédéral a choisi d'acheter des avions de chasse américains, il y avait pourtant des avions européens en course.

>> Lire : "Le choix du F-35? Comme un bras d'honneur", selon un député européen

Malgré les nombreuses critiques en Europe, "l'Union européenne restera toujours notre partenaire primordial et privilégié", souligne Livia Leu. "Et donc la volonté du Conseil fédéral est de continuer ce partenariat et d'établir un dialogue politique pour pouvoir justement traiter de tous les sujets ensemble", affirme la diplomate.

"Ceci dit, nous avons toujours eu d'autres partenaires importants, notamment les Etats-Unis, qui sont notre deuxième partenaire économique, voire la Chine (lire encadré) qui est entretemps devenu le troisième. Nous n'avons pas qu'un seul partenaire".

Interview radio: Pietro Bugnon
Adaptation web: Stéphanie Jaquet

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Des sanctions suisses sont à l'étude contre la Chine

La Chine, troisième partenaire économique de la Suisse, est sous le feu des critiques sur les questions de droits humains. A Berne, d'éventuelles sanctions sont à l'étude. La secrétaire d'Etat du Département fédéral des affaires étrangères Livia Leu l'a dit mardi soir dans l'émission Forum. Jusqu'à présent, le Conseil fédéral n'a pas bougé, mais la pression se fait de plus en plus forte.

L'Union européenne, le Royaume-Uni, les Etats-Unis ou encore le Canada: plusieurs pays ont osé les sanctions contre le géant chinois en mars dernier, face à la violente répression de la minorité ouïghoure dans le Xinjiang. La Suisse, elle, a choisi de ne pas suivre le mouvement.

Décision risquée pour Nicolas Walder, conseiller national vert genevois: "C'est un risque fort pour l'image de la Suisse, qui sera une des dernières démocraties libérales à détourner le regard des crimes majeures qui se déroulent aujourd'hui sur territoire chinois", a-t-il affirmé mercredi dans La Matinale. Il voit aussi le risque que la place financière suisse soit utilisée par certains dirigeants pour contourner les sanctions que d'autres pays leurs imposent.

Aucun intérêt

Mais pour d'autres, prendre de telles sanctions aujourd'hui n'aurait aucun intérêt. C'est l'avis de Laurent Wehrli, conseiller national PLR vaudois: "Il ne sert à rien de faire des grandes déclarations de sanctions et d'être tout seul. Cela n'a aucune conséquence. C'est pour cela que la Suisse s'associe toujours à des sanctions qui sont décidées par un organe supérieur dont elle est membre. Par exemple ici, ce serait l'ONU. La diplomatie, ce ne sont pas juste des beaux discours. Elle doit avoir un côté pragmatique et réel".

A la commission de politique extérieure du Conseil national, les relations Suisse-Chine sont tout de même source de préoccupations. Lors de sa dernière séance, elle a adoptée trois motions à ce sujet. L'une d'entre elles demande au Conseil fédéral d'introduire des exigences sur les droits humains dans l'accord de libre-échange qui lie la Suisse à Pékin.

>> Le sujet de La Matinale :

Des sanctions sont à l'étude contre la Chine. [EPA - ALEX PLAVEVSKI]EPA - ALEX PLAVEVSKI
Des sanctions sont à l'étude contre la Chine, le troisième partenaire économique de la Suisse / La Matinale / 1 min. / le 7 juillet 2021