Depuis 1446, l'eau du Grand bisse d'Ayent n'a que rarement arrêté de couler à travers les canaux en bois ou ceux creusés dans la roche, au travers des forêts de pins et des pairies.
Le bisse d'Ayent retrace à lui seul l'histoire valaisanne, un fil rouge à travers les époques. "Ce bisse a été construit à une époque où l'agriculture change" explique Gaëtan Morard, directeur du Musée valaisan des bisses. "On passe d'une agriculture de subsistance à l'élevage bovin, avec les vaches d'Hérens. Il fallait nourrir le bétail en hiver et donc irriguer les pâturages en automne pour faire du fourrage. Pour cela, il a fallu chercher l'eau encore plus loin, encore plus haut."
>>> Partez en balade avec le reportage de Katia Bitsch en compagnie de Gaëtan Morard
Le billet de 100 francs
Le bisse d'Ayent étant un modèle d'ingéniosité, il n'est pas surprenant que cette vue des chéneaux en bois accrochés à flan de falaise ait été choisie par la BNS en 2019 pour illustrer le billet de 100 francs de la Confédération.
Perché au-dessus du vide
La construction de ce passage était un travail périlleux. Il fallait avancer dans le vide sur une planche retenue par un contre-poids pour planter le "boutset", c'est-à-dire la poutre suivante, comme le montre l'illustration ci-dessous.
Des chéneaux restaurés
Ces chéneaux demandant beaucoup d'entretien, un tunnel a été construit en 1831 à la poudre par des ouvriers italiens pour faire passer l'eau. Les chéneaux ne servent plus aujourd'hui, mais ont été restaurés dans un but de préservation des savoirs d'antan.
"Sur chaque bisse, il y a un sentier pour le garde et la déclivité est assez faible, ce qui en fait des chemins de randonnée très appréciés des touristes anglais depuis le XVème siècle", explique Gaëtan Morard. Il a fallu attendre les années 1930 pour que les Valaisans prennent eux aussi conscience de la valeur patrimoniale des bisses.
>>> le bisse d'Ayent en image dans "Passe-moi les jumelles"
Toujours des droits d'eau
Si aujourd'hui les bisses sont surtout un atout touristique, ils servent toujours à l'irrigation des cultures et du vignoble. Plus de 80% des bisses valaisans ont conservé leur utilité agricole.
"A l'époque, les droits d'eau étaient transmis dans les familles et aujourd'hui encore, certains ont hérité de ces droits d'eau; ce sont les descendants des agriculteurs qui ont construit ces bisses", explique le directeur du musée. "Pour beaucoup c'est symbolique, mais dans le futur, en cas de pénurie d'eau avec le changement climatique, ces droits d'eau pourraient avoir une utilité".
>>> En 1963, l'émission Horizons campagnards de la RTS assiste à une réunion particulière de paysans valaisans autour de la question de la répartition des eaux du bisse de Sion.
L'assemblée se déroule dans un café où participent en nombre montagnards et vignerons, qui attendent de connaître les heures octroyées pour l'irrigation de chacune de leurs parcelles.