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Initiative "pour une eau potable propre et une alimentation saine"

L'initiative populaire "Pour une eau potable propre et une alimentation saine" veut mieux protéger les ressources naturelles en Suisse. [Keystone/EQ Images - Manu Friederich]
L'initiative populaire "Pour une eau potable propre et une alimentation saine" veut mieux protéger les ressources naturelles en Suisse. - [Keystone/EQ Images - Manu Friederich]
L'initiative "Pour une eau potable propre et une alimentation saine" veut conditionner l'octroi aux agriculteurs de paiements directs à un respect de mesures plus strictes pour protéger les eaux et la biodiversité. Les opposants, eux, dénoncent une initiative trop extrême et craignent qu'elle fasse chuter la production agricole en Suisse.

En Suisse, les agriculteurs qui respectent une série d'exigences environnementales peuvent recevoir des paiements directs de la Confédération qui visent à compléter leur revenu et à rémunérer équitablement leurs prestations en faveur de la biodiversité.

L'initiative "eau potable" - présentation et enjeux
L'initiative "eau potable" - présentation et enjeux / L'actu en vidéo / 3 min. / le 27 mai 2021

Ce que demande l'initiative

Toutefois, le comité de l'initiative "Pour une eau potable propre et une alimentation saine – Pas de subventions pour l'utilisation de pesticides et l'utilisation d'antibiotiques à titre prophylactique" estime que les exigences actuellement fixées pour permettre aux agriculteurs de toucher des paiements directs ne sont pas suffisantes. Il souhaite donc des conditions d'octroi plus sévères. Par ailleurs, il juge que la politique agricole actuelle viole le droit fondamental à disposer d'une eau potable propre.

L'initiative exige donc que seuls les agriculteurs qui n'utilisent pas régulièrement d'antibiotiques à des fins prophylactiques, n'utilisent pas de pesticides et qui sont en mesure de nourrir leur bétail avec le fourrage produit dans leur exploitation puissent obtenir des paiements directs.

Le comité d'initiative demande encore que la recherche et la formation agricoles s'engagent en faveur de ce type d'agriculture.

>> Voir le sujet du 19h30 sur le lancement de la campagne en faveur de l'initiative :

L'initiative pour une eau potable propre a été lancée lundi à Berne.
L'initiative pour une eau potable propre a été lancée lundi à Berne. / 19h30 / 1 min. / le 22 mars 2021

Soutiens variés à l'initiative

Le comité en faveur des deux initiatives (celle sur l'eau potable et celle qui vise l'interdiction des pesticides de synthèse, ndlr.), qui regroupe le WWF, Greenpeace, Pro Natura, Acquaviva, les Médecins en faveur de l'environnement, BirdLife et la Fédération suisse de pêche (FSP), a souligné les faibles moyens dont il dispose en comparaison avec les opposants.

"C'est un combat entre David et Goliath", a imagé Philipp Sicher, secrétaire générale de la FSP lors du lancement de la campagne. Ce dernier estime toutefois que les initiants peuvent compter sur trois forces: les données du monde de la santé, le soutien de la population et des faits.

>> Revoir le débat sur les pesticides dans Forum :

Le grand débat - Faut-il bannir les pesticides?
Le grand débat - Faut-il bannir les pesticides? / Forum / 20 min. / le 17 juillet 2020

Près de 2000 tonnes de pesticides sont utilisés chaque année pour cultiver les sols, a rappelé Ursula Schneider-Schüttel (PS/FR), qui soutient également les deux initiatives. Une grande partie des cours d'eau sont pollués. Cette situation a des répercussions sur la santé. "Les pesticides sont des tueurs de biodiversité dans les écosystèmes", a relevé François Turrian, directeur romand de BirdLife suisse. "Un organisme sur trois figure sur les listes rouges des espèces menacées en Suisse."

Soutien à droite aussi

L'initiative a également les faveurs d'un comité libéral. Après les tergiversations du Parlement sur les pesticides dans l'agriculture, il estime que le peuple doit pouvoir se prononcer.

Le comité réunit des membres des Vert'libéraux et du PLR, bien que le Parti libéral-radical recommande officiellement le rejet du texte. L'agriculture cumule d'énormes problèmes environnementaux, défend la présidente des Vert'libéraux Tiana Moser.

>> En lire plus : Un comité libéral soutient l'initiative "Pour une eau potable propre"

"La Suisse ne peut pas investir des milliards dans l'agriculture si, dans le même temps, celle-ci pollue nos sols et nos eaux avec des quantités excessives de chimie", estime Tiana Moser. Dans les eaux, on peut trouver de "véritables cocktails de poisons où quelque 80 substances toxiques différentes sont identifiées", selon la conseillère nationale. "Environ un million de personnes ont aujourd'hui de l'eau qui ne respecte pas les normes en vigueur".

Au Parlement, les solutions pour réduire l'utilisation des pesticides sont soit édulcorées, soit mises en veilleuse, soit rejetées. En mars dernier, il s'est montré très retenu à l'idée de contraindre les cantons à délimiter des aires d'alimentation des captages d'eau d'intérêt général jusqu'en 2035.

Le lobby agricole fait tout pour bloquer le moindre petit pas vers une meilleure protection de l'eau, "un de nos biens les plus précieux", ajoute Christian Wasserfallen (PLR/BE). L'initiative constitue dès lors un moyen de pression pour faire bouger les lignes.

Une initiative trop extrême pour les opposants

Le Conseil fédéral et une majorité du Parlement s'opposent à l'initiative telle que proposée. Le Conseil national a rejeté le texte par 107 non contre 81 oui (7 abstentions), tout comme le Conseil des Etats (31 non, 9 oui et 4 abstentions). Des modifications législatives visant à réduire les risques des pesticides ont été adoptées lors de la session de printemps du Parlement (voir l'encadré ci-dessous)

Pour les opposants à l'initiative, si celle-ci était adoptée, la production agricole suisse pourrait diminuer et les importations de denrées alimentaires devraient augmenter, avec pour conséquence un déplacement de la pollution à l'étranger.

"L'initiative eau potable n'a rien à voir avec l'eau potable", affirme Markus Ritter, président de l'Union suisse des paysans. "Elle veut coupler l'octroi des paiements directs à deux revendications peu pertinentes: seules les exploitations qui renoncent à tout produit phytosanitaire et produisent elles-mêmes l'intégralité du fourrage pour leurs animaux pourront encore en toucher."

L'Union suisse des paysans, qui défend les intérêts de 52'000 familles paysannes, souligne que l'initiative poserait d'énormes problèmes aux exploitations de volailles et de porcs, ces fermiers étant souvent dans l'incapacité de disposer de leur propre fourrage. Les exploitants seraient dès lors devant un dilemme: soit renoncer aux paiements directs pour continuer leur travail, soit renoncer aux filières où ces produits sont indispensables. Il faudrait alors compenser ce manque de production par des importations.

Exploitations bio aussi touchées

A cause de l'obligation de produire son propre fourrage et de l'interdiction des produits phytosanitaires, l'initiative "concerne aussi les exploitations bio et les prestations écologiques requises (PER), qui constituent aujourd'hui la base pour recevoir des paiements directs", relève Markus Ritter. Plus de la moitié des produits vendus sont aussi autorisés en agriculture biologique, pointe Anne Challandes, paysanne bio et présidente de l'Union suisse des paysannes et des femmes rurales.

>> Ecouter aussi :

Des produits bio sur un marché à la ferme en avril 2020. [Keystone - Jean-Christophe Bott]Keystone - Jean-Christophe Bott
Incompréhension après le refus de Bio Suisse de soutenir l'initiative pour une eau potable propre / La Matinale / 1 min. / le 16 avril 2021

Selon le comité, les ventes de produits phytosanitaires ont diminué de plus de 40% ces dix dernières années. Le secteur serait également parvenu à réduire de moitié les antibiotiques administrés aux animaux de rente.

Pour Anne Challandes, ce sont aussi précisément les prestations écologiques requises, parmi lesquelles un "usage ciblé" des produits phytosanitaires, qui garantissent que l'agriculture suisse se démarque de manière favorable de l'étranger.

Menace pour les emplois

Pour le comité "contre les initiatives phytos extrêmes", les deux textes (celui sur l'eau potable et celui qui vise l'interdiction des pesticides de synthèse, ndlr.) menacent également les emplois. "Le secteur agricole et alimentaire représente plus de 300'000 emplois, dont environ 160'000 dépendent directement de la production indigène", a dit Fabio Regazzi, président de l’Union des arts et métiers.

Des exigences élevées limitées à la Suisse ne feraient que favoriser l’essor du tourisme d’achat et affaiblir entreprises de transformation et de commerce indigènes.

Eric Butticaz

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Normes plus contraignantes sur les pesticides

Le Parlement a mis la touche finale en mars à un projet visant à réduire les risques liés à l'usage de pesticides et à mieux protéger les nappes phréatiques.

Le projet, issu d'une initiative parlementaire de la commission de l'économie de la Chambre des cantons, constitue un "contre-projet très indirect" aux deux initiatives populaires contre les pesticides sur lesquelles le peuple se prononcera en juin, a rappelé Christian Levrat (PS/FR) au nom de la commission.

Réduction des risques

Le projet modifie les lois sur les produits chimiques, l'agriculture et la protection des eaux. Il permet de réglementer l'utilisation de pesticides de manière plus stricte et de réduire considérablement les risques pour l'être humain, les animaux et l'environnement. Il vise aussi à protéger les eaux de surface, les habitats proches de l'état naturel et les eaux souterraines utilisées comme eau potable.

Les risques liés aux produits phytosanitaires devront être réduits de 50% d'ici 2027 par rapport à la valeur moyenne des années 2021 à 2025. En cas de risques inacceptables, le Conseil fédéral devra définir une trajectoire de réduction allant au-delà de 2027.