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Le Japon figé en mémoire de la plus grave catastrophe de son Histoire

Fukushima: il y a 10 ans, le Japon subissait un triple drame: séisme sous-marin, tsunami et catastrophe nucléaire
Fukushima: il y a 10 ans, le Japon subissait un triple drame: séisme sous-marin, tsunami et catastrophe nucléaire / 19h30 / 2 min. / le 11 mars 2021
Tout le Japon a observé un moment de silence pour les près de 20'000 personnes décédées ou disparues le 11 mars 2011 et dans les semaines suivantes, suite au séisme et au tsunami meurtriers. Puis il y eut l'accident nucléaire de Fukushima Daiichi: des villes entières évacuées, plus de 160'000 êtres humains déplacés pendant des mois ou des années.

Il était 4h46 en Suisse lorsque tout le Japon s'est figé pour une minute de silence afin de commémorer la catastrophe survenue il y a dix ans. C'est à cette heure-là que le terrible séisme a frappé, enclenchant son domino de répercussions, dont le tsunami et l'accident nucléaire de la centrale de Fukushima Daiichi. Le pire accident nucléaire depuis Tchernobyl, en Ukraine, le 26 avril 1986.

L'empereur Naruhito et le premier ministre Yoshihide Suga se sont exprimés à l'occasion des commémorations se tenant partout dans le pays. "La magnitude des dégâts causés par la catastrophe est si profonde que la mémoire inoubliable de la tragédie persiste dans mon esprit", a déclaré l'empereur.

"Notre nation a vécu plusieurs catastrophes qu'on peut considérer comme des crises nationales" mais "nos prédécesseurs ont surmonté chaque crise avec courage et espoir", a rappelé pour sa part Yoshihide Suga, assurant que le Japon regarderait "toujours vers l'avant".

Naruhito, empereur du Japon, et son épouse l'impératrice Masako, s'inclinent devant l'autel dressé en mémoire des victimes du séisme et du tsunami du 11 mars 2011. Tokyo, le 11 mars 2021. [Keystone/epa - Behrouz Mehri/Pool]
Naruhito, empereur du Japon, et son épouse l'impératrice Masako, s'inclinent devant l'autel dressé en mémoire des victimes du séisme et du tsunami du 11 mars 2011. Tokyo, le 11 mars 2021. [Keystone/epa - Behrouz Mehri/Pool]

Le lourd bilan humain de près de 20'000 morts ou disparus a été causé principalement par le gigantesque tsunami, dont les vagues hautes comme des immeubles se sont abattues sur les côtes du nord-est japonais peu après le tremblement de terre de magnitude 9,0.

Pour beaucoup, cet anniversaire est l'occasion d'un moment de réflexion personnelle sur un drame national encore douloureusement présent avec des dizaines de milliers de personnes déplacées et 2% de la superficie de Fukushima en zone interdite.

>> Lire : Dix ans après Fukushima, le nucléaire est toujours moribond au Japon

Des prières silencieuses sur le bord de mer de Sendai, en mémoire des victimes du 11 mars 2011. Préfecture de Miyagi, Japon, le 11 mars 2021. [Keystone/epa - Jiji Press]
Des prières silencieuses sur le bord de mer de Sendai, en mémoire des victimes du 11 mars 2011. Préfecture de Miyagi, Japon, le 11 mars 2021. [Keystone/epa - Jiji Press]

Des localités dévastées, abandonnées

A Sendai, une ville du département de Miyagi – qui a déploré plus de morts liés au tsunami que celui de Fukushima – le personnel de sauvetage et des familles de victimes sont venus se recueillir devant un mémorial, mais aussi déposer des fleurs et lancer des ballons devant l'océan, depuis un rempart censé réduire les dommages d'un éventuel nouveau tsunami.

Mais toutes les leçons n'ont pas toujours été tirées de cette catastrophe: ce rempart, par exemple, est surtout là pour offrir plus de temps afin de se sauver en cas de raz-de-marée. La vraie mesure de protection serait de ne plus construire trop près de l'océan si on n'est pas en hauteur. Toutefois, elle n'est pas forcément appliquée.

Plus au sud de la carte, Fukushima. Ce n'est pas juste une centrale nucléaire: c'est à la fois un département – un des plus vastes des 47 que compte le Japon – et une ville, à l'intérieur de ce département. Elle est située loin de la mer et par ailleurs éloignée d'environ 80 kilomètres de la centrale nucléaire de TEPCO, Fukushima Daiichi.

L'accident nucléaire a surtout touché d'autres villes, plus petites et moins souvent citées, qui sont localisée dans un rayon d'une vingtaine de kilomètres ou plus de la centrale: Futaba, Okuma, Tomioka ou Namie. Ces localités sont soit encore totalement dépeuplées, soit en petite partie repeuplées, mais quasiment uniquement d'hommes et de personnes âgées.

Encore aujourd'hui, la brigade locale des pompiers recherche les corps de personnes disparues le 11 mars 2011. Plage de Namie, Japon, le 11 mars 2021. [Keystone/epa - Kimimasa Mayama]
Encore aujourd'hui, la brigade locale des pompiers recherche les corps de personnes disparues le 11 mars 2011. Plage de Namie, Japon, le 11 mars 2021. [Keystone/epa - Kimimasa Mayama]

Des personnes oubliées

Sur ce plan, la politique dite "du retour" est plutôt violente, car elle divise des familles: les hommes reviennent pour travailler, mais laissent femmes et enfants ailleurs.

Quant aux personnes âgées qui reviennent, elles ne retrouvent souvent ni leur maison, ni leur ville. Des pavillons bon marché dans des quartiers sans âme leur sont proposés: ces personnes disent se sentir seules, avec personne à qui parler.

Si les effets majeurs sur la santé dus aux radiations ne sont pas effectivement mesurés, en revanche ce sont des dizaines de milliers de vies qui ont été mises sens dessus dessous par cet accident et par sa gestion depuis dix ans. Le gouvernement a investi des fortunes dans des constructions gigantesques, mais pas dans la santé mentale de la population. Ces dégâts – très nombreux – se mesurent en suicides, dépressions, alcoolisme, obésité et insomnies.

La désagréable sensation que les autorités abusent de la résilience et de la patience des habitants de cette région, qui ne se plaignent pas, et qui pourtant ont pour la plupart été dévastés par ce terrible 11 mars 2011.

QUELQUES CHIFFRES

Voici quelques chiffres permettant de se faire une idée de l'échelle du désastre survenu le 11 mars 2011, la plus grave catastrophe naturelle de l'Histoire japonaise récente:

– Le séisme

Le 11 mars 2011 à 14h46 au Japon (7h46 en Suisse), le terrible séisme sous-marin de magnitude 9,0 qui ébranle le nord-est du pays est l'un des plus puissants jamais enregistrés au monde.

Parti à une profondeur de 24 kilomètres, à 130 km environ de la côte du département japonais de Miyagi, il est ressenti dans une grande partie du pays.

Sa puissance est telle qu'il déplace Honshu, la principale île nippone, de 2,4 mètres vers l'est. Il aurait même décalé l'axe de rotation de la Terre de plus d'une dizaine de centimètres.

De la fumée s'élève à Tokyo après le tremblement de terre massif de 9,0 sur l'échelle de Richter, au large de la côte de Fukushima. Japon, le 11 mars 2011. [Keystone/ap - Feng Wuyong/Xinhua]
De la fumée s'élève à Tokyo après le tremblement de terre massif de 9,0 sur l'échelle de Richter, au large de la côte de Fukushima. Japon, le 11 mars 2011. [Keystone/ap - Feng Wuyong/Xinhua]

– Le tsunami

Le tremblement de terre déclenche un tsunami qui commence à atteindre les côtes japonaises une demi-heure plus tard.

Les instruments de mesure de l'Agence météorologique japonaise (JMA) enregistrent une vague culminant à une hauteur de "9,3 mètres ou plus" à Soma, dans le département de Fukushima.

En réalité, les flots ont déferlé à des hauteurs bien plus importantes, gravissant des collines, débordant des murs anti-tsunami, arrachant des maisons de leurs fondations et dévastant durablement des pans entiers de territoire.

A Ofunato, dans le département d'Iwate, la JMA a ainsi calculé a posteriori que les vagues avaient atteint 16,7 mètres de hauteur, en étudiant les traces laissées sur les bâtiments.

Séquences choisies - une vague gigantesque balaie tout
Séquences choisies - une vague gigantesque balaie tout / L'actu en vidéo / 3 min. / le 13 mars 2011

– Un lourd bilan humain

Le très lourd bilan humain de la catastrophe a été causé principalement par le tsunami. En décembre 2020, la police nippone recensait 15'899 décès et 2527 disparus. Plus de 6000 personnes ont été blessées, et d'autres sont décédées pendant et après l'évacuation.

Les trois départements de Fukushima, Miyagi et Iwate, le long de la côte nord-est, ont déploré le plus grand nombre de décès.

Trois jours après le tremblement de terre et le tsunami, des gens marchent dans les décombres de Minamisanriku. Japon, le 14 mars 2011. [Keystone/ap photo - Tsuyoshi Matsumoto/The Yomiuri Shimbun]
Trois jours après le tremblement de terre et le tsunami, des gens marchent dans les décombres de Minamisanriku. Japon, le 14 mars 2011. [Keystone/ap photo - Tsuyoshi Matsumoto/The Yomiuri Shimbun]

– La centrale nucléaire

Située juste en face de l'océan, la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi est heurtée le 11 mars 2011 par un mur d'eau de près de 15 mètres de haut.

La centrale est alors privée de courant, et ses groupes électrogènes de secours, noyés, ne fonctionnent plus. Ne pouvant plus être refroidis, les cœurs de trois de ses six réacteurs entrent en fusion. Plusieurs explosions d'hydrogène ravagent les réacteurs les jours suivants.

L'un des autres casse-tête est l'eau contaminée: 1,23 million de tonnes sont actuellement stockées sur le site de la centrale (lire ci-dessus).

Fukushima est en outre le pire accident nucléaire depuis celui de Tchernobyl, survenu en Ukraine le 26 avril 1986.

Séquences choisies - Images aériennes de Fukushima
Séquences choisies - Images aériennes de Fukushima / L'actu en vidéo / 1 min. / le 26 février 2012

– La zone d'évacuation

Immédiatement après la catastrophe de Fukushima, le gouvernement déclare une zone d'évacuation de 20 km autour de la centrale.

Ceux qui vivent à l'intérieur de cette "zone interdite" reçoivent l'ordre de quitter leurs logements, mais beaucoup de personnes résidant hors de ce périmètre décident aussi de partir. En mai 2012, le département de Fukushima recensait 164'865 personnes déplacées, par obligation ou par choix. En 2020, il en restait toujours 36'811.

La "zone interdite" déclarée après l'accident nucléaire représentait environ 12% de la superficie du département de Fukushima. Après les travaux intensifs de décontamination entrepris par le gouvernement depuis dix ans, cette proportion est tombée à 2,4%, soit 337 kilomètres carré.

Des chiens abandonnés parcourent les rues désertées de Minamisoma, dans la zone d'évacuation de 20 km autour de Fukushima Daiichi. Japon, le 7 avril 2011. [Keystone/ap photo - David Guttenfelder]
Des chiens abandonnés parcourent les rues désertées de Minamisoma, dans la zone d'évacuation de 20 km autour de Fukushima Daiichi. Japon, le 7 avril 2011. [Keystone/ap photo - David Guttenfelder]

– Les digues

Les digues contre les raz-de-marée étaient déjà nombreuses au Japon avant 2011, mais le tsunami a encore accéléré leur construction. Au total, un rempart discontinu de 430 kilomètres est censé être achevé prochainement sur les côtes des trois départements de Fukushima, Miyagi et Iwate.

Des bateaux ont été transportés par le tsunami à l'intérieur des terres, dans la zone d'exclusion de Namie. Japon, le 24 juillet 2011. [Keystone/ap photo - David Guttenfelder on assignment for National Geographic Magazine]
Des bateaux ont été transportés par le tsunami à l'intérieur des terres, dans la zone d'exclusion de Namie. Japon, le 24 juillet 2011. [Keystone/ap photo - David Guttenfelder on assignment for National Geographic Magazine]

Sujet radio: Karyn Nishimura

Adaptation web: Stéphanie Jaquet et les agences

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