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Le oui à l'initiative anti-burqa recule, selon un deuxième sondage SSR

Dernier sondage SSR avant les votations du 7 mars
Dernier sondage SSR avant les votations du 7 mars / 12h45 / 2 min. / le 24 février 2021
A quelques jours des votations du 7 mars, le soutien à l'initiative dite "anti-burqa" s'effrite, selon le dernier sondage SSR, publié mercredi. La loi sur l'identification électronique bascule, elle, vers le non, alors que l'accord de libre échange avec l'Indonésie serait accepté.

Le texte "Oui à l'interdiction de se dissimuler le visage" convainc de moins en moins. Alors qu'il bénéficiait d'une avance confortable il y a un mois, il ne récolte plus que 49% d'intentions de votes positives, soit une baisse de 7 points de pourcentage. Le non, lui, atteint désormais 47%. C'est ce qui ressort du second sondage de l'institut gfs.bern pour le compte de la SSR.

Quant à la Loi fédérale sur les services d'identification électronique, elle serait désormais rejetée par 54% des sondés. Seul l'accord de libre-échange avec l'Indonésie conforte sa longueur d'avance, avec 52% de oui.

Perte de soutien marquée en Suisse romande

C'est surtout en Suisse romande que l'initiative anti-burqa perd du terrain, avec une baisse de 17 points de pourcentage, pour atteindre 46%. Dans le même temps, le camp des opposants a bondi de 30 à 49%. "Souvent, en Suisse romande, la formation de l'opinion tarde un peu en comparaison avec la Suisse alémanique. Cela s'explique par le mécanisme des campagnes qui sont souvent d'abord lancées côté alémanique", indique Martina Mousson, politologue à l'institut gfs.bern.

Le non a aussi fortement progressé chez les femmes, à tel point qu'il est actuellement majoritaire dans ce groupe de population. Le texte obtient par contre toujours la faveur des hommes, malgré une tendance vers le non. "Le vote des femmes peut s'avérer décisif. Elles se sont bien mobilisées durant la campagne", précise Martina Mousson. La politologue n'observe toutefois pas de différence marquée dans les arguments entre les deux sexes.

>> La présentation des enjeux : L'interdiction de se dissimuler le visage soumise aux urnes le 7 mars

Comme lors du premier sondage, on remarque également un écart significatif entre les citoyens vivant sur le territoire helvétique et les Suisses de l'étranger. Ces derniers sont toujours nettement plus convaincus par l'initiative, puisqu'ils totalisent 58%, soit près de 10 points supplémentaires que leurs homologues habitant en Suisse.

Polarisation gauche-droite

L'interdiction de la cagoule, du niqab et de la burqa dans l'espace public continue de polariser l'échiquier politique. Sans surprise, les sympathisants des Verts et du PS continuent de rejeter massivement l'initiative, tandis que ceux de l'UDC la plébiscitent toujours aussi largement.

Une ligne de fracture semble se dessiner du côté des Vert'libéraux qui rejoignent désormais le camp rose-vert et rejettent le texte à 50% (contre 47% de oui). Les soutiens du Centre (anciennement le PDC) maintiennent leur soutien mais se dirigent aussi vers un refus, tout comme la base du PLR.

>> Notre quiz : Initiative "anti-burqa": qu'est-ce qui sera interdit en cas de oui? Notre quiz

Renversement de tendance sur l’identité électronique

Lors du premier sondage, la Loi fédérale sur les services d’identification électronique jouissait de 52% d’opinions favorables. Un mois plus tard, la tendance s’est nettement inversée: 54% des sondés la rejettent, tandis que 42% continuent de la soutenir. L’opposition à cette législation, qui vise à créer une carte d'identité unique afin d'accéder à de multiples services sur internet, s’est accrue dans tous les partis, y compris chez les indépendants.

>> La présentation des enjeux : Les contours de l'identification électronique au coeur du vote du 7 mars

Les adversaires les plus farouches se situent sur la gauche de l’échiquier politique, avec respectivement 71% et 65% de non chez les sympathisants des Verts (+26 points)  et du PS (+19). L’électorat de l’UDC rejoint aussi le camp des opposants (56% de non, +12), au grand dam des instances du parti qui prônent le oui. Seuls les partisans du Centre (à 54%, -9), des Vert’libéraux (à 57%, -12) et du PLR (à 62%, -10) restent favorables au texte.

Un petit oui au Tessin, un grand non en Romandie

Déjà peu convaincus dans la première enquête, les Romands sont désormais plus de la moitié à s’opposer à l’identité électronique telle que soumise au peuple (53% de non, 39% de oui). Les Alémaniques basculent eux aussi dans l’opposition au texte (54% de non, 42% de oui). Le soutien à l’e-ID reste en revanche majoritaire au Tessin (53% de oui contre 41% de non), même s’il recule de 13 points.

En début de campagne, les jeunes étaient les plus sceptiques. Aujourd’hui, il s’agit de la classe d’âge la moins hostile à l’e-ID (50% de non, 45% de oui). L’opposition la plus vive se retrouve désormais chez les seniors, 56% d’entre eux prévoyant de voter non (+22 points) tandis qu’ils ne sont plus que 40% à soutenir le projet (-16 points). La tendance est la même chez les personnes de 40 à 64 ans, le rejet du texte grimpant de 38% à 55%.

L’approbation de l’identité électronique croît à mesure que le revenu augmente. Le oui n’est toutefois majoritaire que chez les plus aisés. Deux tiers des personnes issues d’un ménage gagnant moins de 3000 francs par mois sont désormais opposées au texte (+20 points). De la même manière, le rejet de l’e-ID grimpe aussi de manière vertigineuse chez les sondés ayant le niveau de formation le plus bas, passant de 33% à 57%.

Les front se polarisent sur le libre-échange avec l’Indonésie

Au moment de l’enquête, une courte majorité de Suisses (52%) auraient accepté le troisième objet soumis au vote, à savoir l’accord de partenariat économique avec l’Indonésie. Le camp des partisans s’est maintenu par rapport au premier sondage (+1 point). Dans le même temps, les opposants ont gagné du terrain, passant de 36% à 41%. Les fronts politiques se sont polarisés, suivant le traditionnel clivage gauche-droite.

>> La présentation des enjeux : L'accord de libre-échange avec l'Indonésie soumis au peuple le 7 mars

A gauche, une grande partie des indécis d’il y a un mois se sont dirigés vers le non. Le rejet de l’accord grimpe à 69% (+12 points) chez les sympathisants verts et à 59% (+7) chez les socialistes. La part du non grossit aussi dans l’électorat de l’UDC, même si le oui y reste majoritaire (57%, -2). A l’inverse, l’approbation du texte augmente chez les partisans des Vert’libéraux (64%, +2), du Centre (68%, +5) et du PLR (78%, +3), ainsi que chez les sans-parti (48%, +6).

La Suisse romande est la moins convaincue

C’est toujours en Suisse romande que l’opposition à l’accord de libre-échange avec l’Indonésie est la plus forte avec 48% de non (+2 points) contre 43% de oui (+2). Le texte recueille la majorité en Suisse italienne (50% de oui, stable) et en Suisse alémanique (55%, +1). Comme lors du premier sondage, les femmes sont plus réticentes que les hommes, qui soutiennent largement ce nouveau partenariat économique.

Plus les personnes sondées sont aisées, plus elles approuvent le texte. Les opinions favorables sont ainsi majoritaires chez les personnes disposant de revenus supérieurs à 7000 francs par mois. Dans ces classes de revenu, la part du oui augmente d’ailleurs par rapport à la première enquête. A l’inverse, le soutien à l’accord de libre-échange n’atteint pas les 50% chez les personnes moins aisées, et en général il recule par rapport à la mi-janvier.

Les arguments économiques dominent

Les arguments en faveur de l’accord font mouche au sein de l’opinion. La perspective pour les entreprises suisses de bénéficier d’un avantage compétitif par rapport à leurs concurrents étrangers, les garanties posées en matière de durabilité de la production d’huile de palme et l’accès facilité à un marché de plus de 270 millions de consommateurs potentiels convainquent la majorité des personnes sondées.

Les opposants estiment pour leur part qu’il faut donner davantage de poids aux droits humains et à l’écologie dans la coopération avec les autres pays. Cet argument, bien que largement soutenu, ne semble pas déterminant dans la décision de vote. Il en va de même de la menace que poserait l’huile de palme bon marché pour la production d’huiles indigènes et (colza, tournesol) ainsi que de la faiblesse des bénéfices économiques attendus.

>> Lire aussi : L'initiative anti-burqa serait acceptée le 7 mars, selon un sondage SSR

Didier Kottelat et Mathieu Henderson

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Méthode

Cette deuxième enquête SSR menée par l'institut de recherche gfs.bern a été réalisée entre le 10 et le 18 février 2021 auprès de 12'166 votants (par téléphone et en ligne). La plage d'erreur statistique est de +/- 2,8 points de pourcentage.