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La Suisse va-t-elle interdire la gifle à son enfant?

Les députés fédéraux jugent le droit actuel suffisant pour lutter contre la gifle. [Fotolia - Bronwyn Photo]
La Suisse va-t-elle interdire la gifle à son enfant? / La Matinale / 1 min. / le 9 décembre 2020
Une fessée, une gifle, une petite tape. Ces gestes parfois vus comme anodins ne sont pas explicitement punis par la loi. Mais un postulat débattu mercredi au Conseil national demande que la loi suisse interdise la violence à l’égard des enfants.

Pour le Conseil de l’Europe, dont la Suisse est membre, les châtiments corporels, l’humiliation doivent être interdits, y compris à la maison. Soixante pays ont d'ailleurs déjà franchi le pas (Espagne, France, Portugal, Slovénie, Roumanie, Ukraine,…).

La Suisse, elle, n’a pas une législation qui interdit clairement tout type de violence, analyse Elda Moreno, cheffe du Service des droits des enfants au Conseil de l’Europe. Pour qu’il y ait une abolition des châtiments corporels, il faut avoir une législation très claire.

"Une société où on tolère qu’on frappe un enfant, c’est une société qui attribue à l’enfant un statut inférieur. Pour nous, au Conseil de l’Europe, les enfants ne sont pas des mini-personnes avec des mini-droits."

Le châtiment corporel comme moyen éducatif

Il y a du progrès, mais on peut mieux faire, selon Dominik Schöbi, directeur de l'Institut de la famille à l'Université de Fribourg: "La moitié des parents dit toujours avoir utilisé la violence contre leurs enfants, et c’est beaucoup. Il y a une minorité – entre 10 et 20% – qui l’utilise régulièrement. C’est trop élevé."

"Les parents qui utilisent la violence ne sont pas des monstres. La plupart des parents qui l'utilisent en Suisse, c’est de la violence qui résulte de situations stressantes. Et donc il faudrait donner aux gens des lignes directrices assez claires. Ça peut vraiment contribuer à la prévention de la violence", estime-t-il.

70% des parents utilisent la violence psychologique

Interdire (dans la loi) la violence à l’égard des enfants, c’est ce que demande un postulat débattu mercredi au Conseil national. Selon l’organisation Terre des hommes, un enfant âgé de moins de 2 ½ ans sur cinq subit des punitions corporelles.

Une récente étude de l’Université de Fribourg montre pour sa part que la moitié des parents intègre les châtiments corporels dans leur éducation, et que près de 70 % d’entre eux utilisent la violence psychologique.

Changer la loi

Certains parlementaires estiment que l’Etat ne doit pas se mêler de la vie privée. Mais pour Christine Bulliard-Marbach, conseillère nationale PDC fribourgeoise et auteure du postulat, inscrire ce principe dans le code civil serait un signal fort. "Nous savons que l’expérience de la violence a un impact durable sur l’enfance. Je suis donc convaincue que nous devons mieux protéger nos enfants. Et le meilleur moyen pour le faire est à mon avis d’inscrire le principe d’une éducation non-violente dans notre code civil."

"Je pense que maintenant c’est vraiment le moment, d’autant plus que nous sommes en retard, que la Suisse a signé la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant. Et à chaque fois, on nous confirme qu’on n’est pas conforme à nos engagements en matière de protection de l’enfance. Et ça, je crois que ce n’est plus tolérable", ajoute-t-elle.

Si le postulat est accepté, le Conseil fédéral sera chargé de faire un rapport sur cette question.

Pauline Rappaz

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