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Traçage dans les restaurants: réalités très différentes selon les cantons

Sur papier ou numérique? La complexité du traçage dans les restaurants romands. [Depositphotos - doble.dphoto]
Sur papier ou numérique? La complexité du traçage dans les restaurants romands / On en parle / 19 min. / le 16 octobre 2020
De la simple feuille de papier à Berne à l’application numérique obligatoire dans le Jura, les clients voient de tout dans les restaurants romands, comme le démontre l'enquête de l'émission de la RTS On en parle. Le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence confirme quelques abus.

En Suisse romande, quatre applications numériques existent aujourd'hui. Eat's me a été choisie par les cantons du Jura et de Neuchâtel. Le canton lacustre la recommande pour les clients au bar et qui restent debout, car une identification formelle est nécessaire. Elle est en revanche facultative pour les clients à table, qui peuvent aussi opter pour l'alternative de la feuille de papier.

A Genève, l'application CoGa est validée par le service du médecin cantonal. Le président de la Société des cafetiers, restaurateurs et hôteliers genevois indique toutefois que le relevé sur papier est tout à fait suffisant. Le traçage numérique est laissé à l'initiative des tenanciers, tout comme le choix des applications pour autant qu’ils puissent respecter les directives et obligations fédérales en termes de protection et de transmissions des données.

Vendredi à Fribourg, le Conseil d'Etat a annoncé qu'il exigeait lui aussi un système de traçage avec QR code, intitulé ok-resto, pour les établissements publics du canton accueillant une clientèle qui consomme partiellement ou entièrement debout. Dans la modification de l'ordonnance cantonale, le gouvernement prévoit toutefois qu'une solution alternative soit proposée aux personnes ne disposant pas d'un moyen de procéder au contrôle.

Vaud: déjà 250'000 téléchargements

Dans le canton de Vaud, GastroVaud a quasiment obligé ses membres à adopter socialPass la semaine dernière sur demande pressante du Conseil d'Etat.

La faîtière a décidé d'aller vite en imposant de facto cette application, offrant l'abonnement de 20 francs par mois à ses membres, mais aussi aux établissements qui proposent boissons et nourritures, comme les caveaux, buvettes sportives ou encore tea-rooms.

Aujourd'hui, près de 250'000 personnes et 3700 établissements ont téléchargé l'application.

Annonce à venir en Valais, rien à Berne

En Valais, le Conseil d'Etat communiquera lundi de nouvelles mesures concernant le tourisme. Selon le président de GastroValais, André Roduit, les restaurants et bars du cantons vont très vite privilégier une application numérique.

Rien de tout cela pour l'heure à Berne, où aucune application n'est recommandée. Les formulaires en papier y sont privilégiés et préconisés. Les restaurateurs doivent relever les coordonnées d'une personne au minimum par groupe: nom, date de naissance, adresse et numéro de téléphone.

Des abus signalés

Qu'elles soient sur papier ou dans une application digitale, les données sont conservées 14 jours, puis elles sont effacées. Selon les conditions générales des concepteurs des applications, seuls les services cantonaux de la santé peuvent les obtenir en cas de nécessité pour le traçage.

On a déjà eu plusieurs cas où des gens ont reçu de la publicité liée à ce genre d'applications

Adrian Lobsiger, préposé fédéral à la protection des données et à la transparence

Toutefois, le préposé fédéral à la protection des données, Adrian Lobsiger, a confirmé à la RTS que des cas d'utilisations abusives des données collectées dans les restaurants en Suisse ont été signalés. Cela a aussi été le cas en Grande-Bretagne, comme le révélait le Times, où les données des clients ont été vendues à des sociétés marketing.

"On a déjà eu plusieurs cas où des gens ont reçu de la publicité liée à ce genre d'applications. Nous nous sommes adressés aux prestataires qui ont corrigé le tir", développe Adrian Lobsiger.

"La loi fédérale est claire: les coordonnées ne peuvent pas être utilisées à d'autres fins que le traçage. Certaines applications offrent d'autres fonctionnalités à des fins marketing, mais c'est toujours sous réserve du consentement du client. Le transfert à un tiers est illégal", a-t-il précisé dans On en parle.

Isabelle Fiaux, Xavier Bloch, Lauria Sager et Bastien von Wyss
Adaptation web: Jérémie Favre

Tracer pour dépister via des applications dédiées : la question de la protection des données est posée.
Tracer pour dépister via des applications dédiées : la question de la protection des données est posée. / 19h30 / 2 min. / le 16 octobre 2020

>> Voir aussi le sujet du 19h30:

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Fonctionnement des applications

Le client télécharge l'application qui demande en général nom, prénom, numéro de téléphone et code postal. Selon les cantons, la personne devra aussi fournir son adresse postale et son courriel. L'application crée alors un QR code personnel qui est crypté et conservé sur son smartphone. Il aura ensuite deux possibilités: soit scanner le QR Code du restaurant affiché sur la table; soit présenter le code au personnel de l'établissement qui le scannera.

Il faut rappeler qu'il n'existe aucune base légale pour obliger un client à télécharger une application de traçage. Il a donc le droit de refuser, mais il devra tout de même donner ses coordonnées par écrit, le traçage étant obligatoire. Idem pour les personnes ne possédant pas de smartphone.

"Il faut garder une certaine souplesse face à la réalité", estime Adrian Lobsiger. "Il faut prévoir des exceptions. La liste en papier doit toujours pouvoir rester une possibilité", affirme-t-il.

Le préposé fédéral estime toutefois que d'un point de vue pratique, les solutions numériques ont des avantages: "Si l'application est bien faite, les données sont stockées, cryptées, l'accès est sécurisé et finalement les données peuvent être supprimées automatiquement. Mais du point de vue juridique, je n'ai pas de préférence".