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Suisse et Autriche, deux stratégies en matière de sécurité aérienne

Les bases aériennes de Zeltweg, en Autriche (gauche), et de Payerne, en Suisse. [RTS/Keystone - Mathieu Henderson/Dominic Favre]
Comment l'Autriche gère-elle sa flotte aérienne? (vidéo) / La Matinale / 4 min. / le 20 août 2020
Souvent citée dans la campagne autour de l'achat des nouveaux avions de combat, l'Autriche est fréquemment comparée à la Suisse. Il existe en effet plusieurs similitudes entre les deux pays, dont la neutralité. La RTS s'est rendue à Vienne pour voir comment les Autrichiens gèrent leur sécurité aérienne.

Les comparaisons entre la Suisse et l'Autriche sont multiples. Les deux pays comptent tout deux quelque 8,5 millions d'habitants, sont neutres et ne font pas partie de l'OTAN. Un effet miroir qui ne se reflète toutefois pas en matière de sécurité aérienne, à commencer par la taille des flottes d'avions de combat.

Exceptés leurs appareils d'entraînement qui seront hors service à la fin de l'année, les Autrichiens possèdent actuellement 15 jets, tandis que la Suisse en compte le double.

Pour rappel, le Conseil fédéral veut acheter entre 30 et 40 nouveaux avions de chasse et d'entraînement pour remplacer sa flotte à l'horizon 2030. L'Autriche, elle, se contentera dès l'année prochaine de ses 15 Eurofighter, alors que son territoire est deux fois plus vaste que celui de la Suisse.

>> Lire : Le Conseil fédéral lance sa campagne pour l'achat de nouveaux avions de combat

Surveillance ou défense

Cette différence de flotte s'explique notamment par des raisons historiques. La neutralité a été imposée à l'Autriche après la Seconde Guerre mondiale. Depuis, elle dispose d'une petite armée.

"La neutralité était une sorte de garantie qu'elle ne serait pas attaquée. Les Autrichiens n'ont donc pas eu le sentiment d'avoir besoin d'une grande armée et d'avions très chers", explique Michael Jungwirth, chef de la politique nationale pour le quotidien Kleine Zeitung à Vienne, interrogé par la RTS.

>> Interview de Michael Jungwirth :

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Le rapport des Autrichiens avec leur sécurité aérienne: interview de Michael Jungwirth, journaliste politique à Vienne / L'actu en vidéo / 2 min. / le 19 août 2020

Mais c'est aussi une question de stratégie militaire, comme l'explique Michael Bauer, porte-parole du Département de la défense autrichien: "Contrairement à la Suisse, nous n'avons pas de défense du ciel mais une surveillance de l'espace aérien. Celle-ci se composes de deux aspects. Il y a la partie passive avec les radars qui sont en fonction jour et nuit jusqu'aux frontières de nos voisins. Il y a également une partie active assurée par les Eurofighter qui sont opérationnels du lever au coucher du soleil."

Côté suisse, les missions s'effectuent encore de 6h00 du matin à 22h00 tous les jours, alors qu'il y a quelques années, l'engagement ne couvrait que les heures de bureau en semaine. L'objectif est toutefois d'assurer une police du ciel 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, dès le 1er janvier 2021.

>> Quelle stratégie pour l'Autriche? Interview de Michael Bauer, porte-parole du Département de la défense autrichien :

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L'Autriche et sa sécurité aérienne: interview de Martin Bauer, porte-parole du Département de la défense autrichien / L'actu en vidéo / 2 min. / le 19 août 2020

"Les questions de défense n'intéressent pas les Autrichiens"

Alors que les avions de combat font souvent l'objet de vifs débats en Suisse, le sujet ne semble pas susciter un intérêt débordant dans la population autrichienne. Les jets sont plutôt impopulaires, notamment en raison de leur coût. "Contrairement aux Suisses, les Autrichiens ne s'intéressent pas aux questions de défense", estime Michael Jungwirth. Le journaliste ajoute: "Depuis 30 ans, le budget militaire est minimal, et ceci indépendamment de la couleur politique du gouvernement. En principe, on donne un peu d'argent pour les coopérations internationales, notamment des missions de l'ONU."

Pour Georg Mader, spécialiste des questions militaires et aériennes, les politiciens seraient "crucifiés" s'ils décidaient de dépenser autant d'argent que la Confédération pour leur défense. Il regarde d'ailleurs la Suisse avec envie: "Elle est, pour nous passionnés de questions militaires et aériennes, un phare. Vous avez toujours pris les choses sérieusement contrairement à nous. Au plus fort de la Guerre froide, vous avez eu jusqu'à près de 300 avions. En Autriche, cela aurait été impensable. Les deux pays veulent être neutres, mais d'un point de vue des forces aériennes, ils sont incomparables."

>> "La Suisse est un phare": interview du spécialiste autrichien des questions militaires et aériennes :

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"La Suisse est un phare en matière de défense aérienne": interview de Georg Mader, spécialiste autrichien de l'aviation / L'actu en vidéo / 1 min. / le 20 août 2020

Collaboration et location d'avions

La Suisse et l'Autriche mènent des missions communes en matière de défense. Les deux Etats collaborent pour la surveillance aérienne lors du Forum économique de Davos par exemple. "Nous travaillons également ensemble au Kosovo depuis près de 20 ans pour assurer la stabilité du pays", ajoute le porte-parole Michael Bauer.

En outre, sur demande autrichienne, des experts de l'armée suisse se sont rendus à Vienne la semaine dernière pour expliquer la stratégie helvétique, a indiqué la conseillère fédérale Viola Amherd dans l'émission Forum, lundi dernier.

Alors que la Suisse a loué plusieurs Tiger F-5 à son voisin entre 2004 et 2008, un tel accord aurait été à nouveau évoqué le mois dernier, selon l'expert autrichien Georg Mader. Viola Amherd a toutefois confié à la RTS qu'une location était exclue en raison de l'état de la flotte suisse.

Tensions politiques

Malgré des stratégies différentes, la Suisse et l'Autriche connaissent toutes deux des débats tendus au niveau politique. Côté helvétique, la campagne en vue de la votation le 27 septembre sur une enveloppe de 6 milliards de francs pour l'acquisition de nouveaux avions bat son plein.

Vienne connaît elle aussi son lot de tensions. Jusqu'au mois dernier, le gouvernement prévoyait d'acheter des appareils. Il a toutefois décidé de tout geler, créant au passage un pataquès politique. Il faut dire que le pays est empêtré dans une bataille juridique avec le constructeur Airbus, exigeant une indemnité pour un contrat contesté d'Eurofighter conclu en 2003.

>> Découvrir aussi : Pour ou contre les avions de combat, Viola Amherd et Pierre-Alain Fridez répondent aux auditeurs

Mathieu Henderson et Marie Giovanola

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Zeltweg, principale base aérienne d'Autriche

Les avions de combat autrichiens opèrent depuis la base aérienne de Zeltweg, une petite ville à 200 km au sud-ouest de Vienne.

La commune dit tolérer les activités de cette base qui emploie environ un millier de personnes, mais qui génère des nuisances sonores.

>> Interview du maire de Zeltweg Günter Reichhold :

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Interview du maire de la commune autrichienne de Zeltweg, où se trouve la principale base aérienne du pays / L'actu en vidéo / 1 min. / le 18 août 2020