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La crise "a apporté de nouvelles manières de faire" au sein de l'ONU

Valentin Zellweger. [Keystone - Salvatore Di Nolfi]
L'invité de La Matinale - Valentin Zellweger, ambassadeur de la Suisse aux Nations Unies / L'invité-e de La Matinale / 12 min. / le 14 juillet 2020
Sur le départ, l'ambassadeur de Suisse auprès de l'ONU à Genève analyse l'évolution des relations internationales avec la crise sanitaire. Elles sont à un moment-charnière, estime Valentin Zellweger, et le multilatéralisme s'adapte au monde qui change.

Ambassadeur de Suisse auprès des Nations unies à Genève pour quelques jours encore, Valentin Zellweger participe cette semaine à la 44e session du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU. Il prendra ensuite la direction de Nairobi, au Kenya, où l'ambassade de Suisse couvre cinq pays africains (Kenya, Burundi, Ouganda, Rwanda et Somalie). Il sera remplacé à son poste à Genève par l'actuel ambassadeur de Suisse à New York, Jürg Lauber.

Le diplomate a porté son regard, mardi dans La Matinale, sur la crise liée à la pandémie actuelle et ses conséquences à l'échelon des organisations internationales.

"Elle a certainement apporté de nouvelles manières de faire", dit-il. "Le plus important, c'est que la Genève internationale a continué à fonctionner telle qu'on l'attend d'elle. L'OMS a joué un rôle phare, mais d'autres organisations aussi, comme le Haut-commissariat aux droits de l'homme, l'OIT, etc…"

Nouvelles manières de communiquer

Valentin Zellweger note que les organismes onusiens sont tout de suite passés en mode virtuel pour communiquer. "La Genève internationale a su s'adapter et il en restera d'autres outils que nous ne connaissions pas mais qui sont extrêmement utiles pour le travail dans le futur".

Cela lisse l'égalité des chances pour chacun d'être entendus, estime-t-il. "Cela permet d'être beaucoup plus inclusif, d'inclure des délégués qui restent dans leur capitale. C'est un élément très intéressant également sous l'aspect du changement climatique. Désormais, je pense que l'on va voyager beaucoup moins. Pour la première fois, par exemple, on a eu des séances transatlantiques en différents formats entre New York et Genève. On a vraiment enrichi notre boite d'instruments".

"Le monde change, le multilatéralisme s'adapte"

Les relations internationales sont à un moment-charnière, mais pas forcément le multilatéralisme, souligne le diplomate. "C'est le monde qui change et c'est le multilatéralisme qui s'adapte", dit-il. "La Chine s'affirme de plus en plus comme une puissance globale, les Américains se retirent non seulement d'organisations internationales mais également d'un rôle de leader sur la scène mondiale, il y a l'émergence de puissances régionales dans tous les continents. Donc c'est un monde qui change, et le multilatéralisme s'adapte".

Nécessité de mieux financer l'OMS à l'avenir

Beaucoup critiquée par certains pays pour avoir supposément mal géré la crise sanitaire, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) est sous le feu des projecteurs.

Mais "elle a le poids et les possibilités que lui donnent les Etats", rappelle Valentin Zellweger. "Elle doit informer et conseiller, c'est ce qu'elle a fait au cours de toute cette crise. L'OMS ne peut pas prendre des décisions pour les Etats, parce que les Etats ne voulaient pas lui conférer ce pouvoir".

Donc, critiquer l'OMS aujourd'hui en disant qu'elle aurait dû prendre des décisions, "c'est faux", dit-il, "parce qu'elle n'a pas ce pouvoir. Il faudra faire une évaluation de son action pendant cette crise, elle aura lieu bientôt, et on verra s'il faudra en tirer des conséquences. Et l'une des conséquences sera certainement de voir que l'OMS soit mieux financée qu'elle ne l'est maintenant, différemment".

Des gouvernements moins sensibles aux messages

L'ambassadeur suisse auprès des Nations Unies relève encore que la pandémie a eu comme conséquence aussi des entraves aux droits humains. "Et dans une telle situation, c'est d'autant plus important d'avoir une institution comme le Haut-commissariat aux droits de l'homme, qui dès le début avait mis le doigt sur ces risques de voir les droits humains souffrir dans cette crise. Ils ont fait un grand travail (...) en disant comment les gouvernements peuvent garantir les droits humains".

"Ils ont été écoutés dans beaucoup d'Etats, mais pas dans d'autres", reconnaît-il cependant. "Certains gouvernements étaient moins sensibles à ce message que d'autres".

Propos recueillis par Valérie Hauert/oang

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