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Un magnétiseur-médium jugé en juin pour avoir abusé de 30 personnes

Un magnétiseur vaudois sera jugé dans un mois. Il y aurait 30 victimes et il serait notamment coupable de contrainte sexuelle et viol.
Un magnétiseur vaudois sera jugé dans un mois. Il y aurait 30 victimes et il serait notamment coupable de contrainte sexuelle et viol. / 19h30 / 2 min. / le 14 mai 2020
Un sexagénaire qui se présentait comme magnétiseur-médium aurait sévi pendant dix ans dans le canton de Vaud. Il est notamment poursuivi pour viol, contrainte sexuelle et escroquerie. Il sera jugé en juin et risque plus de six ans de prison, a appris la RTS.

L’acte d’accusation, qui résume les faits retenus à l'encontre du prévenu, fait 35 pages. Dans ce document en possession du 19h30, le procureur au Ministère public de Lausanne Laurent Contat détaille les histoires de 30 présumées personnes lésées, 29 femmes, dont deux âgées de 16 et 17 ans, et 1 homme.

Le représentant du Ministère public écrit que certaines clientes du magnétiseur ont refusé de témoigner parce qu'elles n’ont pas réussi "à surmonter à la fois la peur des représailles et les sentiments de honte et culpabilité". D’autres clientes ont accepté de témoigner, mais n'ont pas souhaité porter plainte. C'est pour cette raison qu'il n'y a "que" 19 plaignants.

Le prévenu a abusé de la détresse de certaines clientes, qui le considéraient comme leur dernier espoir

Laurent Contat, procureur au Ministère public de Lausanne

Pour le procureur Laurent Contat, le prévenu, un homme d’une soixantaine d’années, ancien policier, a "commis des acte sexuels sur des clientes, lors des séances de soins, en les prenant par surprise ou en les mettant hors d’état de résister au moyen de l'hypnose". Le magnétiseur aurait également "abusé de la détresse de certaines d'entre elles, qui le considéraient comme leur dernier espoir, pour les amener à accepter des actes sexuels au motif que leurs problèmes étaient issus d’un blocage sexuel et qu'elles n’avaient d'autre choix que d'accepter les actes incriminés, faute de quoi elles ne pourraient pas être libérées de leurs maux".

Magie noire

Dans l'acte d’accusation, le magistrat vaudois énumère les faits qui se seraient produits entre 2008 et 2018, toujours dans le canton de Vaud. On constate que les présumées victimes avaient pris rendez-vous avec le magnétiseur pour différentes raisons: cheville gonflée, libérer l'âme d'un proche, problèmes de couple, rupture compliquée, migraines, anémie, manque de confiance en soi, difficultés à avoir un enfant, dents qui claquent la nuit, traumatisme d'un viol subi, état dépressif, volonté d’arrêter de fumer, acouphènes, alcoolisme, deuil d'un proche.

Selon l’acte d’accusation, la solution prônée par le prévenu passait souvent par le déblocage de l'énergie sexuelle. Aux yeux du procureur, le sexagénaire pourrait ainsi s’être rendu coupable de viol à quatre reprises et de contrainte sexuelle à onze reprises.

Le procureur Contat relève également 14 situations dans lesquelles l'escroquerie pourrait être retenue. Le magnétiseur aurait ainsi demandé près de 10'000 francs à un client pour "libérer l’âme de sa tante", et 6000 francs à une cliente, sous l’emprise "de la magie noire".

Père, sauveur ou magicien

"Grâce à son bagout, il a convaincu ses clients qu'il avait des capacités hors du commun, de l'ordre du paranormal, et que lui seul pouvait résoudre leurs problèmes, écrit le procureur. Il a ainsi annihilé la capacité de jugement de ses victimes et instauré une véritable emprise sur elles, en tirant profit du transfert inhérent à toute relation de soin, car il incarnait pour ses patients, tour à tour, l'archétype du "père", du "sauveur" et du "magicien".

Il a convaincu ses clients qu'il avait des capacités hors du commun, de l'ordre du paranormal

Laurent Contat, procureur au Ministère public de Lausanne

Laurent Contat évoque "un système si bien rôdé" que le prévenu "aurait pu sévir de nombreuses années encore si une des victimes n'avait pas eu le courage de briser le silence".

Ouverture du corps

Cette personne, c'est une femme âgée d’une vingtaine d'années en septembre 2018 quand elle se rend chez le magnétiseur sur les conseils d'une amie. Elle essaie d'avoir un deuxième enfant après avoir fait plusieurs fausses couches. Selon l'acte d’accusation, lors du troisième rendez-vous, le prévenu dit à la cliente qu'avec "l'ouverture du corps" qu'il va pratiquer, le deuxième enfant va arriver dans les prochains jours. Il la pénètre alors vaginalement avec ses doigts puis lui interdit de parler de ce rendez-vous à qui que ce soit. Le lendemain de ce rendez-vous, 27 octobre 2018, la cliente dépose une plainte pénale.

L'enquête est lancée. Le prévenu est arrêté quelques jours plus tard, le 7 novembre 2018. Il est actuellement en détention provisoire à la Prison de la Croisée. Le procureur l'a renvoyé devant le Tribunal criminel, cela signifie qu'il entend requérir plus de six ans de prison à son encontre. Le procès est prévu sur une semaine, du 22 juin au 26 juin.

Dans cette affaire, le prévenu conteste avoir escroqué ses clients, affirme avoir fait son travail sans toucher et dit que, s'il y a eu des relations sexuelles, elles étaient consenties.

Fabiano Citroni

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Narcissique et borderline

Selon un arrêt de la Chambre des recours pénale du 15 octobre 2019 évoqué par 20 minutes, le magnétiseur a été soumis à une expertise psychiatrique. Selon les experts, il "souffre d’un trouble mixte de la personnalité, narcissique et borderline, ainsi que d’un trouble du comportement alimentaire sous forme de boulimie atypique".

Ils évoquent aussi un "besoin de domination de l’autre dans la relation". Ils précisent enfin que, si les faits sont avérés, "sa responsabilité pénale est entière sur le plan psychiatrique" et "le risque de récidive élevé pour des faits de même nature".