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Les Genevois les plus pauvres sont quatre fois plus exposés au Covid-19

Deux personnes sans-abri dans une rue de Berlin. [Keystone - DPA/Paul Zinken]
Au-delà des chiffres: la précarité, un facteur de risques important face au coronavirus / Forum / 3 min. / le 12 mai 2020
Les personnes défavorisées pourraient avoir jusqu'à 4,5 fois plus de risques d’être atteintes par le coronavirus que la moyenne de la population, selon une étude menée lors d'une distribution de nourriture le 2 mai à Genève.

Selon cette étude (voir encadré), conduite par Médecins sans frontières et les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), la population précarisée présente un risque d'infection largement supérieur à la moyenne.

Le jour du sondage, menée lors d'une distribution de paniers de nourriture, 1% de la population genevoise était dépistée positive au coronavirus. Or, ce taux était de 3,4% parmi les personnes interrogées, toutes en situation de précarité.

Par ailleurs, les auteurs de l'étude estiment que ce résultat est sous-évalué. En tenant compte d'une marge d’erreur, ils estiment que c’est plutôt autour de quatre fois plus de risques, car près de 10% des personnes questionnées ce jour-là partageaient alors leur logement avec un malade.

>> Lire aussi : La crise met en lumière la situation des plus démunis en Suisse romande

Des observations qui confirment des hypothèses

Cette étude confirme en tous les cas des faits déjà observés à Singapour, New-York ou encore Chicago, par exemple, où le nombre de décès du Covid-19 étaient beaucoup plus élevé dans les quartiers défavorisés.

En cause, la promiscuité forcée de celles et ceux qui vivent à plusieurs dans un espace restreint, et qui rend impossible le respect des distances physiques sanitaires. Seul un tiers des personnes interrogées seraient en mesure de s’auto-confiner si elles étaient malades.

De plus, beaucoup renoncent à se faire dépister pour des raisons de coûts et de logistique. Parmi les sondés, 90% ont dit vouloir se faire tester en cas de symptômes, et pourtant 26% seulement l’ont réellement fait.

Pas de données nationales

Enfin, un dernier facteur pourrait contribuer à exposer davantage les plus pauvres. En effet, selon les données de l’Office fédéral de la statistique, ceux-ci sont davantage touchés par des maladies chroniques, telles que le diabète (deux fois plus) ou l’hypertension (trois fois plus), qui représentent un facteur aggravant du Covid-19.

Si cette étude semble confirmer des hypothèses déjà fortement soupçonnées, elle reste toutefois restreinte, avec un échantillon de seulement 532 personnes, et uniquement à Genève. Mais il n'en existe aucune de la sorte au niveau national, l’OFSP ne tenant pas compte des profils socio-économiques dans son analyse des cas.

>> Interview d'Yves Jackson, co-auteur de l'étude et médecin aux HUG :

Le Covid-19 touche quatre fois les personnes défavorisées (image d'illustration). [Keystone - Peter Klaunzer]Keystone - Peter Klaunzer
Interview d'Yves Jackson, co-auteur de l'étude et médecin aux HUG: / La Matinale / 59 sec. / le 13 mai 2020

Alexandra Richard/jop

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Méthode et détails de l'étude

Au total, 554 personnes ont été abordées consécutivement dans la file d’attente d'une distribution de denrées de première nécessité à Genève, le 2 mai 2020, et 532 (96%) ont accepté de répondre, sous couvert d'anonymat, à des questions portant sur des aspects démographiques, économiques et médicaux dans le contexte du Covid-19.

Un questionnaire standardisé a été administré en plusieurs langues (français, anglais, italien, espagnol, portugais, arabe, farsi et mongol) par des enquêteurs formés à la récolte de données scientifiques.

L'échantillon est composé majoritairement de femmes (75%), et l'âge allait de 18 à 76 ans (âge moyen: 44 ans). Les personnes migrantes sans statut légal (sans-papiers) représentaient 52% des participants. De nombreux répondants avaient un statut accordant le droit à l’aide sociale : citoyens suisse (3,4%), résidents avec titre de séjour (28,3%) et requérants d’asile (4,3%). Le statut n’était pas connu chez environ 12%.

Une personne sur dix vivait dans un hébergement collectif (foyer ou abris pour personne sans domicile fixe) ou dans la rue. En moyenne, le logement privé comprenait moins de 2 pièces pour dormir et abritait environ 4 personnes. Ainsi, la moyenne de personnes/chambre était de 2,5.

Où la Suisse cachait-elle ses pauvres?

La Suisse s'est émue ces derniers jours des images d'immenses file d'attente pour une distribution de nourriture à Genève. Beaucoup se sont demandés où et comment vivaient ces personnes habituellement ces personnes précaires, puisqu'on ne les voit pas.

Eléments de réponse dans le Point J avec Nawel Khemissa, éducatrice et membre du collectif L’armoire à couvertures.

L'épisode du podcast: