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Blocher attaque la norme antiraciste

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Christoph Blocher en Turquie: "génocide arménien" omniprésent
Christoph Blocher a critiqué mercredi à Ankara la norme antiraciste helvétique. Il a regretté qu'elle ait conduit à une enquête en Suisse, très critiquée par la Turquie, contre un historien turc pour ses propos sur le génocide arménien.

«Cet article me fait mal au ventre», a affirmé le chef du
Département fédéral de justice et police (DFJP) devant la presse.
Il a été adopté en 1994 pour empêcher des propos négationnistes
relatifs à l'Holocauste, a relevé le conseiller fédéral à l'issue
de sa rencontre avec le ministre turc de la justice Cemil
Cicek.

«Personne n'aurait alors pensé qu'il traînerait en justice un
éminent historien turc» (voir ci-contre), a estimé
Christoph Blocher en invoquant la liberté d'expression. Le DFJP
«examine ce qu'il peut faire pour que cela ne se reproduise pas», a
ajouté le ministre, précisant qu'il appartient aux Chambres
fédérales et au gouvernement de décider d'une éventuelle
modification de l'article.

La question arménienne

Selon ce texte, toute personne qui tient des propos tendant à
nier, minimiser ou justifier un génocide ou autres crimes contre
l'humanité est punissable. Alors que le Conseil national et des
parlements cantonaux ont reconnu le génocide arménien perpétré par
l'armée ottomane, Christoph Blocher a rappelé la position
officielle «cohérente» du Conseil fédéral, qui parle des
«événements tragiques de 1915».



«Nous, les politiciens n'avons pas à nous prononcer sur la
question», a-t-il affirmé. «Nous sommes persuadés que la solution
d'une commission internationale d'historiens est la bonne», a
estimé le ministre.

Code civil "suisse"

Au début de sa visite, le conseiller fédéral s'était par contre
dit fier que la Suisse ait contribué à recréer le système juridique
turc il y a 80 ans «en offrant son code civil». Il a aussi évoqué
d'autres liens historiques entre les deux pays.



Il s'exprimait devant environ 200 personnes à l'Université
d'Ankara, à l'occasion de la cérémonie d'ouverture d'un symposium
marquant le 80ème anniversaire de l'entrée en vigueur du code civil
turc. Ce dernier est calqué sur les deux textes suisses de
1912.

Liens commerciaux

Le conseiller fédéral a d'autre part souligné les liens
commerciaux entre les deux pays. Evoquant, sans la citer, Ems
Chemie, l'entreprise qu'il détenait jusqu'à son accession au
gouvernement fin 2003, le ministre a raconté qu'il a noué une
«longue et fructueuse relation d'affaires (...) empreinte de
confiance mutuelle» avec un chef d'entreprise turc. Le chef du DFJP
prenait part à la cérémonie sur l'invitation du ministre turc de la
justice Cemil Cicek.



Ce dernier a déclaré que le code civil suisse avait été préféré à
celui d'autres pays comme la France ou l'Allemagne car il était
alors «contemporain, moderne et laïc» et basé sur l'égalité entre
homme et femme.



Avant de quitter Ankara pour la Suisse mercredi en fin d'après
midi, le conseiller fédéral déposera une gerbe au mausolée de
Mustafa Kemal Atatürk, père fondateur de la Turquie moderne, mort
en 1938.



agences/stp

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Suisse-Turquie: relations tendues

Le déplacement de Christoph Blocher intervient alors que les relations entre Berne et Ankara se sont tendues ces dernières années. Principal motif: le Conseil national et des parlements cantonaux ont reconnu le «génocide arménien» perpétré par l'armée ottomane en 1915.

Ankara, qui rejette ces accusations et parle d'"événements consécutifs à la guerre", avait annulé un voyage de la cheffe du Département fédéral des affaires étrangères Micheline CalmyRey, qui ne s'est pas rendue dans la capitale turque avant mars 2005.

Quelques mois après son retour, Ankara s'est offusqué d'enquêtes ouvertes par la justice suisse contre deux personnalités turques - l'historien Yusuf Halacoglu et le nationaliste de gauche Dogu Perincek - pour négation du génocide arménien.

Peu après, en août 2005, la Turquie a annulé la visite du chef du Département fédéral de l'économie Joseph Deiss sur les bords du Bosphore et un déplacement en Suisse de son homologue turc.

Le dernier épisode des tensions turco-suisses date d'avril dernier: Ankara a décidé d'exclure sans explications l'avionneur suisse Pilatus d'un appel d'offres pour de nouveaux avions d'entraînement.

L'association Suisse-Arménie réagit

Les propos de Blocher contre la norme antiraciste soulèvent les critiques en Suisse.

L'association Suisse-Arménie, qui avait porté plainte contre l'historien Y.Halacoglu, a qualifié les dires du conseiller fédéral d'irresponsables.

Le porte-parole de l'association "regrette" vivement ces déclarations, qui "sont d'une gravité inouïe et portent atteinte à l'indépendance de la Suisse".

Le chef du DFJP "ridiculise la Suisse en la transformant en tapis rouge pour les pires négationnistes". "Et Ch.Blocher se ridiculise lui-même en définissant Yusuf Halacoglu d'éminent historien turc", a-t-il ajouté.