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La recherche sur l'être humain soumise au peuple

Expérience mesurant l'activité électrique du cerveau réalisée à l'Université de Genève
Tests sensoriels réalisés par le Pôle de recherche national (PRN) "Sciences affectives".
Le peuple devra décider le 7 mars de la place qu'il entend laisser à la recherche sur l'être humain en votant sur le nouvel article constitutionnel. Un large front soutient le texte qui pose les bases de la future législation. Mais certains le juge trop stricte, d'autres trop laxiste.

Aujourd'hui déjà, les chercheurs ne peuvent pas faire n'importe
quoi en matière de recherche sur l'être humain. Mais les règles
fédérales sont souvent lacunaires et centrées sur certains
domaines, comme la procréation médicalement assistée, l'utilisation
des cellules souches, les essais cliniques avec des médicaments. La
situation n'est pas meilleure au niveau des cantons.



Pour corriger le tir, le Conseil fédéral et la plupart des grands
partis proposent de compléter la constitution. La disposition
soumise au vote du peuple et des cantons sera concrétisée dans une
loi. Celle-ci a été présentée par le gouvernement en octobre, mais
elle ne passera au Parlement qu'après le scrutin.

Protéger la dignité humaine

Le nouvel article constitutionnel vise à protéger la dignité des
personnes participant à des projets scientifiques tout en
garantissant la liberté de la recherche. La Confédération est
autorisée à légiférer, à condition de ne pas créer d'entraves
inutiles pour les chercheurs et de tenir compte des bénéfices
potentiels pour la population.



La question de la liberté de la recherche a donné du fil à
retordre aux Chambres fédérales, une minorité emmenée par le camp
rose-vert craignant de faire la part trop belle à l'industrie
pharmaceutique. Le principe général énoncé s'applique à tous les
domaines de recherche, qu'il s'agisse de médecine, de biologie, de
psychologie ou de sciences sociales. Cela englobe aussi bien les
données personnelles que le matériel biologique d'individus vivants
ou décédés, ainsi que les embryons et les foetus.



Vu l'aspect sensible de la biomédecine, l'article constitutionnel
inclut directement une série de garde-fous valant uniquement pour
ce domaine. Dans ce cadre, il convient en premier lieu d'obtenir
«le consentement éclairé» de la personne avec laquelle les
chercheurs souhaitent collaborer. Il est précisé qu'un «refus est
contraignant dans tous les cas».

Des gardes-fous

La loi peut néanmoins prévoir des exceptions, en particulier
dans les cas d'urgence. S'agissant d'un enfant, sa participation à
un projet est conditionné au feu vert de ses parents, qui sont ses
représentants légaux. Une protection renforcée est censée être
assurée pour les personnes incapables de discernement, que ce soit
en raison de leur jeune âge ou de leur état de santé physique ou
psychique.



Une recherche ne peut être réalisée sur elles que si des résultats
équivalents ne peuvent pas être obtenus chez des personnes capables
de discernement. Les services du ministre de la Santé Didier
Burkhalter citent les études sur les maladies infantiles, qui ne
peuvent par définition être conduites qu'avec des enfants. Les
participants doivent en outre pouvoir escompter un bénéfice. Sinon,
«les risques et les contraintes doivent être minimaux».



Enfin, une expertise indépendante doit établir que la protection
des personnes impliquées dans un projet de recherche est garantie.
Le projet de loi prévoit que cette tâche continue d'être effectuée
par les commissions d'éthique cantonales, mais à des conditions
uniformes pour toute la Suisse.

Large soutien

Le nouvel article constitutionnel est soutenu par un large
front, y compris dans les milieux scientifiques. Ses partisans
avancent le besoin d'acquérir de nouvelles connaissances pour
pouvoir espérer des progrès dans le traitement du cancer ou de la
maladie d'Alzheimer.



Les adversaires se recrutent d'une part parmi les cercles opposés
à toute manipulation, comme l'Appel de Bâle contre le génie
génétique et le parti conservateur protestant UDF. A leurs yeux, le
projet fait la part trop belle à la recherche. Plus prudents, les
Verts ont choisi la liberté de vote. A l'inverse, l'UDC estime que
l'article pousse la réglementation trop loin et nuit à la
recherche. Plusieurs membres du parti se distancient toutefois de
cette position et appellent à voter «oui».



ats/ps

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La situation dans les autres pays européens

En comparaison internationale, l'article constitutionnel relatif à la recherche sur l'être humain ouvre la voie à une loi très complète.

La Grande-Bretagne et les Etats-Unis par exemple ne réglementent que les études avec des médicaments et celles des autorités nationales de santé.

En Allemagne, il n'y a que des prescriptions nationales sur la recherche avec des médicaments, a expliqué à l'ATS Michael Gerber, de l'Office fédéral de la santé publique. Le reste de la recherche sur l'être humain est régi principalement par le droit corporatif médical.

La Belgique connaît une loi complète sur la recherche biomédicale avec des personnes. Ce texte règlemente non seulement les expériences avec des médicaments ou d'autres produits médicaux, mais aussi les essais menés par des chirurgiens, psychiatres ou psychologues.

La France et l'Espagne vont encore plus loin, comme la Suisse en cas d'acceptation de l'article le 7 mars. Les lois relativement nouvelles de ces pays incluent également la recherche sur du matériel biologique comme les cellules-souches, les foetus ou les tissus humains. Ces dispositions ont en commun de placer la protection de la dignité humaine au premier rang.

Selon Michael Gerber, le fait qu'elles soient libérales ou restrictives découle surtout de spécificités nationales. La Grande-Bretagne est traditionnellement très ouverte vis-à-vis de la recherche, au contraire de l'Allemagne, très réservée en raison de son passé nazi.