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"Difficile de punir la cruauté envers les animaux"

Antoine F. Goetschel est le seul avocat pour animaux du pays.
Antoine F.Goetschel est le seul avocat pour animaux de Suisse.
Les Suisses trancheront le 7 mars prochain sur l'idée d'obliger tous les cantons à instaurer un avocat pour animaux, comme il en existe un à Zurich. Antoine F.Goetschel, le seul du genre en Suisse, prône un oui à l'initiative populaire de la Protection suisse des animaux qui est soumise au vote.

Certains parlent d'initiative complètement inutile.
En quoi la généralisation d'un avocat pour animaux est-elle
nécessaire à vos yeux?




Antoine F.Goetschel: Les procédures pénales sont trop compliquées
et coûteuses. J'interviens pour les simplifier en aidant la justice
dans son travail, car une amende infligée trop tard n'a plus grand
effet. C'est comme de punir un chien longtemps après sa bêtise, il
ne saura pas pourquoi et cela ne servira à rien.



Déjà très contraignante, la nouvelle législation pour
la protection des animaux n'est-elle pas
suffisante?




Elle est beaucoup plus détaillée, surtout concernant les animaux
de compagnie. Mais rien n'a changé au niveau pénal. Il manque
toujours une partie pour défendre les animaux. Il n'y a ni
procureur spécialisé ni commission ad hoc pour cas graves. Un
avocat pallie ce manque. La loi exige aussi la création d'un
service spécialisé de protection. C'est important au niveau du
droit administratif, mais pas suffisant. On insiste sur la
prévention et le contrôle, mais pas sur la punition. Il demeure
très difficile de pénaliser la cruauté. Sans un avocat
institutionnalisé, les procédures risquent d'être encore moins
nombreuses.

Pourquoi ne faut-il pas
laisser les cantons libres de décider
?



A Zurich, on a dû passer par une votation populaire pour lancer le
mouvement. Les organisations de protection des animaux ont déboursé
plus de 500'000 francs dans la campagne et le peuple a dit oui à
83%. C'est difficile à réaliser dans d'autres cantons, où les
associations n'auraient plus d'argent pour le travail courant si
elles le dépensaient ainsi. Si l'initiative ne passe pas, ce sera
donc presque impossible d'avoir d'autres avocats comme moi. Or, je
suis persuadé que nous pourrions mieux collaborer, combattre côte à
côte et convaincre la justice d'agir. Et les expériences menées
depuis 18 ans déjà à Zurich pourraient aisément être étendues à
toute la Suisse.



Comment expliquez-vous le non prôné par le Conseil
fédéral
?



Je suis déçu par les arguments contre l'initiative, qui me
semblent soit incorrects, soit superficiels. Le Conseil fédéral
juge que le texte peut être vu comme une méfiance envers les
tribunaux cantonaux. Mais seulement 1% des cas arrivent aux
tribunaux cantonaux... Quant à l'argument "pas nécessaire", il est
faux, vu le faible nombre de cas traités et les peines plutôt
légères. Et l'effet dissuasif n'est pas négligeable. Il y a peu,
j'ai brûlé un feu rouge et j'ai été puni. Depuis, je m'arrête
toujours. Cela fait réfléchir. Et les récidivistes voient leurs
amendes exploser.



L'initiative ne risque-t-elle pas d'échouer à cause du
puissant lobby paysan
?



Je ne comprends pas le non des paysans. La transparence est dans
leur intérêt. Si la population sait qu'ils traitent bien leurs
bêtes, elle achètera plus volontiers. Ils donnent de plus
l'impression de ne pas aimer être contrôlés. Or, s'ils se
comportent bien, ils n'ont rien à craindre et peuvent même en faire
un argument de qualité. Et concernant l'idée d'un avocat venant
fouiner dans les étables, c'est un malentendu intentionnel: je ne
vais jamais surveiller les fermes. Je reste au bureau et je n'agis
qu'après le dépôt d'une plainte.

Certains vétérinaires cantonaux jugent aussi cette
initiative inutile.




Beaucoup de vétérinaires n'aiment pas les avocats. Et ils
craignent l'arrivée de quelqu'un qui leur complique les choses, au
lieu de voir un juriste plus ou moins gratuit qui les soutient.
Pour diverses raisons, nombre de vétérinaires peinent à porter
plainte, empêchant toute procédure. Il faut leur expliquer que
l'avocat va les soulager.



Mais ne va-t-on pas trop loin dans la protection des
animaux?




Je ne suis pas d'accord. Chaque procédure qui est lancée est déjà
une victoire. Et les avocats doivent appuyer les minorités qui
peinent à se défendre seules, comme les enfants battus ou les
femmes abusées. Les animaux sont aussi une minorité. La loi pour la
protection des animaux concerne tous les vertébrés. Chacun d'entre
eux a le droit d'être représenté, même si je m'occupe plus des
animaux proches de l'homme. Sur 224 procédures ouvertes en 2008,
138 concernaient des chiens, 28 des vaches, 12 des chats, 6 des
chevaux, 6 des lapins et 6 des porcs. J'ai même eu un cas de
poisson, je l'ai traité comme un autre.



Ce scrutin ne pose-t-il pas des questions sur la
relation homme-animal?




Je me bats pour améliorer ce lien au niveau éthique et juridique.
C'est bien que l'on ne considère plus l'animal comme une chose.
Mais je me rends aussi compte qu'on regarde trop souvent l'animal
comme un être humain bis. Dans beaucoup de cas que je traite, le
problème vient d'un soi-disant amour pour l'animal, qui remplace la
connaissance de son intérêt et de sa dignité. J'y vois un danger et
je dois intervenir pour protéger l'animal contre son détenteur. Je
citerais un cas zurichois où une femme détenait 148 chats, pensant
bien agir pour les protéger. Elle était incapable de voir qu'ils
souffraient. Certains ont dû être euthanasiés. Heureusement, ce
type de cas reste rare.



Et les chiens dangereux dans tout
cela?




Je ne défends que les animaux victimes. Si un chien attaque, je
n'ai pas la possibilité d'agir en sa faveur ou d'exiger une
euthanasie. Ce sont des décisions administratives et non pénales.
Mais je peux me retourner contre le propriétaire du chien
dangereux, car c'est souvent lui qui l'a mal élevé, donc
maltraité.



Frédéric Boillat

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Le seul avocat pour animaux de Suisse

Antoine F.Goetschl exerce à Zurich en tant que seul avocat pour animaux de Suisse, un poste qui a été créé en 1992.

Il prône un oui le 7 mars à l'initiative de la Protection suisse des animaux.

Les initiants souhaitent que tous les cantons soient obligés d'instaurer un avocat chargé de protéger les animaux et défendre leurs intérêts.

Actuellement, à Zurich, si quelqu'un porte plainte pour maltraitance, la police intervient directement ou le vétérinaire lance une enquête administrative.

S'il y a infraction à la loi sur la protection des animaux, la plainte devient pénale et arrive au procureur ou au préfet.

C'est là que l'avocat pour animaux entre en scène, donne des conseils juridiques, entend des témoins ou propose des peines.

Son rôle est essentiellement consultatif, mais il affirme être écouté dans environ 80% des cas.

C'est l'Etat qui finance son travail. "J'ai gagné 78'000 francs en 2008, en payant une collaboratrice à 50%. Cela représente 8 centimes par an et par personne. Ce n'est pas exagéré", selon Antoine F.Goetschel.

Il est également possible de se retourner contre la personne qui a été punie pour financer le travail de l'avocat.

"J'ai bon espoir"

Il semble que l'initiative pourrait passer la rampe en votation populaire.

Le fait que 145'000 signatures ait été récoltées est assurément un bon signe. De plus, les sondages sont assez favorables (63% de oui, selon une enquête menée en novembre).

Mais Antoine F.Goetschel est encore loin de crier victoire: "J'ai encore des doutes, car beaucoup de gens ne s'informent toujours pas assez et conservent de gros a priori sur le travail d'un avocat pour animaux."

Mais l'avocat juge néanmoins que les arguments des opposants sont "faibles, insatisfaisants". "Par conséquent, même s'il est très difficile de gagner des initiatives, j'ai bon espoir", conclut le Zurichois.