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Swiss reprend les airs, sans évoquer une indemnisation pour les passagers

Sandra Renevey, juriste à la FRC. [FRC/J.-L. Barmaverain]
Les Airbus 220 immobilisés en raison de problèmes de moteur pourront reprendre le service: interview de Sandra Renevey / La Matinale / 8 min. / le 17 octobre 2019
Les 29 Airbus A220 de Swiss immobilisés après un problème de moteur ont repris du service jeudi. Mais quid des passagers lésés? Invitée de La Matinale, la juriste de la FRC Sandra Renevey passe en revue les devoirs de la compagnie aérienne.

En tout, plus d'une centaine de vols ont été annulés et une dizaine de milliers de passagers sont restés en rade entre mardi et mercredi (lire encadré). Swiss s'est, pour l'heure, engagée à rembourser les vols annulés ou à réacheminer ses clients vers leur destination au moyen d'autres vols, mais n'a pas encore évoqué d'indemnisations.

>> Lire à ce sujet : Swiss cloue au sol tous ses Airbus A220, une centaine de vols annulés

"Swiss a été pro-active"

Comme le rappelle Sandra Renevey, juriste à la Fédération romande des consommateurs, les droits des passagers lésés sont couverts par le règlement européen CE 261. Invitée jeudi dans La Matinale de la RTS, elle explique qu'il comporte des droits de base auxquels Swiss semble avoir répondu.

"La compagnie a été particulièrement pro-active en contactant les personnes lésées pour leur annoncer un remboursement du vol annulé, ou un réacheminement sur un autre vol", détaille Sandra Renevey. "Il y a ensuite un droit à une prise en charge sur place, comme des rafraîchissements, des repas, voire des nuits d'hôtel".

Mais quid des dommages subis par les passagers consécutivement à l'annulation de leur vol, par exemple les nuits d'hôtels ou les activités déjà réservées à destination, un problème d'autant plus important en période de vacances scolaires? Là, les choses se compliquent.

Huit cas similaires

"Le règlement européen prévoit une indemnisation sous forme forfaitaire, mais elle est soumise à plusieurs conditions. Le transporteur aérien peut se départir d'une responsabilité de ce point de vue-là en invoquant des circonstances exceptionnelles", estime la juriste de la FRC.

Vu la multiplication de cas identiques, on peut se poser la question de savoir si Swiss aurait pu anticiper et faire des expertises sur les appareils en amont

Sandra Renevey

Dans le cas particulier du "grounding" volontaire de ses A220, était-on dans le cadre de circonstances exceptionnelles, ou prévisibles? "C'est le huitième incident de ce type", précise la spécialiste en évoquant le problème de moteur à l'origine de l'annulation des vols. "On est dans une zone grise, avec une question ouverte: Swiss a-t-elle pris toutes les mesures à sa disposition pour éviter ce cas de figure-là? Vu la multiplication de cas identiques, on peut se poser la question de savoir si elle aurait pu anticiper et faire des expertises sur les appareils en amont", analyse Sandra Renevey.

Si tel n'était pas le cas, l'incident ne pourrait pas être qualifié de "circonstance extraordinaire" et ouvrirait donc la voie à une indemnisation des passagers. Il faut d'ailleurs signaler qu'à eux seuls, les problèmes techniques inopinés qui surviennent sur des appareils isolés ne permettent pas aux compagnies d'échapper à leur obligation d'indemnisation, a ainsi jugé à plusieurs reprises la Cour de justice européenne.

>> Plus de détails dans le sujet de l'émission On en parle consacrée au droit des passagers aériens :

Un homme attend son avion dans un aéroport. [Unsplash - JESHOOTS.COM]Unsplash - JESHOOTS.COM
Le droit des passagers aériens / On en parle / 5 min. / le 4 septembre 2019

Dédommagement pas encore évoqué

Swiss n'a d'ailleurs encore fait aucune déclaration au sujet de possibles dédommagements pour les passagers lésés. "Elle devra démontrer qu'on est dans le cas d'une cause extraordinaire si elle souhaite renoncer à indemniser ses passagers, ce qui ne serait pas très bon en termes d'image", glisse la juriste.

Swiss devra démonter qu'on est dans le cas d'une cause extraordinaire si elle souhaite renoncer à indemniser ses passagers, ce qui ne serait pas très bon en terme d'image

Sandra Renevey

Si Swiss décide malgré tout de prendre ce chemin, de nombreux passagers n'auront que les yeux pour pleurer. En effet, en réservant son vol directement auprès d'une compagnie, on perd le filet de sécurité dont on bénéficie quand on passe par l'intermédiaire d'une agence de voyage. Risque-t-on de se mordre les doigts en réservant tout soi-même sur internet?

"On a moins de protection, effectivement. On peut s'assurer par le biais d'une assurance annulation, mais là où le bât blesse, c'est que certaines d'entre elles peuvent exclure ce genre de cas de figure de la couverture d'assurance", déplore Sandra Renevey.

S'attaquer au constructeur est compliqué

Pour elle, tenter de se retourner directement contre le constructeur de l'appareil n'est pas une bonne solution: "Du point de vue de la responsabilité contractuelle, on n'a pas de lien direct entre le passager et le constructeur. En plus, les réacteurs sont conçus par un autre fabricant... En la matière, la situation est particulièrement complexe", estime la spécialiste.

Propos recueillis par Valérie Hauert
Adaptation web: Vincent Cherpillod

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Les A220 ont repris les airs

"Les moteurs sont dans un état impeccable", a indiqué Swiss mercredi soir après avoir mené une inspection complète de sa flotte d'Airbus A220 (ex-Bombardier Cseries avant le rachat du programme par Airbus). La compagnie aérienne avait assuré auparavant qu'elle reprendrait une activité normale dès le lendemain.

Jeudi matin, aucune annulation de vol d'un avion à croix blanche n'est effectivement annoncée sur le tableau des départs de l'aéroport de Genève. Mercredi, au deuxième jour de l'immobilisation des A220 de Swiss, onze vols avaient encore été supprimés au départ de la plateforme genevoise.

Un appareil de nouvelle génération

Swiss possède 29 exemplaires d'Airbus A220 et attend le trentième et dernier en 2020. Ces avions de nouvelle génération, qui ont notamment remplacé ses BAe 146 "Jumbolino" et une partie de ses Airbus A319, constituent aujourd'hui la moitié de sa flotte court et moyen-courrier.

En tout, 84 exemplaires de cet appareil ont déjà été livrés à six transporteurs aériens. Swiss a été la compagnie de lancement de ce modèle, entré en service le 15 juillet 2016. Elle est aussi celle qui en compte le plus dans sa flotte.

Jusqu'ici, 525 exemplaires d'Airbus A220 ont été commandés. A elle seule, la compagnie aérienne américaine Delta en attend 95 et devrait, dès l'an prochain, en posséder davantage que Swiss dans sa flotte.