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"Je crois que la situation des droits humains est pire qu'à mon arrivée"

L'invité-e de La Matinale (vidéo) - Manon Schick, présidente d’Amnesty International Suisse
L'invité-e de La Matinale (vidéo) - Manon Schick, présidente d’Amnesty International Suisse / La Matinale / 11 min. / le 11 octobre 2019
Après presque dix ans de bons et loyaux services, Manon Schick a annoncé en septembre qu'elle quitterait son poste de directrice d'Amnesty International Suisse l'année prochaine. Elle était l'invitée de La Matinale, vendredi matin.

D'abord bénévole à partir de 1995, l'actuelle directrice a ensuite travaillé comme salariée pour Amnesty en tant que porte-parole de la section suisse, pour finir par prendre son poste actuel en 2011. Vingt ans donc que Manon Schick milite pour les droits humains.

"Ils se moquent des droits de l'homme"

A l'heure de dresser un premier bilan sur la situation des droits humains, on distingue une pointe d'amertume dans les propos de la Lausannoise: "Je crois malheureusement qu'on peut dire que la situation est pire que quand je suis arrivée. La personne qui me succédera ne sera pas au chômage, ni nos militants", admet Manon Schick dans La Matinale.

La directrice d'Amnesty Suisse met directement en cause les dirigeants politiques actuels et estime qu'il y a un vrai problème dans la considération des droits fondamentaux: "Dans les années 2000, la situation était certes difficile après le 11 septembre 2001. Mais on n'avait pas une situation comme aujourd'hui, où une majorité des gouvernants sur cette planète se moquent des droits humains et revendiquent que ça n'est pas un problème de bafouer le droit international".

Manon Schick donne notamment l'exemple du président philippin Rodrigo Duterte qu'elle accuse de s'être servi de la guerre contre la drogue pour éliminer les pauvres.

Une guerre ouverte

"Quand je vois ce genre de choses, je constate qu'il y a une guerre ouverte contre les droits humains, et malheureusement c'est une guerre que nous ne sommes pas en train de gagner. On remporte toujours des victoires, en libérant des gens, en faisant que des droits s'améliorent et que des lois soient adoptées, mais maintenant on doit se poser la question de comment gagner 'la' victoire", analyse Manon Schick.

La Suisse n'est pas non plus épargnée par la directrice d'Amnesty: "Dans notre pays, où les droits fondamentaux sont très élevés, on sait aussi qu'il y a toute une série de problèmes dans le domaine de l'asile, par exemple. Tout d'un coup, on a même des partis politiques qui nous disent: 'On peut quitter la Convention européenne des droits de l'homme'. Ça n'était jamais arrivé avant. On doit s'inquiéter quand des gens veulent retirer ce genre de protection".

Durcissement de la loi sur l'asile

Sur la question de l'asile en Suisse, là encore, Manon Schick concède qu'Amnesty International a perdu plusieurs combats, notamment face à l'UDC. "Sur l'asile, ça n'a été qu'une suite de durcissements. On n'a quasiment jamais autant changé une loi, tout ça pour une population infime qui ne représente même pas 1% de la population".

Mais Manon Schick de pointer tout de même une note positive: "La seule chose qui a été gagnée lors de la dernière votation, et pour nous c'est un soulagement, c'est que toute personne qui dépose une demande d'asile en Suisse a droit à une protection juridique et que sa procédure va se passer de façon correcte et plus courte".

La directrice de l'ONG rappelle encore que peu de personnes arrivent en Suisse, au point que des centres d'asile sont vides et ferment, "alors même que dans le monde, il n'y a jamais eu autant de réfugiés", conclut-elle.

>> Lire aussi : Deux centres d'asile fédéraux vont fermer et les renvois seront accélérés

Propos recueillis par Xavier Alonso

Adaptation web: Jérémie Favre

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