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Genève va accueillir un détenu de Guantanamo

La prison de Guantanamo, à Cuba, abrite des militants islamistes présumés.
La prison de Guatanamo, à Cuba, abrite des militants islamistes présumés.
Le canton de Genève accueillera un ancien détenu de Guantanamo originaire d'Ouzbékistan. Le Conseil fédéral a décidé mercredi de répondre favorablement à une demande des Etats-Unis pour des raisons humanitaires.

L'ancien prisonnier aura passé près de sept ans et demi dans les
geôles américaines, dont plus de quatre ans après avoir été blanchi
des soupçons de terrorisme, a expliqué devant la presse la
conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf.



Après avoir vécu cette injustice, il va de soi que cet homme ne
veut pas rester aux Etats-Unis. "Il ne peut pas non plus rentrer en
Ouzbékistan où il a été persécuté", a précisé Rudolf Wyss,
directeur suppléant de l'Office fédéral de la justice.

La décision d'accueillir cet ex-détenu plutôt qu'un autre a été
prise par le canton de Genève après avoir reçu plusieurs garanties.
Trois prisonniers de Guantanamo remplissent les conditions en
matière de sécurité, d'intégration et de santé pour être accueillis
par la Suisse (lire ci-contre).



Le sort des deux candidats restants dépend des décisions d'autres
cantons. Un deuxième voire un troisième ex-détenu pourrait donc
trouver refuge en Suisse, a laissé entendre Eveline
Widmer-Schlumpf.

Un candidat idéal

Arrêté en Afghanistan en juin 2002,
l'Ouzbek choisi ne représente pas de menace pour la sécurité
nationale, ont assuré les Etats-Unis. Les recherches approfondies
menées côté suisse, et auxquelles ont pris part les services de
renseignement, ont confirmé ce point, selon Rudolf Wyss. Mais le
risque zéro n'existe pour personne, a souligné Eveline
Widmer-Schlumpf.



Les aptitudes à s'intégrer du détenu ne posent pas non plus de
problème. "L'homme s'est engagé à apprendre le français et à suivre
un programme d'intégration. Nous partons du principe qu'il pourra
subvenir à ses besoins", a souligné la Grisonne.



Et son état de santé n'a pas été jugé problématique par le médecin
suisse qui l'a examiné. Les frais occasionnés seront couverts en
partie par Genève et en partie par les Etats-Unis. Les conditions
de l'accueil seront réglées dans un memorandum of understanding
avec Washington, prêt à être signé.

Une question de tradition

"Cette décision se situe dans la ligne droite de la tradition
humanitaire de la Suisse. Nous sommes contents de participer à la
résolution du problème que constitue Guantanamo", s'est félicitée
Eveline Widmer-Schlumpf. Le Conseil fédéral a toujours jugé non
conforme au droit international la détention de personnes sur la
base militaire située à Cuba.



Une contrepartie des Etats-Unis n'a pas été demandée. "Il n'y pas
de lien entre UBS et Guantanamo et nous n'en faisons pas", a
souligné la conseillère fédérale. "Mais dans tous les cas, cette
décision ne nuira pas à notre image", a-t-elle souri.



Le gouvernement du président américain Barack Obama a décidé le 22
janvier 2009 de fermer dans les meilleurs délais Guantanamo. Les
Etats-Unis ont alors demandé à plusieurs pays, dont la Suisse,
d'examiner la possibilité d'accueillir d'anciens détenus contre
lesquels aucune plainte n'a été déposée.



Jusqu'ici, quatre anciens détenus sur les quelque 200 que compte
Guantanamo ont été transférés en Europe. La France a accueilli un
Algérien, la Hongrie un Palestinien et l'Italie deux Tunisiens. La
Bulgarie pourrait aussi en accepter.



ats/jeh

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Amnesty International salue la décision

Amnesty International (AI) exprime sa "satisfaction" après la décision du Conseil fédéral d'accueillir un détenu de Guantanamo libéré par les Etats-Unis.

"La Suisse contribue ainsi à fermer le camp de détention et à mettre fin aux graves violations des droits humains qui y sont commises", écrit AI dans son communiqué.

AI souligne en revanche que trois autre détenus de Guantanamo, un Algérien, un Libyen et un Chinois, attendent toujours une décision sur recours du Tribunal admninistratif fédéral (TAF), après s'être vu refuser leur demande d'asile par l'Office fédéral des migrations.

Réactions politiques contrastées

Si socialistes et libéraux-radicaux soutiennent la décision du gouvernement d'accueillir en Suisse un ancien détenu de Guantanamo, les démocrates chrétiens se montrent plus sceptiques et l'UDC affiche carrément sa colère.

Depuis longtemps, la Suisse considère qu'il faut fermer les installations de Guantanamo, contraires aux droits de l'homme, rappelle le PS dans un communiqué.

Elle s'est d'ailleurs montrée très critique envers les Etats-Unis sur ce point.

Tout en exprimant son attachement à la tradition humanitaire de la Suisse, le PLR se montre moins enthousiaste mais soutient lui aussi l'accueil de l'ex-détenu.

"Il s'agit d'un cas isolé et cette décision ne doit en aucun cas constituer un précédent", nuance toutefois le communiqué du parti.

Pour le président du PDC, Christophe Darbellay, la décision du gouvernement est "discutable". "Cela pourrait être un gage de bonne volonté accordé aux Etats-Unis", soupçonne le Valaisan, qui doute des garanties obtenues.

Enfin, l'UDC ne voit "absolument aucune raison pour que la Suisse accueille un 'prisonnier de guerre' détenu par les Etats-Unis", s'est exclamé, fâché, le chef du groupe parlementaire, Caspar Baader.

Et d'ajouter que le parti examinerait comment il peut s'opposer à la décision du Conseil fédéral.