Publié

"Un désaveu aurait été de refuser le pavillon suisse à Dubaï"

Nicolas Bideau réagit au blocage du sponsoring Philip Morris au pavillon suisse de Dubaï
Nicolas Bideau réagit au blocage du sponsoring Philip Morris au pavillon suisse de Dubaï / L'actu en vidéo / 7 min. / le 4 août 2019
Après l'abandon du partenariat avec Philip Morris pour le pavillon helvétique de Dubaï, le directeur de Présence Suisse sort de son silence samedi dans l'émission Forum. Nicolas Bideau refuse de parler de désaveu.

Après plusieurs jours de polémique, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a renoncé finalement mardi dernier à son partenariat avec le cigarettier pour financer le pavillon suisse de l'expo universelle 2020 de Dubaï.

>> Lire : Philip Morris finalement bouté hors du pavillon suisse de l'Expo 2020

Le Conseil fédéral et le Parlement souhaitaient pourtant que la moitié du financement de cette vitrine helvétique soit couvert par des entreprises privées. La plus grande compagnie mondiale de tabac mettait sur la table un montant de presque deux millions de francs, soit un peu plus de 10% du budget total du pavillon.

Cette participation avait été négociée par le directeur de Présence suisse, unité du DFAE chargée de promouvoir l'image de la Suisse à l'étranger. Et son directeur Nicolas Bideau avait défendu ce soutien financier, il y a deux semaines, dans une interview à la RTS.

>> Ecouter l'interview de Nicolas Bideau dans La Matinale :

Nicolas Bideau, directeur de Présence suisse. [RTS]RTS
Nicolas Bideau, directeur de Présence suisse, justifie le sponsoring de Philip Morris à l’expo universelle de Dubaï / La Matinale / 1 min. / le 19 juillet 2019

Aujourd'hui, il ne s'estime pas pour autant désavoué. "Un désaveu aurait été de dire non à mon pavillon, de refuser ce pavillon qui est incroyable (...) Cela aurait été un désaveu", dit-il samedi dans l'émission Forum. "Là, on a une décision politique de dire non à une proposition de sponsoring que j'ai faite au conseiller fédéral pour atteindre mon objectif: 50%, soit 7,5 millions de budget privé que l'on devait trouver (...) J'en ai eu beaucoup dans ma vie de fonctionnaire [des décisions négatives], celle-là est plus visible, elle a fait débat. Mais un désaveu non, une décision politique négative par rapport à une proposition, oui."

Aujourd'hui on est encore dans des perceptions publiques liées à la réputation des cigarettiers.

Nicolas Bideau

La décision d'Ignazio Cassis peut paraître pourtant ironique alors que Philip Morris est une entreprise basée en Suisse. Cela donne un peu l'impression que cette entreprise est intéressante lorsqu'il s'agit d'encaisser ses impôts mais qu'elle devient infréquentable dès qu'il s'agit de la mettre en avant.

"C'est un peu ironique, mais d'un autre côté - le débat public l'a montré, la décision du conseiller fédéral aussi - aujourd'hui on est encore dans des perceptions publiques de ces produits-là qui sont liées à la réputation des cigarettiers", relève le directeur de Présence Suisse. "Donc la décision d'Ignazio Cassis va bien plus loin que seulement Philip Morris. C'est une décision qui nous dit à tous, nous les fonctionnaires fédéraux, que nous devons revoir nos associations avec l'économie privée lorsque nous travaillons à l'étranger."

On a décidé aussi de revoir aussi toute notre approche du sponsoring.

Nicolas Bideau

La confiance n'est pas pour autant rompue avec le conseiller fédéral PLR, assure par ailleurs Nicolas Bideau. "Cette décision a été difficile à prendre, j'ai été en contact permanent avec M. Ignazio Cassis, mon secrétaire général également, et on a pris la décision ensemble", explique-t-il, assurant en conséquence ne pas avoir été surpris par la décision.

Et une autre discussion, tournée vers l'avenir, a porté sur le modèle de financement de ce genre d'activité. "On a décidé aussi de revoir toute notre approche du sponsoring. Cela fait dix ans que j'ai une pression énorme du Conseil fédéral, du Parlement, pour réduire la partie publique, l'argent public dans le cadre de nos expositions. Cela fait dix ans que le budget fédéral allait mal, il va mieux, donc c'est un momentum différent où l'on repense avec des critères plus moraux, plus éthiques, quelle doit être la collaboration avec le secteur privé. C'est une décision qui va faire écho, un paradigme qui a changé en juillet 2019."

On a toujours eu d'autres pistes mais je pense que ça va être très compliqué d'arriver à 7,5 millions.

Nicolas Bideau

Dans l'immédiat, et pour combler la perte financière liée à le retrait de Philip Morris, Nicolas Bideau ne cache pas qu'il sera difficile d'atteindre les 7,5 millions de francs nécessaires.

"On a toujours eu d'autres pistes mais je pense que ça va être très compliqué d'arriver à 7,5 millions", souligne-t-il. "J'ai encore des discussions très ouvertes avec le monde de l'horlogerie, du luxe, des banques", précise le directeur de Présence Suisse.

Pas de base légale pour le sponsoring à la Confédération

"La discussion est intéressante, parce qu'elle va nous obliger à être souples, à définir politiquement ce qui est bien ou mauvais dans le cadre d'une collaboration à l'étranger (...) Il n'y a aucune base légale qui règle le sponsoring au sein de la Confédération et on va devoir rédiger un rapport que je me réjouis de rédiger. Parce qu'on ne peut pas changer du jour au lendemain notre relation avec l'économie privée. Si demain je ne peux plus travailler avec l'économie privée, je ne peux plus vendre la Suisse à l'étranger", avertit Nicolas Bideau.

Propos recueillis par Julien Bangerter/oang

Publié