La nouvelle loi sur les casinos n’empêche pas les opérateurs pirates
De nouveaux instruments juridiques font désormais de la Suisse une chasse gardée. Mais si de grandes maisons de jeu étrangères se sont spontanément retirées du marché helvétique, d’autres ne s’embarrassent pas de ce genre de barrières légales.
La situation ne surprend pourtant pas Emanuele Stauffer, président du Casino de Lugano. "Le jeu online est un business qui compte énormément d’acteurs. Il faut aussi se rendre compte que le marché suisse, que l’on estime à 200-250 millions de francs, est très intéressant. Les joueurs sont de bons joueurs, de qualité donc. Et on peut comprendre le fait que des acteurs ou des sociétés pas très sérieuses du point de vue légal aient envie de rester sur ce marché et de continuer à exploiter ces joueurs", réagit-il.
La question de la liste noire, la question de la réputation, ça ne fait pas peur aux opérateurs illégaux.
Doit-on en déduire que la loi est inefficace? Au final, les casinos pirates, qui ne sont pas détenteurs d'une concession et ne sont donc rattachés officiellement à aucune juridiction étrangère, passent toujours entre les mailles du filet.
"Il s’agit évidement de plusieurs opérateurs illégaux. Leur nombre n'est pas défini et reste fluctuant, et c'est quelque chose qui évolue dans le temps. Ceux-là, évidement, sont les plus difficiles à sortir d'un marché. La question de la liste noire, la question de la réputation, ça ne leur fait pas peur", assure Jean-Marie Jordan, directeur de la Commission fédérale des maisons de jeu.
La menace (limitée) de la "liste noire"
Mais s'ils se font pincer, les fauteurs risquent en effet une mesure radicale, qui reste malgré tout limitée: le système du "blocking", soit la publication de la fameuse liste noire "dans le courant du troisième trimestre 2019", explique Jean-Marie Jordan, directeur de la Commission fédérale des maisons de jeu.
"On devrait permettre aux fournisseurs d'accès de bloquer ces opérateurs illégaux. Ils ne pourront plus, dans un exercice normal, être en liaison directe par une voie internet normale avec les joueurs. (...) Mais il est vrai que les joueurs peuvent eux contourner ce blocage, et si certains veulent encore jouer avec ces opérateurs illégaux, ils auront encore la possibilité de le faire", reconnaît-il.
Nicole Della Pietra/jvia
Aucune extension de licence en Suisse
Mais pour l'instant, aucun casino romand n'a décroché une extension de licence. Quatre casinos alémaniques peuvent désormais proposer des jeux d’argent en ligne, et seul Baden - qui a consenti d’énormes investissements - est désormais disponible sur internet.
On peut dire que la Suisse a 15 ans de retard, et on peut parier que les casinos helvétiques devront passer par des collaborations avec des grandes maisons de jeu étrangères pour acquérir le savoir-faire indispensable.