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Le décrochage scolaire, un fléau persistant, surtout en Suisse romande

Le décrochage scolaire augmente chez les jeunes, particulièrement chez les Romands.
Le décrochage scolaire augmente chez les jeunes, particulièrement chez les Romands. / 12h45 / 2 min. / le 6 juillet 2019
Le nombre de jeunes adultes sans formation de degré secondaire a presque doublé depuis 2010, atteignant 11%, rapporte une enquête fédérale. La proportion de jeunes qui ont décroché est plus importante en Suisse romande.

Le phénomène du décrochage scolaire ne faiblit pas. Alors que 6% des jeunes adultes n'avaient pas obtenu de diplôme dans le secondaire II en 2010-2011, cette proportion s'élevait à 11% en 2014-2015, selon le deuxième volet du Young Adult Survey Switzerland (YASS) publié le mois passé. Soit en quatre ans, près du double de jeunes qui sortent du post-obligatoire sans CFC, maturité ou autre diplôme général. Une hausse qui s'expliquerait notamment par les places d'apprentissage se faisant plus rares.

C'est la Suisse romande qui présente la plus importante proportion d'élèves qui décrochent, rapporte l'étude réalisée auprès de 30'000 jeunes de 19 ans dans le cadre des enquêtes fédérales ch-x.

"Il y a une spécificité de la Suisse romande", confirme Sandro Cattacin, professeur de sociologie à l'Université de Genève et co-auteur de l'étude. "En Suisse alémanique, on pousse les jeunes vers l'apprentissage, alors qu'en Suisse romande on les pousse vers une école de formation générale ou vers le gymnase. Si un ado entre dans une de ces formations plus difficiles et n'arrive pas à la terminer, il se retrouve d'un coup à 16 ou 17 ans sans diplôme."

Une situation critique car un diplôme du secondaire demeure un bagage essentiel pour réussir l'entrée dans la vie active, rappelle le sociologue.

Le cercle vicieux du décrochage

Âgé aujourd'hui de 20 ans, Thomas Borgognon fait partie de ces jeunes qui ont participé au cycle actuel de l'enquête fédérale ch-x. Et de ceux qui ont quitté le collège sans obtenir de maturité, dans son cas à Genève il y a deux ans de cela.

A l'époque, le dispositif de formation obligatoire jusqu'à 18 ans n'était pas encore en place dans le canton. En difficulté dans les cours de langues, le jeune étudiant s'est retrouvé pris dans un cercle vicieux. "J'ai énormément travaillé pour les deux matières qui me posaient problème", se souvient-il. "Et j'ai délaissé les autres, dont les notes ont aussi commencé à baisser. Je me suis retrouvé submergé et je ne savais plus où donner de la tête."

En décrochage et sous pression, Thomas a quitté le collège sur un coup de tête. Après avoir enchaîné les stages, il prend aujourd'hui des cours d'anglais. En septembre, il intégrera une école privée dans un cursus de développeur informatique.

"Je me suis rendu compte que l'aspect théorique me convenait moins. Il me fallait quelque chose de plus pratique", estime le Genevois. Il juge désormais que l'apprentissage aurait probablement constitué une voie plus adaptée à son profil que le collège.

Les jeunes femmes davantage en difficulté

Autre résultat du YASS: ce sont les jeunes femmes qui encourent un risque plus élevé de ne pas terminer le degré secondaire. Et surtout celles qui ont suivi une scolarité avec un bas niveau d'exigence.

Pourquoi les femmes? "Le discours sur l'avenir est peut-être plus simple envers les filles", analyse Sandro Cattacin. "On leur dit que de toutes manières elles se marieront et qu'elles auront davantage de chance de s'en sortir que les garçons", avance-t-il. Autre explication possible: de nombreux jeunes qui décrochent peinent avec les langues. Un élément moins problématique pour les formations qui orientent vers des métiers manuels, souvent occupés par des hommes, que pour le secteur des services, prisé par les femmes.

Sur ce point, l'enquête fédérale diffère toutefois des chiffres de l'Office fédéral de la statistique (OFS), selon lequel la proportion de femmes à obtenir un diplôme dans le secondaire II est plus importante que celle des hommes.

>> Lire à ce sujet : A Genève, près de 2 jeunes sur 10 n'ont pas de formation à 25 ans

Les chiffres de l'OFS couvrent cependant un plus grand nombre de jeunes, jusqu'à 24 ans. Des tranches d'âge différentes débouchant sur des résultats différents? Peut-être parce que certains jeunes reprennent une formation plus tard, après un premier échec.

"Ce sont des jeunes qui croient en leur futur"

Car l'étude YASS révèle que les jeunes sans formation ne se voient pas comme des jeunes sans avenir, souligne Sandro Cattacin. "Ce sont des jeunes débrouillards, des jeunes qui croient en leur futur, certes difficile, mais qui s'engagent beaucoup plus dans la société que les jeunes qui ont terminé un apprentissage."

A l'image de Thomas, qui a finalement été admis dans une école délivrant un bachelor via un concours. "Au début, j'étais énervé, je voulais tout casser, je n'en pouvais plus", raconte le Genevois. "Puis je me suis dit que j'aurais pu faire autrement, j'avais des regrets. Et enfin est arrivé le moment où j'ai rebondi et je me suis dit que mon chemin n'était pas si mal."

Article web: Tamara Muncanovic

Reportage TV: Fanny Moille

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Plus de 30'000 jeunes sondés

Menée dans le cadre des enquêtes fédérales auprès de la jeunesse ch-x, le YASS a été réalisé auprès de 30'000 jeunes de 19 ans, soit tous les conscrits lors du recrutement de l'armée, ainsi qu'un échantillon complémentaire de femmes de 19 ans. Les résultats ont ensuite été pondérés.

Le projet a pour but d'établir un suivi à long terme des jeunes de Suisse sur plusieurs thèmes: formation et travail, santé et sport, politique et sens civique, ainsi que valeurs et capabilités. Le consortium d'études est mené par l'Institut pour la gestion et l'économie de la formation de la Haute école pédagogique de Zoug, associée à des partenaires de Berne, Genève et Zurich.