Atteint de la maladie de Charcot, Jean-Jacques Walder ne peut ni parler ni marcher. Diagnostiquée en juillet 2017, cette pathologie neurodégénérative lui a laissé un esprit vif. Suffisamment pour décider d'avoir recours aux soins palliatifs à domicile lorsque son état de santé s'est dégradé en décembre dernier.
"Il a émis le désir de finir sa vie chez lui", raconte au 19h30 son épouse Anne Walder. "Nous avons tout mis en oeuvre, nous avons monté son lit et il est rentré au bout d'une semaine grâce au service d'hospitalisation à domicile qui vient deux fois par jour."
Une aide-soignante ou une infirmière passe quotidiennement chez l'octogénaire genevois pour faire sa toilette, l'habiller, effectuer les contrôles d'usage et apporter un soutien adapté à l'évolution de la maladie. Le tout dans le respect de l'intimité du couple.
Environ 20% des décès surviennent à la maison
Comme Jean-Jacques, près de 70% des Suisses manifestent le souhait de mourir à domicile. Mais dans les faits, on estime que 40% des décès surviennent dans un hôpital de soins aigus, 40% dans les établissements médico-sociaux (EMS) et 20% à la maison, souligne le livre blanc sur les soins palliatifs gériatriques en Suisse romande, paru à la fin de l'année dernière dans le cadre du Programme national de recherche "Fin de vie" (PNR 67).
Par ailleurs, des disparités existent à travers le pays. La probabilité de mourir chez soi est significativement plus élevée côté alémanique que côté romand, relève le rapport de synthèse du PNR 67. Elle augmente aussi si le patient en fin de vie est propriétaire de son logement et a des enfants.
"A Genève par exemple, une partie de la population est en situation plus précaire, de nombreux patients se retrouvent assez seuls, sans famille", explique la professeure Sophie Pautex, responsable du service de médecine palliative des HUG et co-auteur du livre blanc. "Ils se sentent donc plus en sécurité et plus encadrés à l'hôpital qu'à la maison."
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Des proches aidants qu'il faut aussi soutenir
Car les proches des patients en fin de vie se révèlent essentiels à la prise en charge du malade à domicile. A l'image d'Anne Walder, qui s'est sentie suffisamment forte pour entourer son époux, notamment grâce au personnel de santé spécialisé.
"Aujourd'hui, je suis plus que soutenue", confie-t-elle. "Je vois tous les jours quelqu'un et ce qui est bien avec le service d'hospitalisation à domicile, c'est qu'ils s'occupent de lui et me demandent comment moi je me porte."
Une prise en charge personnalisée qui a cependant un coût, une importante partie des soins et du matériel n'étant pas couverte par l'assurance maladie de base. Alors que la fin de vie à domicile est nettement moins coûteuse que celle à l'hôpital en termes de coûts de traitement immédiats, comme le rappelle le rapport du PNR 67.
Des recommandations pour une meilleure intégration des soins palliatifs
Dans leur livre blanc, les experts romands font une dizaine de recommandations en vue d'une meilleure intégration des soins palliatifs dans le système de santé, ainsi que dans la société. Ils appellent notamment à introduire des congés d'accompagnement pour les proches aidants.
Pour que ceux-ci ne s'épuisent pas au chevet des patients, "il est important qu'ils puissent de temps en temps dormir la nuit", ajoute la professeure Sophie Pautex. A Genève par exemple, des étudiants travaillant conjointement à l'Institution genevoise de maintien à domicile (IMAD) se rendent chez certaines personnes en fin de vie pour apporter du soutien de nuit. Une solution pour l'instant à la charge du patient.
Le document recommande également d'identifier plus précocement les besoins en soins palliatifs gériatriques, améliorer la coordination des personnels de santé, ainsi que soutenir leur formation. Pour que ces professionnels puissent offrir une mort paisible et la moins médicalisée possible dans les situations qui le permettent.
Chloé Steulet et Tamara Muncanovic