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La "charge mentale" couronnée expression romande de l'année 2018

Stéphanie Pahud, linguiste et maître d’enseignement à l’Université de Lausanne. [DR]
La charge mentale: l'expression romande de l'année. Interview de Stéphanie Pahud / Forum / 4 min. / le 6 décembre 2018
"Charge mentale" est l'expression romande de l’année, suivi de "sécheresse" et d’"infox". Trois mots pour trois maux qui auront marqué 2018, selon le département de linguistique de la Haute école zurichoise des sciences appliquées (ZHAW).

Les trois principales régions linguistiques de la Suisse ont leur mot de l'année 2018, pour la première fois dans la partie italophone. La quatrième langue officielle, le romanche, viendra compléter le tableau l'an prochain, a annoncé la ZHAW jeudi.

Au palmarès romand, trois mots, ou expressions, pour trois dimensions: l'individu doit faire face à la "charge mentale", la société se retrouve aux prises avec l'"infox" et la planète souffre de "sécheresse".

Principale source du stress

Le terme "charge mentale" s'était imposé, dès 2017, dans le débat public sur la parité, grâce à une bande dessinée de la blogueuse française Emma. Mais c'est en 2018 qu'il s'est étendu à d'autres sphères: si le stress est le mal du 21e siècle, la charge mentale en est probablement l'une des principales sources.

D'abord attachée au rôle des femmes dans la sphère domestique, la notion de charge mentale atteste d'une injonction pesante de la société de devoir penser à tout, tout le temps et dans tous les domaines.

"Il s'agit d'un concept pas très clair, qui s'oppose à une autre charge, peut-être la charge de travail ou à une charge physique", explique la linguiste Stéphanie Pahud dans l'émission Forum. "Cela représente tout ce qu'on est sensé faire avec notre capital, avec nos réserves, notre résistance. On entend assez vite "surcharge mentale", mais ça ne correspond pas à grand-chose."

Changement climatique tangible

Le mot "sécheresse" est lié à l'été caniculaire, qui a marqué les esprits, les jardins et les Unes des journaux: restrictions d'eau, rivières à sec, interdiction des feux d'artifice, pelouses jaunies et hérissons en voie d'extinction... La sécheresse était visible et tangible dans toute la Suisse.

La troisième place revient à "infox", contraction d'info et d'intox. Plutôt discret dans les médias suisses jusqu'à la publication des dernières recommandations de la Commission d'enrichissement de la langue française, en France, ce terme a ensuite été très vite adopté.

Pourquoi inventer un nouveau mot alors qu'on connaissait "fake news", contre-vérités et faits alternatifs? Peut-être justement pour souligner les innombrables nuances que revêt soudain le spectre de la vérité, explique la ZHAW, "infox" cristallise le rapport flou de notre société à la vérité, à une époque où la diffusion massive d'informations, vérifiées ou inventées.

Pour Stéphanie Pahud, ces expressions de l'année racontent "notre rapport au monde", comment "un regard" décrit le monde, ce qui explique la diversité des regards entre les régions linguistiques.

ats/ebz

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Les mots couronnés en Suisse alémanique et au Tessin

La Suisse alémanique a quant à elle couronné "Doppeladler" (aigle bicéphale), "Rahmenabkommen" (accord-cadre) et "079" (du nom d'une chanson du duo bernois Lo & Leduc). Le jury italophone a choisi "gesto dell’aquila" (geste de l’aigle), "notte tropicale" (nuit tropicale) et "criptovalute" (cryptomonnaies).

Corpus textuel pour faire un choix

Un ensemble de textes et de discours compilés par les chercheurs de la ZHAW a servi de base aux délibérations de chacun des trois jurys. Ce corpus textuel a ensuite permis de retracer l’évolution récente des mots choisis "pour mettre en lumière les réalités sociales dont ils témoignent et qu’ils construisent même parfois", explique la Haute école.

Le jury francophone se composait de linguistes aux spécialisations diverses, de journalistes, d’enseignants de français et d’artistes tels un écrivain ou un slameur.