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Deep Climate étudie l'impact de climats extrêmes sur les êtres humains

Dans le désert, chaque climatonaute tire un chariot sur lequel il y a notamment sa réserve d'eau pour la journée: huit litres en tout et pour tout. Réserve naturelle du roi Salman bin Abdulaziz, Arabie Saoudite, mai 2023. [Human Adaptation Institute - Lucas Santucci]
Deep Climate: l'être humain peut-il s'adapter aux climats extrêmes? / CQFD / 34 min. / le 23 mai 2023
L'expédition scientifique Deep Climate a pour but de mesurer les capacités de l'être humain à s'adapter à des climats extrêmes. Sont étudiés les climats chaud et humide en Guyane, froid en Laponie, ainsi que chaud et sec en Arabie saoudite.

Forêt tropicale, désert et milieu polaire sont les climats du futur en Occident, notamment. Comment la physiologie et la cognition de l'être humain vont-elles s'adapter à ces conditions? C'est ce que veut étudier l'expédition scientifique Deep Climate en emmenant les mêmes vingt volontaires expérimenter ces conditions si différentes que sont les climats chaud et humide, froid ainsi que chaud et sec.

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Pour ce volet en Arabie saoudite, vingt personnes de la société civile vont parcourir 400 kilomètres sous une chaleur de 40 à 50 degrés. Les voici dans la réserve du roi Salman, un désert à l'ouest du pays, non loin de la Jordanie.

Ces femmes et ces hommes volontaires – désignés sous le nom de climatonautes – vont y passer quarante jours. Âgées de 27 à 52 ans, ces personnes sont saines, mais pas surentraînées: des novices de l'expédition. A 5h du matin, il fait déjà 30 degrés et il s'agit de procéder à jeun à quelques protocoles scientifiques, avant de partir marcher dans le sable et les cailloux, où l'on s'enfonce, en tirant un chariot attaché à un harnais: 150 kilos de matériel, dont cent d'eau uniquement.

Chaque personne doit autogérer sa réserve d'eau pour la journée: huit litres par individu. L'eau qui pourrait manquer est un stress permanent. C'est parti pour quatre à cinq heures de marche, soit une quinzaine de kilomètres.

Vingt climatonautes étudient comment l'être humain s'adapte dans des conditions climatiques extrêmes. Réserve naturelle du roi Salman bin Abdulaziz, Arabie Saoudite, mai 2023. [Human Adaptation Institute - Lucas Santucci]

De nombreuses universités, dont celle de Genève et Kaust, celle de Science et Technologie d'Arabie saoudite, collaborent à ce projet.

Il faut réussir à vivre de manière permanente dans une situation changeante.

Christian Clot, directeur de Deep Climate et du Human Adaptation Institute

Les recherches et les missions ont été imaginées et sont conduites par le Franco-Suisse Christian Clot, directeur de Deep Climate et du Human Adaptation Institute, l'institut pour l'adaptation humaine: "On a de la chance, en Suisse, en France, en Europe, de vivre dans des climats tempérés finalement assez agréables. Il fait froid l'hiver, il fait chaud l'été, mais on n'est pas dans des conditions si extrêmes", explique-t-il au micro de CQFD.

"Mais on va aller vers des conditions de plus en plus difficiles, de plus en plus chaudes, de plus en plus humides et aussi de plus en plus versatiles. Des personnes vont quitter les milieux chauds pour aller vers les milieux froids, parce qu'il va falloir migrer."

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La chaleur extrême tant redoutée

L'expédition est déjà allée en Guyane, puis en Finlande où il faisait jusqu'à -35 degrés: "C'est la température réelle et avec le vent en plus, le froid éolien, on arrivait à des -45 à -48 degrés", se souvient-il.

Les climatonautes mesurent différentes constantes corporelles pour voir leur évolution dans un climat très chaud. Réserve naturelle du roi Salman bin Abdulaziz, Arabie Saoudite, mai 2023. [Human Adaptation Institute - Lucas Santucci]

Pour Christian Clot, ce climat de l'Arabie saoudite était le plus redouté: "En milieu très froid, on peut avoir des gelures, on peut avoir de gros problèmes, mais on va rarement avoir des dangers instantanés. Dans un milieu chaud comme celui-là, on peut basculer d'un instant à l'autre entre la vie et un instant où on est face à la mort: le coup de chaleur, la chaleur à l'effort, la déshydratation... tous ces facteurs peuvent rapidement amener une personne à être en très grand danger."

Un corps soumis à de grandes chaleurs ne fonctionne pas correctement: le rythme cardiaque et la température interne changent, par exemple: "Je suis déjà monté à 40,17 degrés... La thermorégulation devient difficile et demande beaucoup d'efforts", précise Christian Clot.

"Je suis très inquiet pour le futur si on n'arrive pas à s'adapter correctement", souligne le scientifique. Car c'est justement ce genre de climat qui nous attend: pour mémoire, il y a deux ans, le Gard a connu un record de température de 47 degrés. Le chercheur souligne que c'est la durée qui sera problématique, plutôt qu'un pic saisonnier: "Il faut réussir à vivre de manière permanente dans une situation changeante", affirme-t-il.

En plus de la physiologie et de la cognition – la modification structurelle du cerveau et la perception émotionnelle – chez les individus que l'équipe veut étudier, un des grands thèmes abordés est l'impact social, soit comprendre comment une société entière s'adapte. L'espace écologique sera aussi analysé.

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Reportage: Bastien Confino

Article web: Stéphanie Jaquet

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