Publié

La perdrix grise a disparu de Suisse, 40% des oiseaux nicheurs également menacés

Quelque 40% des oiseaux nicheurs figurent sur la liste rouge des espèces menacées en Suisse, selon l'Office fédéral de l'environnement. La perdrix grise a rejoint depuis peu la liste des espèces qui ne peuvent plus survivre dans notre pays, en raison de l'altération des campagnes et des zones humides.

En 2018, des chercheurs alémaniques faisaient état d'une chute vertigineuse du nombre d'oiseaux en zone agricole en Suisse: 40% en moins en 20 ans.

"Jusqu'à 60% des nombreux paysages typiques de l’agriculture de notre pays ont disparu au cours des vingt dernières années", expliquait Peter Knaus, de la Station ornithologique suisse de Sempach.

>> Lire : En 20 ans, 40% des espèces d'oiseaux ont disparu en zone agricole

Toutes les espèces ne diminuent pas: en quarante ans, le milan royal a réussi l'exploit de coloniser tout le Plateau suisse. [AFP - Louis-Marie Préau]

Ce recul est dû principalement à l'agriculture intensive. L'utilisation d'engrais conduit en effet à une baisse de la biodiversité et du nombre d’insectes. D'autre part, les coupes d’herbe fréquentes privent les oiseaux de repos et perturbent leurs périodes de reproduction. A noter que les espèces d'oiseaux vivant dans les bois, eux, se portent mieux: leur habitat a cessé de se restreindre grâce à une gestion de la forêt qui leur est devenue plus favorable.

Des effectifs en net recul

La liste rouge des espèces menacées, établie par l'Office fédéral de l'environnement et la Vogelwarte de Sempach, permet de dresser un état des lieux également dans d'autres habitats. "Le nombre d’espèces d'oiseaux en Suisse est globalement stable depuis 1993-1996", indique Chloé Pang, collaboratrice de la Station ornithologique. "Un grand nombre parmi elles montrent toutefois des effectifs en net recul et une aire de distribution qui se réduit."

Quelque 40% des oiseaux nicheurs figurent ainsi sur la liste rouge des espèces menacées, selon les recensements de la station, dont certains sont au bord de l'extinction. Parmi les 78 espèces concernées, on trouve la perdrix grise, le héron pourpré, la bécassine des marais ou le vanneaux huppé, mais depuis peu également le fuligule morillon, le bruant des prés, la grive litorne et la fauvette grisette, notamment.

>> Réécouter les explications de François Turrian, directeur romand de l'association Birdlife, sur la fauvette grisette :

La fauvette grisette est un des oiseaux dont les effectifs ont considérablement fondu dans les campagnes ces dernières années. [Leemage via AFP - P. Neveu]Leemage via AFP - P. Neveu
François Turrian: fauvette grisette / Côté jardin / 6 min. / le 20 juin 2021

Leurs effectifs se maintiennent à un niveau très bas et leur redressement se fait attendre. La perdrix grise par exemple n’a plus été observée en 2019, note le dernier rapport sur l'état de l'avifaune en 2020, alors que deux couples nicheurs avaient encore été trouvés dans le canton de Genève l'année d'avant. Une réapparition de cette espèce autrefois répandue en zone rurale est peu probable, note le rapport.

En disparaissant, la perdrix grise rejoint une série d’espèces agricoles qui ne peuvent plus survivre en Suisse: la pie-grièche à poitrine rose, le cochevis huppé, la pie-grièche grise, la pie-grièche à tête rousse ou le bruant ortolan.

Il s’agit souvent d’espèces nécessitant de vastes habitats, sensibles aux dérangements.

Chloé Pang, collaboratrice de la Station ornithologique suisse

Les oiseaux surtout touchés sont les hôtes des milieux humides et des zones agricoles extensives, ainsi que les migrateurs au long cours. "Il s’agit souvent d’espèces nécessitant de vastes habitats, sensibles aux dérangements, principalement dépendantes de gros insectes ou particulièrement exposées aux engins agricoles, si elles nichent au sol", précise Chloé Pang.

Pour remédier à ce dépeuplement dans les zones humides, il faut tâcher de relier entre elles les zones où les oiseaux peuvent nicher, et prévenir les dérangements causés par les activités de loisirs, tels que le stand-up paddle. Ces conseils de la Vogelwarte figurent dans son dernier atlas des oiseaux nicheurs, où sont détaillées 11 mesures prioritaires pour enrayer le déclin de la faune aviaire.

Une agriculture moins intensive

Concernant l'agriculture, il s'agit de diminuer l'intensité de l'exploitation, par exemple en renonçant aux pesticides et en recourant à une gestion favorable à la biodiversité (système de fauche, usage modéré d'engrais ou d'herbicide selon les cas).

>> Lire aussi : Les moineaux sont eux aussi victimes des insecticides

Il convient également de favoriser les prairies extensives, riches en insectes, et les microstructures servant de refuge (haies et murets par exemple), ainsi qu'en connectant les surfaces qui promeuvent la biodiversité entre elles.

Dans les milieux bâtis comme les villes, il est primordial d'entretenir et créer des espaces verts proches de la nature, ainsi que de veiller à laisser des possibilités de nidification sur les bâtiments, détaille encore la station de Sempach.

>> Revoir le Temps Présent consacré au déclin des populations d'oiseaux :

Le silence des oiseaux
Le silence des oiseaux / Temps présent / 56 min. / le 18 octobre 2018

Katharina Kubicek

Publié