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Facebook, mails ou musique, comment gérer sa mort numérique?

L'ère numérique influence-t-elle notre rapport à la mort? [kebox]
Le boom des sites d'aide à la mort numérique / On en parle / 19 min. / le 17 janvier 2018
Que deviennent les milliers de mails et photos de vacances en ligne en cas de décès? Comment accéder aux comptes bancaires ou à la bibliothèque musicale d'un défunt? De plus en plus de firmes proposent de gérer les testaments numériques.

Chaque internaute utilise des dizaines de services en ligne avec autant de noms d'utilisateurs et de mots de passe. Cela va du e-banking aux mails, en passant par les réseaux sociaux, les "clouds", les vidéos à la demande, la musique en streaming et désormais les bitcoins.

Mais en cas de décès, les héritiers pourraient vite perdre temps, argent et cheveux pour gérer ce patrimoine numérique. Et un testament classique n'étant pas suffisant pour faciliter la démarche, il serait préférable d'y adjoindre un testament numérique.

Un vide législatif

Si les règles successorales classiques sont bien établies, les lois sont plus floues en matière de données numériques. La Suisse commence seulement à vouloir légiférer. Un avant-projet de loi sur la protection des données offre aux héritiers le droit de consulter les données personnelles du défunt sauf si celui-ci l'a interdit et d'en demander l'effacement à certaines conditions.

Rien de plus. Interrogé mercredi par l'émission de la RTS On en Parle, le préposé valaisan à la protection des données Sébastien Fanti demande une simplification des procédures. Et de citer en exemple l'accès aux données médicales qui est géré par trois lois différentes selon que le décès a lieu à l'hôpital public, en clinique ou en EMS.

Il relève que les notaires ont clairement raté le coche en matière de numérique. Il faut à ses yeux développer un nouveau cadre légal qui permette d'accompagner les volontés individuelles de gérer sa succession numérique et les firmes qui vendent leurs services pour une telle opération.

Des start-up en lice

Depuis quelques années, des start-up se sont spécialisées dans ce domaine. Comme le marché semble juteux, il existe ainsi aux Etats-Unis une centaine de sites visant à préparer la vie numérique après la mort. En Suisse, divers assureurs proposent également leurs services, notamment via des coachs ou des services en ligne. Associée à La Mobilière, la plateforme tooyoo.ch fait de même avec pour slogan "Anticipez pour mieux transmettre".

Aussi interrogé par On en Parle, Ralph Rimet, dirigeant de tooyoo, détaille les services qu'il propose. Il s'agit premièrement de stocker ses données personnelles et ses volontés après la mort. Cela va des données médicales (Rhésus, don d'organes) au dispositif des funérailles (enterrement, crémation) en passant par les comptes bancaires, les polices d'assurance, les mots de passe et la cryptomonnaie. La start-up facture pour cela 39 francs par an ou 599 francs pour un abonnement à vie.

En cas de décès, c'est la société qui dévoilera par exemple les mots de passe aux proches et qui se chargera d'entamer les premières démarches. La plateforme permet notamment de désigner des "gardiens des souhaits", à savoir des personnes de confiance à qui seront confiées ses données sensibles. Il s'agira aussi en premier lieu d'éliminer les comptes des réseaux sociaux et plateformes médiatiques ou d'en transmettre la gestion à la famille.

Les grands médias face à la mort

  • Facebook, Instagram

Facebook, qui abriterait entre 10 et 20 millions de profils de personnes décédées, est souvent la première plateforme à laquelle on pense en cas de décès. Le plus simple est de transmettre de son vivant le mot de passe de Facebook à un proche, car pour un héritier, demander un identifiant à la firme américaine relève du parcours du combattant et peut prendre des mois ou des années. Idem pour la filiale Instagram.

Pour faciliter le travail des héritiers, le réseau social a prévu un formulaire en ligne accessible via les paramètres généraux dans lequel on peut soit décider de supprimer le compte à sa mort, soit désigner un contact légataire, à savoir une personne que l'on choisit pour gérer son compte en cas de décès. Il suffit de donner le nom d'un de ses amis et celui-ci pourra gérer certaines choses et annoncer le décès, mais pas publier d'informations à sa place. L'héritier pourra alors décider de créer ou non une sorte de mémorial en ligne. Si rien n'est fait, le compte restera visible sans changement.

  • Google, Gmail, YouTube, Drive, Google Photos (ex-Picasa)

Google et les plateformes affiliées offrent elles un "gestionnaire de compte inactif", qui permet de prendre ses dispositions en cas de décès, si le compte est resté inactif pendant un certain temps. On peut soit décider un arrêt automatique du compte, soit autoriser une personne de confiance à accéder à certaines données. Celle-ci recevra alors un mail qui lui donnera les accès.

Si aucune démarche de la sorte n'a été effectuée, un héritier a encore la possibilité de demander l'accès à certaines données via un formulaire en ligne à condition de prouver son identité et de fournir l'acte de décès.

  • Microsoft, Outlook, MSN, Hotmail

Chez Microsoft, il n'est pas possible d'entreprendre une quelconque démarche avant son décès, précise la déclaration de confidentialité du groupe. Un héritier pourra toutefois demander la restitution de données en envoyant un mail ou un courrier à la maison-mère aux Etats-Unis, avec des copies des documents d'identité et de l'acte de décès notamment. Un CD avec des données sera alors envoyé à un proche parent.

  • Twitter

En cas de décès d'un utilisateur de Twitter, une personne qui a prouvé être un membre de la famille proche peut demander via un formulaire la désactivation du compte. Il faut là aussi fournir carte d'identité et certificat de décès.

  • Apple, iCloud, iTunes

Les conditions d'utilisation d'Apple intègrent une clause d'absence de transmission, ce qui signifie que les données ne peuvent être transférées et que tout est résilié en cas de décès. Pour disposer des informations utiles pour fermer définitivement un compte, il faut s'adresser à l'assistance d'Apple. Photos, vidéos ou musique stockées sur l'iCloud sont donc inaccessibles à moins de connaître le mot de passe du défunt. Il est toutefois arrivé que la firme américaine transmette certaines données à des proches qui en ont fait la demande.

  • LinkedIn

LinkedIn a aussi prévu un formulaire pour demander la disparition d'un compte. Il faut fournir son identité et répondre à plusieurs questions, comme la nature de la relation avec le défunt et la date du décès. Il est aussi demandé d'adjoindre une signature numérique.

>> Voir aussi le sujet de On en Parle sur la gestion des fortunes en avoirs numériques :

Lumière sur l'héritage numérique. [Fotolia - cutimage]Fotolia - cutimage
Patrimoine numérique, que faire en cas de décès? / On en parle / 8 min. / le 29 octobre 2015

Frédéric Boillat avec On en Parle

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Les conseils de l'expert

Interrogé par On en Parle, le préposé valaisan à la protection des données Sébastien Fanti recommande plusieurs mesures pour faciliter la transmission de son héritage numérique:

- Fermer les liens vers les plateformes qu'on n'utilise pas pour éviter un travail inutile en cas de décès.

- Lister précisément tout ce que l'on possède en matière numérique et préciser les noms d'utilisateur et les mots de passe de chaque compte. Mentionner si le site est gratuit ou non. Ajouter également les codes d'accès aux ordinateurs et les codes pin des téléphones.

- Déposer cette liste, manuscrite ou sur un disque dur, dans un endroit sûr connu d'une personne de confiance ou faire appel à une firme spécialisée pour abriter ces données sensibles, en assurant qu'elle respecte certains critères de protection (données cryptées, localisation du serveur, effacement des données à la fin de la procédure).

- Vérifier auprès de chaque service ce qui est prévu en cas de décès et voir s'il est possible d'oeuvrer de son vivant pour configurer ses dernières volontés.

- Consulter si besoin un notaire pour les règles qui ne sont pas claires en matière numérique.

- Désigner un exécuteur testamentaire numérique, à savoir une personne de confiance qui gérera vos données, et lui confier la possibilité de décider post-mortem. Choisir de préférence une seule personne.

- Donner par écrit des instructions précises et claires sur ses désirs. Modifier le testament déposé auprès du notaire pour y adjoindre le testament numérique.