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La recherche universitaire, un monde qui peine à s'ouvrir aux femmes

Les femmes continuent à être sous-représentées dans la recherche scientifique. [Keystone - Ti-Press/Samuel Golay]
Les femmes continuent à être sous-représentées dans la recherche scientifique. - [Keystone - Ti-Press/Samuel Golay]
Près de trois quarts des chercheurs qui obtiennent une bourse du Fonds national suisse (FNS) sont des hommes. Une sociologue met en cause le climat au sein des institutions académiques, qui fait "fuir" les femmes.

La carrière scientifique reste ardue pour les femmes. Leur présence dans les milieux académiques diminue plus on monte les échelons. Pour mesurer la représentation des femmes, RTSinfo a analysé les quelque 41'000 bourses octroyées depuis 25 ans par le Fonds national suisse, le principal instrument de soutien aux chercheurs du pays.

Entre 1990 et 2015, le FNS a délivré 33'362 subsides à des hommes, contre 7572 à des femmes, selon les données P3 (voir le détail ci-dessous).

Loin de la parité

Au début des années 1990, moins de 10% des subsides du FNS revenaient à des femmes. Progressivement, les chercheuses ont gagné du terrain, soutenues par des mesures d'encouragement du FNS. L'an dernier, cette part a atteint près de 27%.

Si la proportion de bourses octroyées à des femmes a presque triplé, elle reste loin de la parité.

Plus le climat à l'égard des femmes est "frileux", plus elles ont tendance à fuir l'Université

Nicky Le Feuvre, professeure en sociologie à l'Université de Lausanne

La représentation des chercheuses parmi les bénéficiaires de bourses n'est toujours pas satisfaisante, estime Nicky Le Feuvre, professeure de sociologie à l'Université de Lausanne, qui rappelle que les femmes représentent aujourd'hui près de 50% des étudiants.

Selon la spécialiste des questions de genre, le principal obstacle n'est pas la difficulté de concilier vie privée et vie professionnelle, contrairement à ce qui est généralement avancé. Elle insiste sur l'accueil réservé aux femmes au sein des institutions académiques.

"Plus le climat à leur égard est 'frileux', c'est-à-dire là où on ne s'attend pas à ce qu'elles réussissent au même titre que leurs homologues masculins, plus elles ont tendance à fuir l'Université", explique la sociologue. Souvent, les femmes vont s'orienter vers les secteurs où leurs chances de réussite et de carrière sont les meilleures.

Les sciences dures évitées

L'octroi des bourses du FNS montre en effet de grandes disparités en fonction des domaines de recherche. Alors que les chercheuses ont obtenu en 2015 quasiment 40% des bourses en "Lettres et sciences humaines", cette part descend à environ 25% dans les facultés d'"Economie et droit" et de "Biologie et médecine". En "Sciences exactes", elle n'atteint que 15%.

Le nombre de demandes de subsides y reste très faible. Une situation "indéniablement liée aux stéréotypes de sexe", qui associent certaines disciplines plutôt aux hommes ou aux femmes et influencent aussi le climat auquel les chercheuses sont confrontées, regrette Nicky Le Feuvre.

"Si on veut attirer les femmes en sciences, il faut d'abord que les conditions d'un traitement parfaitement égalitaire des deux sexes soient assurées, ce qui n'est encore pas le cas aujourd'hui, même si les choses s'améliorent", conclut la sociologue. Sans cela, les femmes n'iront pas investir les domaines où leurs chances de réussite demeurent plus faibles.

>> Notre dossier : Zoom sur la rentrée universitaire

Valentin Tombez

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Base de données P3 du Fonds national suisse

La base de données P3 du Fonds national suisse utilisée ci-dessus regroupe les données des principaux instruments du FNS. Elle contient actuellement près de 64'000 projets et de plus de 24'000 personnes. Dans l'analyse ci-dessus, nous avons écarté les données antérieures à 1990, jugées incomplètes par le FNS.

Comme les chercheurs sont eux-mêmes responsables du contenu des données qu'ils livrent au FNS, la base de données peut contenir des erreurs, par exemple au niveau des montants attribués. De plus, ces montants ne sont pas disponibles pour tous les types de bourses. C'est pourquoi nous avons préféré mettre en avant le nombre de projets soutenus par le FNS et pas la somme des montants accordés.