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Un nouveau scandale sanitaire secoue la France

En France, les laboratoires Serviers sont les deuxièmes producteurs de médicament derrière Sanofi-Aventis. [Daniel Janin]
En France, les laboratoires Servier sont les deuxièmes producteurs de médicament derrière Sanofi-Aventis. - [Daniel Janin]
La polémique enflait en France mardi autour du Mediator (benfluorex), un médicament contre le diabète également utilisé comme coupe-faim, commercialisé dans le pays jusqu'en 2009 et qui aurait causé la mort d'au moins 500 personnes en plus de 30 ans.

Le nouveau ministre de la Santé Xavier Bertrand
s'est dit mardi "préoccupé par ce dossier", après une estimation de
l'Agence française des produits de santé (Afssaps) selon laquelle ce médicament
a causé "au moins 500 morts". Il va confier une mission à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) avec pour objectif de renforcer les contrôles sanitaires (lire encadré).

Commercialisé en France par le laboratoire Servier de 1975
jusqu'en novembre 2009, le Mediator a été pris au total par 5 millions de
patients. Il est aussi accusé d'avoir entraîné 3500 hospitalisations pour des
problèmes cardiaques.

En Italie et en Espagne, le benfluorex a été supprimé en
2005, tandis qu'à Chypre et au Portugal il a été retiré après l'interdiction en
France. Le Mediator est proche dans sa composition d'un autre produit de
Servier, un coupe-faim, l'Isoméride, déjà retiré de la vente en France en 1997,
comme aux Etats-Unis.

Autorités sanitaires incriminées

Irène Frachon, un médecin qui a révélé l'affaire du Mediator
dans un livre publié en juin, a exprimé à l'AFP son "grand
soulagement" de voir reconnaître officiellement ce "désastre
sanitaire". "Les autorités sanitaires ont tardé à retirer le
médicament malgré de nombreuses alertes" sur le fait qu'il pouvait porter
atteinte aux valves du coeur, a-t-elle accusé.

"Elles ont aussi tardé à analyser les conséquences de
la vente de ce produit pendant 33 ans", a ajouté ce médecin. "Il y a
eu un silence impressionnant des autorités de santé jusqu'à aujourd'hui",
a estimé le Dr Frachon.

Pour la praticienne, cette reconnaissance du problème par
les autorités de santé devrait faciliter les démarches judiciaires des
victimes. A ce jour, quelques dossiers sont déjà devant la justice selon
l'avocat des victimes, Charles Joseph-Oudin, qui a parlé de "scandale de
santé publique".

Dans un pays marqué par des scandales sanitaires
retentissants comme le sang contaminé par le virus du sida ou l'hormone de croissance,
dans les années 1980 et 1990, le rôle des autorités est pointé du doigt.

"Je ne comprends toujours pas pourquoi la France n'a pas interdit
plus tôt qu'en novembre 2009 le Mediator", a accusé le député socialiste
Gérard Bapt, cardiologue. "A-t-on voulu protéger les intérêts du laboratoire
Servier?", s'interroge-t-il dans le journal Le Parisien. "On est face
à un grave scandale de santé publique", estime-t-il.

Le laboratoire se défend

Le laboratoire
Servier, le deuxième en France derrière le géant Sanofi-Aventis, a contre-attaqué
en dénonçant des "hypothèses fondées sur des extrapolations". "Dans la population générale, la fréquence des
atteintes valvulaires cardiaques est de 2,5%", assure Servier dans un
communiqué. "La prévalence de valvulopathies (dysfonctionnements des valves
cardiaques, NDLR) augmente avec l'âge et la présence de diabète",
ajoute-t-il.

"La simple constatation d'une valvulopathie chez un
diabétique ne permet donc pas d'imputer celle-ci à un traitement médicamenteux
qui reste une cause très rare toutes classes thérapeutiques confondues",
conclut le laboratoire.

L'Afssaps a recommandé aux personnes qui ont pris pendant
plus de trois mois le Mediator de consulter leur médecin. L'organisme
d'assurance maladie va essayer de joindre par courrier ces patients, qui sont
"plusieurs dizaines de milliers", a indiqué à la presse le directeur
général de l'Afssaps, Jean Marimbert.

agences/os

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Volonté de renforcer les contrôles

Après les recommandations de l'AFSSAPS sur le Médiator, une mission va être confiée à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) pour développer les études post-autorisation de mise sur le marché (post-AMM), a fait savoir mardi le ministre du Travail et de la Santé Xavier Bertrand.

L'IGAS devra "nous faire un rapport d'étape avant le 1er janvier 2011", a expliqué lors d'une conférence de presse Xavier Bertrand, précisant que l'inspection devra présenter des recommandations "sur les moyens de développer les études post-AMM" afin d'"avoir le repérage le plus précoce possible des complications rares mais sévères". Il s'agit ainsi de "pouvoir déclencher de nouveaux travaux dès qu'il y a des signaux faibles, voire très faibles".

Le ministre a souligné que l'IGAS devra également se pencher sur une hausse de la coopération entre l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et l'assurance-maladie afin d'"améliorer l'accès aux données de santé et permettre une meilleure sécurité sanitaire encore".

Cela devra se faire "en lien avec la CNIL (Commission nationale informatique et libertés), avec les associations de patients, en respectant de façon scrupuleuse tous les éléments confidentiels liés aux données de la vie privée", a assuré Xavier Bertrand.

"Le renforcement de cette coopération va dans un sens souhaité par tous au nom de la sécurité sanitaire mais il ne s'agit pas d'oublier à un quelconque moment, tout ce qui est confidentialité des données de la vie privée", a-t-il insisté.