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Un jeu vidéo de guerre un peu trop réaliste à l'origine d'une vague de désinformation

Une capture d'écran du jeu "Arma 3 ", du studio tchèque Bohemia Interactive [CC BY-SA 4.0 - NotRealName321]
Une capture d'écran du jeu "Arma 3 ", du studio tchèque Bohemia Interactive - [CC BY-SA 4.0 - NotRealName321]
Des soldats qui s'affrontent, des avions de combat abattus par des missiles, des drones qui pulvérisent des tanks: ces images semblent plus vraies que nature, mais sont en réalité tirées de jeux vidéo de guerre comme "Arma III". Ils alimentent le flot de désinformation, notamment autour de la guerre en Ukraine.

On pourrait croire qu'il s'agit de véritables affrontements, mais les images sont trompeuses. Des scènes cinématiques tirés du jeu "Arma III", auxquels sont souvent ajoutés les bandeaux "En direct" ou "Breaking news", ont fréquemment été utilisés dans de fausses vidéos censées représenter l'invasion russe de l'Ukraine.

L'aisance avec laquelle elles trompent le public, et parfois même des chaînes de télévision, inquiète les chercheurs. C'est "un rappel de la facilité avec laquelle on peut duper les gens", estime Claire Wardle, codirectrice de l'Information Futures Lab de l'université Brown.

"Avec l'amélioration des visuels de jeux vidéo, les images de synthèse peuvent, au premier coup d'oeil, sembler vraies", explique-t-elle. "Il faut que les gens sachent comment vérifier la véracité de ces images, en particulier comment examiner les métadonnées, afin que ces erreurs soient évitées, surtout par les médias."

Un jeu ultra-réaliste

Arma III, du studio tchèque Bohemia Interactive, permet de générer divers scénarios de batailles au moyen d'avions, de tanks et d'armes variées. De nombreux joueurs partagent ensuite en ligne des vidéos de leurs aventures, qui sont parfois détournées.

Arma 3. [DR - Bohemia Interactive]
Arma 3. [DR - Bohemia Interactive]

Exemple: sous des images d'Arma III intitulées "La contre-offensive de l'Ukraine!", un internaute induit en erreur a commenté: "Nous devons demander à l'Ukraine, après cette guerre, d'entraîner les forces de l'Otan."

"Bien qu'il soit flatteur qu'Arma III simule les conflits modernes de façon si réaliste, nous sommes mécontents qu'il puisse être confondu avec des images de combat réelles et utilisé comme de la propagande de guerre", a réagi dans un communiqué un représentant du studio.

"Nous tentons de combattre ces contenus en les signalant aux plateformes, mais ce n'est pas du tout efficace. Pour chaque vidéo dépubliée, dix autres sont mises en ligne chaque jour", déplore-t-il.

Un air de déjà-vu

Ces dernières années, les images d'Arma III ont également été utilisées pour illustrer faussement les conflits en Syrie, en Afghanistan et en Palestine, des "infox" régulièrement dénoncées par les médias de vérification numérique.

Selon Bohemia Interactive, ces détournements ont connu un regain de popularité avec l'invasion de l'Ukraine, parfois surnommée la "première guerre TikTok" du fait des nombreuses images qui l'illustrent sur les réseaux sociaux.

Des médias se sont aussi laissés berner: la chaîne roumaine Romania TV a présenté en novembre une vieille vidéo d'Arma III comme montrant des combats en Ukraine, et un ancien ministre de la Défense ainsi qu'un ex-chef des renseignements ont tous deux commenté les images comme si elles étaient authentiques.

En février déjà, une autre chaîne roumaine, Antena 3, avait diffusé par erreur une vieille vidéo d'Arma III et invité le porte-parole du ministère de la Défense à l'analyser. Celui-ci s'était contenté de propos généraux sur le conflit.

Motivations variées

"Je soupçonne les personnes postant ces contenus d'être simplement des trolls voulant voir combien de gens ils peuvent piéger", explique Nick Waters, du site d'investigation numérique Bellingcat. Ceux qui repartagent ensuite ces publications sont selon lui "des gens naïfs" qui tentent d'obtenir de la visibilité ou des abonnés sur internet.

Etant donné le caractère peu sophistiqué de la désinformation basée sur les extraits d'Arma III, il est peu probable qu'elle émane d'acteurs étatiques, estiment les chercheurs.

>> Lire aussi : Les "deep fakes", des vidéos truquées au fort potentiel de nuisance

Pour eux, ces clips sont plus faciles à vérifier que les "deepfakes" (ou "hypertrucages"), qui consistent à utiliser l'intelligence artificielle pour créer des images confondantes de réalisme, de plus en plus employées dans le milieu criminel.

"Si vous savez à quoi vous attendre, ces vidéos (d'Arma III) ne sont en fait pas si difficiles à identifier comme fausses", ajoute Nick Waters. Malheureusement, regrette-il, "beaucoup de personnes n'ont pas les compétences" pour repérer la désinformation.

doe/afp

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