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Génétique et langage n'évoluent pas toujours en parallèle, selon une étude

L'évolution des langues pourrait se faire en parallèle de l’évolution biologique. [Depositphotos - olly18/Amaviael]
Lire lʹhistoire des peuples en étudiant les gènes et les langues / CQFD / 10 min. / le 22 novembre 2022
Les êtres humains apparentés par le langage sont souvent apparentés génétiquement, mais pas toujours. Une équipe de recherche zurichoise et allemande a mis en évidence des divergences de l'ordre de 20%.

Dans le monde, plus de 7000 langues sont parlées et transmises de génération en génération de la même manière que les caractéristiques biologiques. Charles Darwin supposait ainsi que les deux allaient de pair, a indiqué mardi l'Université de Zurich (UZH).

Or ce n'est pas toujours le cas, selon cette étude menée par l'équipe de Balthasar Bickel et Chiara Barbieri à l'UZH, avec des collègues de l'Institut Max-Planck en Allemagne.

Les scientifiques ont constitué une base de données inédite appelée GeLaTo (Genes and Languages Together) qui contient les informations génétiques et linguistiques de 4000 personnes parlant 295 langues et représentant 397 populations génétiques.

"L'idée principale était de relier l'information génétique et l'information linguistique. Ce n'est pas toujours simple parce que, par exemple, on a un échantillon d'une population au Népal et, dans ce pays, on a plus d'une centaine de langues. Donc on doit savoir quelle était la langue des gens dont on a pris l'échantillon génétique", précise Balthasar Bickel au micro de l'émission CQFD.

Ce genre d'information manque notamment pour les populations indigènes d'Australie et d'Amérique du Nord, remarque-t-il: "Obtenir des échantillons génétiques peut s'avérer difficile pour des questions éthiques et liées au colonialisme".

De nombreuses exceptions

L'étude montre que les populations linguistiquement apparentées le sont aussi génétiquement dans 80% des cas. Les scientifiques ont toutefois mis en évidence de nombreuses exceptions, souvent liées à l'adoption par certaines populations de la langue de peuples voisins non apparentés génétiquement.

Deux villageois sous un figuier des banians, sur l'île de Tanna. Vanuatu, le 31 mai 2015. [Keystone/AP photo - Nick Perry]
Deux villageois sous un figuier des banians, sur l'île de Tanna. Vanuatu, le 31 mai 2015. [Keystone/AP photo - Nick Perry]

C'est le cas par exemple de certaines populations des zones tropicales de l'est des Andes qui parlent un dialecte quechua typique des peuples de haute altitude, distincts génétiquement. A Malte, la population, génétiquement proche de celle de Sicile, parle une langue afro-asiatique avec des influences turques et indo-germaniques.

Il est en revanche plus rare que des êtres humains conservent leur langue d'origine malgré une assimilation génétique. C'est le cas notamment des Hongroises et des Hongrois, qui se sont adaptés génétiquement à leur environnement immédiat, mais ont conservé leur langue ancestrale, apparentée aux langues sibériennes, selon ces travaux publiés dans la revue américaine PNAS.

"C'est un cas très rare", remarque Balthasar Bickel, "on a seulement un autre exemple que l'on connaît au Vanuatu: il y a eu une migration des populations papoues qui a remplacé presque totalement le profil génétique de ces îles, mais la langue est restée".

Stéphanie Jaquet et l'ats

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