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Nicolas Gascard, à la poursuite du point d'impact de la foudre

Forum des Idées - Un musée dédié à la foudre
Forum des Idées - Un musée dédié à la foudre / Forum / 8 min. / le 6 septembre 2022
Depuis plus de 25 ans, le photographe français Nicolas Gascard chasse les orages pour capturer les plus beaux éclairs, des "machines redoutables" qu'il cherche à approcher autant que possible. Cette fascination pour le phénomène - proche de l'obsession, comme il l'a concédé à la RTS - l'a conduit à ouvrir un musée de la foudre.

"C'est une saison exceptionnelle pour les éclairs", se réjouit d'emblée Nicolas Gascard, invité mardi sur le plateau de l'émission Forum. "C'est la conséquence d'une eau très chaude en Méditerranée, avec 28 degrés, ce qui engendre des orages extraordinaires". Il rentre tout juste d'un périple qui l'a emmené de la Toscane à la Camargue en passant par Gênes, Menton, Nice et le Var, autant de destinations où les coups de foudre se sont enchaînés.

Sa première photo d'éclairs remonte à 1996. Depuis, il ne s'est jamais lassé, ouvrant même un musée de la foudre en juin dernier au Fort l'Ecluse, près de Genève (lire encadré). "Chaque orage est différent. Cette passion, cette fascination, peut-être même cette obsession pour le phénomène me donne envie d'aller constamment sur le terrain", raconte le photographe.

Chaque orage est différent. Cette passion, cette fascination, peut-être même cette obsession pour le phénomène me donne envie d'aller constamment sur le terrain

Nicolas Gascard, photographe

Davantage que simplement sur le terrain, il veut être au plus près des orages. "Mon but premier est d'aller chercher le point d'impact de la foudre, la foudre au plus proche", explique Nicolas Gascard. Y compris, et même de préférence, lorsque les orages sont très violents. "Ce sont des machines redoutables qui engendrent des phénomènes extrêmement violents. Un cumulonimbus atteint les 12'000 mètres de haut", illustre-t-il.

La fascination l'emporte sur la peur

Foudre observée depuis Renens (VD) dans la nuit de samedi à dimanche. [MétéoSuisse]
Foudre observée depuis Renens (VD) dans la nuit de samedi à dimanche. [MétéoSuisse]

Pour se protéger des conséquences potentiellement fatales de la foudre, il mise sur la voiture, qui agit comme une cage de Faraday. Leur carrosserie en métal joue le rôle d'une enveloppe protectrice qui dévie le courant jusqu'au sol sans qu'il pénètre dans l'habitacle. "J'essaie de minimiser les dégâts, je me protège. Lorsque l'orage est très dangereux, j'ai installé un système dans ma voiture avec des serre-joints et une planche pour pouvoir photographier depuis l'intérieur du véhicule, vitre ouverte", décrit le chasseur d'éclairs.

Malgré ces précautions, la puissance de la foudre laisse parfois des traces tant sur le véhicule que sur l'homme ‒ des conséquences qu'évoque d'ailleurs Nicolas Gascard, étrangement, de manière conjointe. "Dans la nuit du 19 au 20 juin 2013, dans le val de Saône, en Bourgogne, j'ai assisté à un orage redoutable, stationnaire, qui a engendré une quantité de coups de foudre pendant plus de 30 minutes. Au plus près, au coeur de l'orage, j'ai subi des conséquences sur la voiture, avec des fusibles qui ont grillé, et une perte de vue pendant un instant, avec persistance rétinienne. La foudre est tombée vraiment très très près, et à plusieurs reprises", se remémore-t-il.

J'étais dehors. La foudre est tombée à quelques mètres, j'ai ressenti un frisson sur la tête assez désagréable, et comme une odeur de pétard

Nicolas Gascard

Il y a huit jours, c'est son pare-brise qui a fait les frais de la puissance de l'orage, explosé par la grêle en Ligurie, à Sestri Levente. Il raconte aussi le souvenir d'une nuit au Monte Brè, près de Lugano, en 2005 ou 2006: "Là, j'étais dehors. La foudre est tombée à quelques mètres, j'ai ressenti un frisson sur la tête assez désagréable, et comme une odeur de pétard".

Au coeur de l'orage, la peur s'efface pourtant devant la fascination. "A cet instant précis, tout paraît totalement irrationnel. On est comme face à un grand feu d'artifice. La peur n'est pas forcément au rendez-vous, ce qui peut paraître un peu inquiétant, car je devrais peut-être parfois anticiper un peu sur cette crainte", reconnaît Nicolas Gascard. "Mais au contraire, j'ai un sentiment de bien-être. C'est peut-être dangereux, mais c'est la magie qui l'emporte".

Chercher l'orage au bon endroit, au bon moment

Au fil des années, sa traque s'est perfectionnée. "J'étudie la météorologie depuis un moment. Je me base sur des paramètres de modélisation qui permettent d'anticiper sur les champs de vent, le taux d'humidité... Ces données vont me permettre d'aller chercher l'orage au bon endroit, au bon moment. Même si l'échec est souvent au rendez-vous", explique Nicolas Gascard, qui concède devoir faire parfois des milliers de kilomètres pour parvenir à ses fins.

Et ses sorties à la poursuite des orages ne sont pas toujours prolifiques. "L'orage est un phénomène unique qui conserve une grande part de mystères", a-t-il constaté au cours de ses périples. "Pourquoi la foudre frappe à tel endroit, pourquoi le phénomène va-t-il se produire alors que des paramètres et des données pouvaient prétendre le contraire? C'est ce qui reste fascinant et magique à la fois. On apprend tous les jours avec la nature, constamment", note-t-il.

L'orage est un phénomène unique qui conserve une grande part de mystères. Pourquoi la foudre frappe à tel endroit, pourquoi le phénomène va-t-il se produire alors que des données prétendent le contraire?

Nicolas Gascard

Son prochain spot? Il le rejoindra le soir même de l'émission, soit au bord du Léman, soit dans la vallée du Rhône. "Les orages arrivent gentiment. D'ici à peu près une heure, ils seront présents sur le bassin lémanique!"

Propos recueillis par Thibaut Schaller
Adaptation web: Vincent Cherpillod

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Un musée de la foudre aux portes de Genève

Pour partager sa passion pour les orages, Nicolas Gascard a inauguré en juin dernier en France voisine, près de Genève, un musée de la foudre. Il est implanté dans un lieu emblématique de la région: le Fort l'Ecluse, une fortification militaire accrochée à la montagne dans le défilé qui ferme le bassin genevois au sud-ouest, à l'endroit où le Rhône se faufile entre le Jura et le Vuache.

Le Fort l'Ecluse est situé à environ 20 km de Genève. [AFP/Hemis - Lionel Lourdel]
Le Fort l'Ecluse est situé à environ 20 km de Genève. [AFP/Hemis - Lionel Lourdel]

Dans deux grandes salles sont présentés l'ensemble des phénomènes orageux. "Ca peut paraître abstrait dans la mesure où on ne peut pas enfermer dans un musée un phénomène tel que la foudre, mais certaines idées - la présentation, par exemple, d'objets foudroyés - permettent de reconstituer l'ambiance d'un orage", explique le photographe.

A cette présentation du phénomène s'ajoute l'exposition photographique donc Nicolas Gascard est à la tête, qui permet de voir les différents comportements de la foudre et des orages sur plusieurs reliefs, lacs, mers ou montagnes, "pour que les gens puissent vraiment entrer en immersion au coeur de l'orage".

En Suisse, 7 à 8 décès par an liés à la foudre

La présentation a également un objectif de prévention. "En Suisse, sept à huit personnes décèdent chaque année en raison de la foudre. En France, une trentaine. Il y a beaucoup de randonneurs sur nos massifs montagneux. Malgré la progression des modélisations des bulletins météo, malheureusement, des gens se retrouvent encore chaque année exposés à la foudre", constate Nicolas Gascard.

Quelque 20'000 personnes ont déjà visité le musée, qui va rester dix ans dans les murs du Fort l'Ecluse. Tout comme le monument, l'exposition n'est pas ouverte toute l'année, mais uniquement l'été - précisément la saison des orages. En 2022, l'exposition restera ouverte jusqu'au dimanche 18 septembre.