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Les évanescents neutrinos viendraient des puissants blazars

Vue d'artiste d'un blazar accélérant les rayons cosmiques, les neutrinos et les photons, comme observé dans les blazars PeVatron. [UNIGE - Benjamin Amend]
Les évanescents neutrinos viendraient des puissants blazars / Le Journal horaire / 35 sec. / le 20 juillet 2022
Une équipe internationale avec participation genevoise révèle pour la première fois l'origine des neutrinos, ces particules élémentaires qui atteignent notre planète depuis les profondeurs de l'Univers. Ils naîtraient notamment dans les blazars, des noyaux galactiques alimentés par des trous noirs supermassifs.

Les neutrinos, des particules neutres difficiles à détecter, sont hautement énergétiques. Ils proviennent de l'espace lointain et ont parcouru des milliards d'années-lumière avant d'atteindre notre planète. Leur masse est presque nulle et ils interagissent à peine avec la matière, d'où leur surnom de "particule fantôme". Les neutrinos peuvent traverser les galaxies, les planètes et le corps humain presque sans laisser de trace, a indiqué l'Université de Genève (UNIGE).

"Les neutrinos sont produits exclusivement lors de processus impliquant l'accélération des rayons cosmiques", explique Sara Buson, professeure d'astrophysique à la Julius-Maximilians-Universität (JMU) de Würzburg, en Allemagne, qui a copiloté cette étude avec l'UNIGE. Une recherche qui a été publiée dans la revue Astrophysical Journal Letters.

Malgré la grande quantité de données recueillies sur le sujet, le lien qui unit les neutrinos de haute énergie aux sources astrophysiques qui les produisent reste en grande partie un mystère. C'est en 2017 que Sara Buson et son équipe ont pour la première fois intégré l'idée qu'un blazar – celui nommé TXS 0506+056, distant de plus de 4 milliards d'années-lumière – pouvait être une source supposée de neutrinos. Ces particules sont ainsi des messagers uniques: grâce à eux, il sera possible de localiser la source de rayons cosmiques.

>> Les neutrinos peuvent aider à repérer où se trouvent les blazars dans l'Univers, comme sur cette carte : Une carte issue du catalogue des blazars multifréquentiels. [www.ssdc.asi.it/bzcat5 - The Roma-BZCAT]
Une carte issue du catalogue des blazars multifréquentiels. [www.ssdc.asi.it/bzcat5 - The Roma-BZCAT]

Proches de la vitesse de la lumière

Les blazars sont des noyaux galactiques actifs alimentés par des trous noirs supermassifs qui émettent beaucoup plus de rayonnement que toute leur galaxie (lire encadré). Andrea Tramacere, chercheur au Département d'astronomie de l'UNIGE, s'est livré à des modélisations numériques des processus d'accélération et des mécanismes de rayonnement dans ce domaine. Ces écoulements de matière accélérée peuvent approcher la vitesse de la lumière.

"Le processus d'accrétion et la rotation du trou noir conduisent à la formation de jets relativistes, où les particules sont accélérées et émettent un rayonnement allant jusqu'à des énergies de mille milliards de fois celle de la lumière visible", note le spécialiste.

L'équipe de recherche a superposé les données de neutrinos obtenues par l'Observatoire de neutrinos IceCube en Antarctique – le détecteur de neutrinos le plus sensible actuellement en service – et le BZCAT, l'un des catalogues de blazars les plus précis: "Avec ces données, nous devions prouver que les blazars dont les positions directionnelles coïncidaient avec celles des neutrinos n'étaient pas là par hasard", ajoute Andrea Tramacere.

Preuve solide

Pour ce faire, le chercheur de l'UNIGE a développé un logiciel capable d'estimer à quel point les distributions de ces objets dans le ciel se ressemblent: "Après avoir lancé les dés plusieurs fois, nous avons découvert que l'association aléatoire ne peut dépasser celle des données réelles qu'une fois sur un million d'essais! C'est la preuve solide de la justesse de nos associations", dit-il.

Malgré ce degré de certitude sans précédent, l'équipe estime que ce premier échantillon d'objets n'est que la pointe de l'iceberg: "Ce que nous devons faire maintenant, c'est comprendre quelle est la principale différence entre les objets qui émettent des neutrinos et ceux qui n'en émettent pas", conclut le chercheur genevois.

"Cela nous aidera à comprendre dans quelle mesure l'environnement et l'accélérateur 'dialoguent'. Nous pourrons alors exclure certains modèles, améliorer le pouvoir de prédiction d'autres modèles et, enfin, d'ajouter de nouvelles pièces à l'éternel puzzle de l'accélération des rayons cosmiques!"

Une accélération qui n'est toujours pas encore bien comprise par la physique et l'astrophysique.

Stéphanie Jaquet et l'ats

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Les blazars, des objets nourris par les trous noirs supermassifs

Le mot "blazar" vient de l'anglais "blazing quasi-stellar radiosource", soit une "source radio éclatante quasi-stellaire". "Blazing" signifie en outre "flamboyer".

Les blazars sont d'impressionnants objets astronomiques. Situé au centre de galaxies lointaines, ils sont alimentés par des trous noirs supermassifs qui ont englouti de la matière. Un trou noir est considéré comme supermassif lorsque sa masse représente au moins un million de fois celle de notre Soleil.

Les jets des blazars sont observables par les astronomes lorsqu'ils sont dirigés plus ou moins exactement vers la Terre, un peu en biais: il émettent une fantastique quantité de rayonnement de toutes les longueurs d'onde – des ondes radio aux rayons gamma en passant par les neutrinos.

Le blazar BL Lacertae (H0323+022), dans la constellation du Lézard. Les blazars sont parmi les objets les plus violents de l'Univers. [Wikimedia commons/Domaine public - Renato Falomo/ ESO NTT (filtre R)]
Le blazar BL Lacertae (H0323+022), dans la constellation du Lézard. Les blazars sont parmi les objets les plus violents de l'Univers. [Wikimedia commons/Domaine public - Renato Falomo/ ESO NTT (filtre R)]

Les jets de rayons gamma sont une lumière énergétique la plus puissante de l'Univers. La puissance lumineuse émise par les blazars est de l'ordre de mille milliards de fois celle du Soleil.

Les rayons gamma parcourent tout le cosmos, traversant les autres lumières émises par les autres objets présents dans l'Univers. Quant un rayon gamma percute une lumière à énergie plus basse, il se transforme en une paire de particules: un électron et un positron. C'est pourquoi peu de rayons gamma nous parviennent, car ils sont souvent transformés avant.