L'Observatoire de Genève fête ses 250 ans

Grand Format – Astronomie

RTS - Stéphanie Jaquet

Introduction

En 1739, la proposition de créer un observatoire naît à Genève: il devenait indispensable de fournir une mesure précise du temps à l'industrie horlogère en plein développement. Une chaire honoraire en astronomie est créée en 1771 et confiée à l'astronome genevois Jacques-André Mallet: reconnu en Europe, il avait participé à une mission russe dont le but était de mesurer la distance Terre-Soleil. Il obtient le feu vert des autorités en 1772 pour créer un observatoire. Deux siècles et demi plus tard, sa renommée est internationale.

Chapitre 1
Des débuts en Ville de Genève

Bibliothèque de Genève - Dessin, auteur inconnu, vers 1840

Le 26 mars 1771, l'Académie crée une chaire honoraire en astronomie et la confie à un candidat idéal, l'astronome genevois Jacques-André Mallet. Ce dernier fonde l'Observatoire astronomique de Genève en 1772 et l'équipe avec ses propres instruments.

L'Université de Genève rappelle dans un communiqué que la notoriété de ce petit-fils d'un riche financier avait déjà largement dépassé les frontières de la ville, suite à sa participation, en 1769, à l'une des missions russes dont le but était de mesurer la distance Terre-Soleil. Le côté aventureux de l'expédition ainsi que la qualité des résultats obtenus l'avaient rendu célèbre en Europe.

>> La précision de la mesure du temps et l'expérience de Jacques-André Mallet racontées par l'astrophysicien Michel Grenon :

L'Observatoire de 1830 en ville de Genève, photographié en 1870. [UNIGE - Département d'Astronomie]UNIGE - Département d'Astronomie
La Matinale - Publié le 16 juin 2022

A l'époque de Jacques-André Mallet, le ciel était scruté depuis le bastion Saint-Antoine, en plein cœur de la ville. L'Observatoire avait été construit en face de l'actuel Musée d'Art & d'Histoire, sur des casemates transformées en débit de vin. Le toit d'origine fut remplacé en 1824 par une terrasse surmontée d'une coupole destinée à abriter un nouvel instrument.

>> Michel Grenon parle de découvertes majeures à l'Observatoire de Genève :

L'astrophysicien et professeur honoraire Michel Grenon devant l'une des pièces du petit musée qu'il a créé à l'Observatoire de Genève. Sauvergny, le 14 juin 2022. [RTS - Stéphanie Jaquet]RTS - Stéphanie Jaquet
La Matinale - Publié le 16 juin 2022

"La circonstance qui a permis un départ assez foudroyant, c'est qu'il y a eu une crise magnétique solaire" en 1774, narre l'astrophysicien et professeur honoraire Michel Grenon, au micro de RTSinfo: "La première année de mise en service de l'Observatoire, on a eu une demi-douzaine d'aurores boréales visibles à Genève – des aurores rouges, et pas vertes, mais c'en était! – et un champ magnétique qui était complètement dérangé, qui cavalait. Donc on a commencé à mesurer et à observer ces phénomènes à partir de là."

>> Ecouter Michel Grenon parler de l'activité magnétique du Soleil et de mesures météorologiques :

Une aurore boréale en forme de vortex au-dessus de l'Islande, le 4 avril 2022. [Astronomy Picture of the Day/NASA - Christophe Suarez]Astronomy Picture of the Day/NASA - Christophe Suarez
La Matinale - Publié le 16 juin 2022

Soleil et météorologie

L'intérêt pour le Soleil s'est poursuivi par la participation à une campagne internationale en 1840 visant à décrire complètement le champ magnétique terrestre: sa forme, son inclinaison, ses changements de cap rapides: "Genève est devenu un spécialiste dans ce domaine."

Après quelques années de mesures, on a découvert les relations entre activités solaires, aurores boréales, variations du champ magnétique terrestre. C'est un astronome de Genève qui est le premier à avoir établi en 1851 la corrélation entre les activités solaires et la météorologie terrestre", ajoute Michel Grenon. "Ce n'est qu'au milieu du XXe siècle qu'on a découvert que ces changements d'activité solaire gouvernaient l'apparence ou la disparition des petits âges glaciaires. Les mesures météorologiques que l'on a faites sont les plus complètes et les plus précises en Suisse: on avait déjà un siècle de mesures accumulées de haute précision quand on a créé la Centrale Suisse de Météorologie à Zurich."

>> Ecouter CQFD, "Quand le Nord était au Sud et inversement" :

Les boussoles auraient perdus le nord il y a 40 000 ans.
Jojje11
Fotolia [Jojje11]Jojje11
CQFD - Publié le 19 octobre 2012

Précision horlogère

A ses débuts, l'Observatoire de Genève remplissait deux fonctions: assouvir la curiosité des scientifiques de l'époque, en les aidant à décoder le ciel, et fournir aux artisans horlogers l'heure exacte, grâce aux calculs tirés de l'observation des astres. Dans les années 1770, l'horlogerie est florissante dans la Cité de Calvin: près de 4500 personnes sont employées dans cette industrie – cela représentait environ un tiers de la population masculine.

>> Ecouter "Histoire Vivante – Une histoire de la mesure du temps :

Gravure représentant l'Observatoire de Genève, en 1907, sur le bastion de Saint-Antoine en face du Collège Calvin. Premier observatoire de Suisse, il fut fondé en 1772 grâce à l'impulsion de Jacques-André Mallet (1740-1790), professeur honoraire de la chaire d'astronomie. -De nos jours, le site porte toujours le nom de Promenade de l'Observatoire, même si ledit bâtiment a déménagé en campagne genevoise, à Sauverny, en 1966. -En 1995 Michel Mayor et Didier Queloz, deux chercheurs de l’Observatoire de Sauverny, annoncent la découverte d'une exoplanète. En 2019 ils reçoivent tous deux le prix Nobel de physique pour leurs travaux. [Musée d'art et d'histoire de Genève]Musée d'art et d'histoire de Genève
Histoire Vivante - Publié le 21 décembre 2021

Le professeur Grenon, qui travaille à une publication historique, explique encore que, pour la navigation et la construction de routes ou de bâtiments, il fallait impérativement connaître la position du pôle Nord magnétique: "C'est l'Observatoire qui la publiait dans le Journal de Genève dès 1786 tous les jours, ce qui permettait de poursuivre les chantiers sans zigzaguer."

>> Michel Grenon à propos de notre position sur la Terre et de pilotis genevois :

La Terre vue depuis la station spatiale internationale en juin 2021. [NASA]NASA
La Matinale - Publié le 16 juin 2022

Chapitre 2
L'Observatoire aujourd'hui

UNIGE - Département d'Astronomie

L'Observatoire de Genève est rattaché au département d'Astronomie de l'Université de Genève et est un centre de recherche renommé. Il peut aussi s'enorgueillir d'avoir été le lieu de travail de deux Prix Nobel, Michel Mayor et Didier Queloz. Une récompense qui couronna leur annonce de 1995: la découverte de la première exoplanète de l'Histoire!

>> Lire : Le prix Nobel de physique attribué aux Romands Michel Mayor et Didier Queloz

Avant cela, l'idée même de mondes en dehors de notre système solaire était presque farfelue... Depuis, le domaine occupe mondialement des centaines de scientifiques et la NASA a annoncé que le seuil symbolique des 5000 exoplanètes identifiées a été dépassé en mars 2022. Et ce n'est vraisemblablement qu'une minuscule fraction des planètes de notre galaxie qui pourraient se compter en centaines de milliards.

>> Lire : Le seuil des 5000 exoplanètes découvertes dépassé, selon la NASA

La frontière Genève-Vaud

Le déménagement de l'Observatoire pour Sauvergny a eu lieu en 1967; le bâtiment historique était devenu complètement désuet, les crédits et legs donnés par le passé épuisés: "Il a fallu relancer à partir de presque zéro le financement d'une institution et ça a pris pas mal de temps", se souvient Michel Grenon.

L'Observatoire de Genève en 1966. [UNIGE - Département d'Astronomie]
L'Observatoire de Genève en 1966. [UNIGE - Département d'Astronomie]

"Il a fallu constituer le Fonds national de la recherche scientifique comme support financier. Et la seule manière d'aller de l'avant, c'était de créer une synergie entre les institutions romandes – Fribourg, un petit peu, Neuchâtel, plus, et Vaud – de manière à se partager le travail. Tout ce qui était chronométrie a été donné à Neuchâtel – ou vendu selon les cas – et tout ce qui était recherche scientifique, recherche de base et enseignement a été pris par Genève."

La localisation de l'institution fut un choix politique: pile entre les cantons de Vaud et Genève. "L'enseignement, à partir de cette date-là, a été dispensé entièrement à la frontière. Le petit télescope qui est en face se trouve sur Vaud et les salles de cours sont sur Genève", note le scientifique. Désormais, l'EPFL est partenaire de l'Université de Genève pour tout ce qui concerne l'astronomie.

>> La séquence de La Matinale "Ici La Suisse" à propos du 250e anniversaire de l'Observatoire de Genève:

Les professeur.es en astrophysique Francesco Pepe et Emeline Bolmont sortent du bâtiment B de l'Observatoire de Genève, au chemin Pegasi 51. Sauvergny, le 14 juin 2022. [RTS - Stéphanie Jaquet]RTS - Stéphanie Jaquet
Ici la Suisse - Publié le 16 juin 2022

Chemin Pegasi 51

Longtemps situé au numéro 51 du chemin des Maillettes, l'Observatoire se trouve désormais au chemin Pegasi 51: l'appellation a été changée à la mi-juin 2021.

L'adresse fait ainsi référence directe à l'exoplanète du duo Mayor-Queloz, nommée 51 Pegasi b (51 Peg b). Heureuse coïncidence, l'Observatoire, seul bâtiment à la ronde dans ce coin de campagne, se trouvait déjà au numéro 51!

>> Francesco Pepe, directeur de l'Observatoire, raconte l'histoire du changement de nom du chemin des Maillettes en chemin Pegasi :

Michel Mayor et Didier Queloz, prix Nobel de physique 2019, assistent à la cérémonie du changement de nom du chemin menant à l'Observatoire de l'UNIGE, le 15 juin 2021. [UNIGE]UNIGE
La Matinale - Publié le 16 juin 2022

Lors de la cérémonie officielle d'inauguration de la nouvelle adresse, Michel Mayor a associé dans un petit discours les équipes de recherche de l'Observatoire à son succès et à celui de son doctorant de l'époque Didier Queloz: "Des réverbères marquent le chemin Pegasi. Didier et moi sommes peut-être sous l'un de ces réverbères mais il y a beaucoup de collègues qui ont contribué de manière majeure à nos travaux et qui se trouvent entre ces réverbères".

De la vie ailleurs dans l'Univers?

A Genève, la faculté des Sciences possède désormais un Centre pour la Vie dans l'Univers, dont la directrice est la professeure Emeline Bolmont, spécialiste des exoplanètes; elle s'intéresse à leur évolution orbitale et rotationnelle, ainsi qu' à leur habitabilité.

>> Ecouter les explications d'Emeline Bolmont concernant la détection de la vie dans l'Univers :

Emeline Bolmont, directrice du Centre pour la Vie dans l'Univers, et Francesco Pepe, directeur de l'Observatoire de Genève, examinent des données en provenance du télescope suisse Euler situé au Chili. Sauvergny, le 14 juin 2022. [RTS - Stéphanie Jaquet]RTS - Stéphanie Jaquet
La Matinale - Publié le 16 juin 2022

La question sur l'origine, la nature, l'existence et la répartition de la vie dans le cosmos sont une des questions les plus prégnantes de l'Humanité. Et y répondre n'est pas facile du tout: il faut réussir à caractériser l'atmosphère des planètes extrasolaires pour savoir s'il y a ou non de l'eau liquide à leur surface.

Les équipes de recherche veulent trouver des signatures de la vie: "Ces signatures ne sont pas forcément raccrochées à 100% à des processus vivants", précise l'astrophysicienne. "Par exemple l'oxygène qui est dans notre atmosphère est une bio-signature. Mais il n'est pas une bonne signature pour les exoplanètes parce qu'on connaît des processus qui ne sont pas reliés au vivant qui peuvent mettre aussi de l'oxygène dans la dans l'atmosphère d'une planète".

L'approche multidisciplinaire – astrophysique, chimie, biologie, sciences de la Terre et du climat – va permettre aux scientifiques d'identifier de bonnes signatures de la vie: "C'est vraiment un travail difficile qui nous attend. Il faudra détecter plusieurs signatures et aussi récolter des informations sur la quantité de ces gaz dans l'atmosphère. Et ça, on n'y est pas encore tout à fait au niveau instrumental".

>> Ecouter CQFD, "Rencontre avec Emeline Bolmont, spécialiste de l'habitabilité des exoplanètes" :

Rencontre avec Emeline Bolmont, spécialiste de la biologie des exoplanètes. [RTS - Cécile Guerin]RTS - Cécile Guerin
CQFD - Publié le 18 mars 2022

>> Ecouter une semaine de reportages de l'émission Vacarme : Vraiment seul.es dans l'Univers?

Chapitre 3
Une année de célébrations

NASA, ESA - Hubble Heritage Team (STScl/AURA)
Le logo des 250 ans de l'Observatoire de Genève. [UNIGE - Département d'Astronomie]
Le logo des 250 ans de l'Observatoire de Genève. [UNIGE - Département d'Astronomie]

Pour marquer dignement les premiers deux siècles et demi de l'Observatoire, le département d'astronomie de l'UNIGE, en collaboration avec le Laboratoire d'astrophysique de l'EPFL, proposera diverses activités tout au long de l'année.

Le programme des festivités commencera par une grande opération portes ouvertes les samedi 18 et dimanche 19 juin: "Ces deux journées s'adressent particulièrement aux jeunes", indique le directeur du département d'astronomie Francesco Pepe. De nouvelles vocations pourraient en découler. L'objectif sera de montrer que "l'astronomie est un domaine passionnant à la portée de toutes et tous".

>> Ecouter dans l'émission On en parle "Passionné.e d'astronomie, au point d'en faire son métier?" :

Passionné.e d'astronomie, au point d'en faire son métier? [Depositphotos - AlexGukBO]Depositphotos - AlexGukBO
On en parle - Publié le 29 novembre 2021

Lors de ces deux journées ouvertes au public, il sera possible de voyager dans la Voie lactée grâce à des casques de réalité virtuelle. Le public pourra aussi assister à des projections à 360 degrés dans un planétarium gonflable géant, ou encore regarder des films 3D décryptant les nombreux mystères de l'Univers.

L'actuel Observatoire de Genève avec, au premier plan, une vue d'artiste du Centre 51 Peg, futur lieu de médiation scientifique ouvert au grand public. Y seront présentées des sciences naturelles telles que la physique, les mathématiques et l'informatique. [UIZARQ – Visualisation - Laura Giannelli – architecte]
L'actuel Observatoire de Genève avec, au premier plan, une vue d'artiste du Centre 51 Peg, futur lieu de médiation scientifique ouvert au grand public. Y seront présentées des sciences naturelles telles que la physique, les mathématiques et l'informatique. [UIZARQ – Visualisation - Laura Giannelli – architecte]

Ces deux journées seront aussi l'occasion de présenter le futur centre de médiation scientifique, le Centre 51 Peg, dont la construction est projetée sur le site de Sauverny. Ouvert à tout le monde, il aura pour mission la transmission du savoir et la sensibilisation aux disciplines scientifiques, telles que la physique, les mathématiques et l'informatique.

>> Ecouter CQFD en direct du toit de l'Observatoire de Genève :

Sur la droite de la photo, l'Observatoire de l'astronome genevois Jacques-André Mallet. Une vue de Genève depuis Saint-Antoine en 1830. [UNIGE - Département d'Astronomie]UNIGE - Département d'Astronomie
CQFD - Publié le 17 juin 2022

L'anniversaire se poursuivra les 9 et 10 juillet avec la participation de l'équipe de l'Observatoire à la Nuit de la Science. En automne, des Astro'Cafés seront aussi organisés chaque premier lundi du mois au Musée d'Histoire des Sciences de Genève.

>> Ecouter une semaine de reportages de l'émission Vacarme : L’espace fait-il toujours rêver?