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La chloroquine, le traitement contre le coronavirus qui fait débat

Des employés chinois travaillent sur la production de chloroquine. [Keystone/EPA - Xu Congjun]
De la chloroquine contre le coronavirus / CQFD / 11 min. / le 20 mars 2020
Un traitement contre le paludisme, la chloroquine, a montré des signes d'efficacité contre le nouveau coronavirus. Plusieurs experts appellent toutefois à la prudence alors que des essais cliniques sont en cours.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé que la chloroquine ferait désormais partie d'un programme d'essais cliniques international visant à développer un remède contre le SARS-CoV-2. L'Iran, la Corée du Sud, la Chine et l'Arabie Saoudite l'utilisent, ou son dérivé (hydroxychloroquine), dans leur protocole thérapeutique, mais cette approche ne fait pas lʹunanimité.

La chloroquine est un antipaludéen peu cher utilisé depuis plusieurs décennies. Commercialisé notamment sous le nom de Nivaquine, il n’est plus utilisé aujourd’hui en Afrique puisque le parasite a développé des résistances.

"La chloroquine a des effets contre de multiples virus: la rage, Ebola, la polio. Elle est aussi connue pour avoir des effets contre le SARS-CoV", explique Blaise Genton, médecin-chef du service des maladies infectieuses d'Unisanté et spécialiste des maladies tropicales, dans l'émission CQFD.

Un antiviral efficace?

"Il y a un grand débat pour savoir si la chloroquine peut-être efficace dans le cas de ce nouveau coronavirus", admet l'infectiologue, qui s'appuie sur plusieurs études récentes.

Selon une étude chinoise publiée mi-février, un essai clinique mené dans une dizaine d'hôpitaux a donné des résultats prometteurs avec des essais sur plus de 100 patients. "L'étude a montré que la chloroquine diminue la durée de la fièvre, entraîne des améliorations des images radiologiques et diminue la durée d'hospitalisation. Mais elle a aussi été passablement critiquée car elle ne donne pas de précision clinique", indique Blaise Genton.

En France, le professeur Didier Raoult a mené une étude sur 24 patients porteurs du coronavirus. Six jours après le début de la prise de Plaquenil -  l'anti-paludique à base d’hydroxychloroquine du laboratoire français Sanofi - le virus avait disparu chez trois quarts des personnes traitées. Mais attention aux variables biologiques telles que des quantités de virus détectées chez les malades qui n’ont pas encore été publiées.

"Ces données sont encourageantes et intéressantes, mais elles laissent planer des doutes. 24 patients, c'est un petit échantillon. De plus, l'annonce des résultats a été faite via une vidéo sur YouTube, ce qui fait douter la communauté scientifique traditionnelle", relève Blaise Genton.

Utilisée en Suisse

Contacté par CQFD, Thierry Buclin, médecin-chef du service de pharmacologie clinique au CHUV, signale qu'il semble y avoir "un signal en faveur d’une efficacité, mais les données sont pour l’instant très lacunaires". "Il n’y a pas encore de données d’efficacité clinique en termes de survie ou de durée d’hospitalisation. Donc prudence, surtout pas d’optimisme intempestif à ce stade", déclare-t-il.

En Suisse, les hôpitaux utilisent déjà la chloroquine pour lutter contre le Covid-19. "Nous l'utilisons au CHUV notamment, pour une certaine catégorie de patients, des cas sévères chez des personnes qui n'ont pas de problèmes cardiaques. Nous l'utilisons souvent en association avec d'autres antirétroviraux", révèle Blaise Genton.

Les médecins qui utilisent la chloroquine en Suisse font toutefois part d’un certain scepticisme sur l'efficacité des traitements utilisés, a appris la RTS auprès de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP).

>> Voir le sujet du 19h30 :

Pandémie de Covid-19: l'espoir de la chloroquine.
Pandémie de Covid-19: l'espoir de la chloroquine. / 19h30 / 2 min. / le 22 mars 2020

Sarah Dirren/gma

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Vantée par Donald Trump

Le géant israélien des médicaments génériques Teva a annoncé vendredi qu'il allait fournir gratuitement aux hôpitaux américains dix millions de doses de sa molécule anti-paludique hydroxychloroquine.

La société précise que six millions de doses seront fournies aux hôpitaux américains d'ici le 31 mars, et plus de dix millions d'ici un mois. Le président américain Donald Trump avait vanté jeudi le recours à la chloroquine.

En France, le laboratoire Sanofi s'est dit prêt mardi à offrir des millions de doses de Plaquenil pour traiter potentiellement 300'000 malades.

"Une pharma suisse a dit qu'elle avait un stock important aux Etats-Unis. Nous aurions la capacité de produire ce traitement en grande capacité, mais il faut encore de la volonté. Il faut que les scientifiques soient convaincus, qu'ils fassent ensuite pression sur les autorités pour qu'elles-mêmes fassent pression sur l'industrie pharmaceutique", explique Blaise Genton.