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Les émissions de C02 liées à l'énergie stagnent, les experts restent prudents

En 2019, il n’y pas eu d’augmentation des émissions de CO2 sur le plan global [Keystone - Federico Gambarini]
En 2019, il n’y pas eu d’augmentation des émissions de CO2 sur le plan global / Tout un monde / 6 min. / le 14 février 2020
Après deux années de hausse, les émissions de CO2 liées à l'usage de l'énergie se sont stabilisées dans le monde en 2019, grâce notamment au développement des énergies renouvelables dans les économies développées, a indiqué l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

Les émissions de CO2 dans le monde ont atteint 33 milliards de tonnes en 2019, un niveau similaire à celui de l'année précédente, malgré une croissance économique mondiale de 2,9%, selon des données de l'AIE, qui prévoyait auparavant une hausse.

L'agence cite comme raisons de cette stabilisation "le développement des énergies renouvelables (principalement éolienne et solaire), le passage du charbon au gaz naturel, et davantage de production issue du nucléaire" dans les économies développées.

"Nous devons à présent travailler dur pour nous assurer que 2019 reste un pic définitif dans les émissions de CO2 et pas seulement une nouvelle pause dans leur croissance", a commenté Fatih Birol, directeur exécutif de l'AIE. "Nous avons les technologies nécessaires pour y parvenir, nous devons toutes les utiliser", a-t-il ajouté.

Une satisfaction mesurée

La nouvelle de cette stagnation est toutefois accueillie avec une satisfaction "mesurée" par les experts, interrogés dans l'émission Tout un monde vendredi.

C'est une bonne nouvelle mais les émissions sont encore très élevées. Pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris sur le climat, on devrait baisser les émissions d'au moins 5% par année

Mathis Wackernagel, président du Global Footprint Network

Ainsi pour Mathis Wackernagel, président du Global Footprint Network (Réseau de l'empreinte écologique globale), "c'est une bonne nouvelle mais les émissions sont encore très élevées. Pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris sur le climat, on devrait baisser les émissions d'au moins 5% par année. Ne pas augmenter les émissions de gaz c'est déjà un pas, mais ce n'est pas encore suffisant".

Les chiffres publiés par l'AIE concernent le secteur énergétique, responsable de 80% des émissions mondiales, et qui comprend les transports, l'industrie, le chauffage et la climatisation, mais pas l'agriculture ni les incendies.

Jean-Daniel Paris, chercheur au Laboratoire des Sciences du climat et de l'environnement (LSCE), relève de son côté que "ce constat est un peu en trompe-l'oeil. Les pays riches prennent des mesures, soit pour des raisons économiques soit pour des raisons environnementales qui limitent leurs émissions de CO2, notamment en passant du charbon au gaz. Mais par ailleurs, il y a un développement qui continue de manière assez forte du côté des pays asiatiques. Finalement, les grandes tendances restent là. Cela ne suggère pas des améliorations à court terme en tout cas".

Croissance des énergies renouvelables

Selon les experts, il est donc difficile de savoir si cette stagnation représente un résultat ponctuel ou une tendance de fond. Le charbon reste en effet le principal responsable de ces émissions (40%) devant le pétrole (34%) et le gaz naturel (20%).

Pour eux, il est donc nécessaire de tabler davantage sur les énergies renouvelables.

Glen Peters, membre du Global Carbon Project, constate des progrès encourageants: "L'énergie solaire devient meilleur marché que le charbon dans de nombreux endroits. Les investisseurs et les gouvernements qui veulent augmenter la production d'énergie électrique se tourneront de plus en plus vers les batteries solaires et les éoliennes, ce sera simplement moins cher que de construire des centrales à charbon, moins risqué et moins polluant également c'est du gagnant-gagnant".

Des progrès considérables ont également été réalisés dans l'efficience énergétique, mais ceux-ci sont en partie contrebalancés par l'augmentation de la consommation, précise Jean-Daniel Paris: "Alors que nous avons des politiques énergétiques qui portent leurs fruits, des améliorations dans les moteurs, ces progrès ne sont pas forcément associés systématiquement à une baisse des émissions liée à l'énergie. Les gains en efficacité d'émissions sont contrebalancés par des augmentations d'énergie".

Déforestation en cause

Le rapport de l'Agence internationale de l'énergie met également en évidence la déforestation. Les forêts sont des capteurs de CO2, si leur surface diminue, cela aura évidemment un impact négatif sur la stabilisation des émissions de gaz à effet de serre.

"La déforestation serait une des choses les plus faciles à arrêter, il suffit de ne pas tronçonner des arbres mais en réalité c'est difficile à faire et cela peut changer rapidement selon le gouvernement en place, on le voit avec le Brésil. C'est un défi de ralentir et à terme de stopper la déforestation et de préserver les forêts existantes", indique encore Glen Peters.

Pour vraiment faire baisser les émissions de 5% au moins par année, il faut réorienter les priorités. "Si nous continuons de faire des investissements dans l'infrastructure de l'énergie fossile, nous nous rendons de plus en plus dépendants de quelque chose qui ne va pas avoir de valeur dans le futur", conclut Mathis Wackernagel.

Patrick Chaboudez/lan avec AFP

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Forte baisse aux Etats-Unis

Par pays, les Etats-Unis ont enregistré la baisse la plus importante, avec un recul de 2,9%, soit 140 millions de tonnes de CO2 en moins.

Dans l'Union européenne, les émissions se sont repliées de 5% (-160 millions de tonnes). Le gaz naturel a produit plus d'énergie que le charbon pour la première fois, souligne notamment l'AIE.

De leur côté, les émissions du Japon ont reculé de 4% après le récent redémarrage de réacteurs nucléaires.

Dans le reste du monde, les émissions ont en revanche augmenté de 400 millions de tonnes, une hausse principalement due aux centrales à charbon en Asie.