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Comment le coronavirus de Wuhan a bouleversé le monde en vingt jours

La gare de Wuhan le 23 janvier dernier, désertée par les passagers [AFP - Hector Retamal]
Le niveau d'alerte mondial croît autour du coronavirus: interview du sociologue Francesco Panese (vidéo) / La Matinale / 8 min. / le 29 janvier 2020
Vingt jours après l'annonce du premier décès lié au coronavirus de Wuhan, les gouvernements du monde entier prennent des mesures pour endiguer la propagation de l'épidémie. RTSinfo fait le point sur la situation et sur les précautions à prendre.

Le coronavirus "2019-nCoV" est apparu dans le courant du mois de décembre à Wuhan, ville chinoise de 11 millions d'habitants située dans la province de Hubei, au centre-est de la Chine. Les autorités sanitaires chinoises ont commencé à enregistrer les cas à partir de la fin du mois de décembre, dénombrant 41 personnes contaminées.

Deux semaines plus tard, le 13 janvier, un premier cas se déclare hors du territoire chinois, en Thaïlande. Le 22 janvier, la Chine prend des mesures de confinement et place trois villes de la province de Hubei, dont Wuhan, sous quarantaine, soit quelque 50 millions de personnes.

A quel type de maladie a-t-on affaire?

La famille des coronavirus tire son nom de leur observation au microscope, qui fait apparaître des virus de forme sphérique dont la surface est couverte d'excroissances lui donnant l'aspect d'une couronne. Les virus de ce type sont présents chez les petits animaux que l'on trouve souvent sur les marchés chinois, ce qui explique pourquoi ce virus, comme d'autres avant lui, vient de Chine.

Celui de Wuhan, ou "2019-nCoV", provoque de la fièvre, de la toux et des difficultés respiratoires, des symptômes communs à d'autres pathologies, ce qui rend son diagnostic difficile. Un test de dépistage permet de savoir en quelques heures si un patient est infecté par la maladie ou non.

Il est établi qu'il se transmet entre humains, mais on ne sait pas encore si la contamination a lieu après contact des muqueuses avec des gouttelettes infectieuses émises lors d'éternuements ou de toux, ou s'il se transmet par aérosol, ce qui faciliterait son expansion à travers le monde. Certaines études suggèrent qu'une personne contaminée pourrait le transmettre avant l'apparition des symptômes. Les recherches se poursuivent.

>> L'avis de Laurent Kaiser, chef du Service des maladies infectieuses aux HUG :

La Suisse prend des mesures face au coronavirus, le point sur l’épidémie avec Laurent Kaiser
La Suisse prend des mesures face au coronavirus, le point sur l’épidémie avec Laurent Kaiser / Forum / 5 min. / le 26 janvier 2020

Il n'existe pas, pour l'heure, d'antiviral spécialement développé pour lutter contre ce nouveau virus. Le traitement consiste à traiter et soulager les symptômes (fièvre, toux, rhume). Des vaccins sont en cours de recherche.

Quelle menace représente-t-il réellement?

Samedi 1er février au matin, le bilan officiel de l'épidémie fait état de 12'022 contaminations pour 259 décès, soit un taux de mortalité de 2,2%. La hausse est spectaculaire ces derniers jours, puisque la barre des 1000 personnes infectées a été franchie il y a une semaine seulement, le 24 janvier. Le taux de mortalité, lui, semble se stabiliser autour des 2% depuis plusieurs jours.  Les mesures de confinement semblent porter leurs fruits, puisque moins de 200 cas ont été enregistrés hors de Chine.

>> Ecouter l'analyse de Lucia Silig dans La Matinale :

26 nouveaux décès dus au coronavirus ont été enregistrés en Chine. [Keystone/AP - Chiang Ying-ying]Keystone/AP - Chiang Ying-ying
Le nombre de cas du nouveau coronavirus en Chine dépasse celui du Sras / Le Journal horaire / 1 min. / le 29 janvier 2020

En Chine, le nombre de cas dépasse depuis mercredi celui de l'épidémie de SRAS en 2002-2003, un autre coronavirus qui avait touché 5300 personnes en Chine et plus de 8000 au total dans le monde, causant 774 décès. Tous deux sont de la même famille et partagent 80% de similitudes sur le plan génétique. Le coronavirus de Wuhan est probablement plus contagieux, mais moins puissant. Son taux de mortalité actuel (2,2%), qui pourrait encore descendre, est nettement inférieur à celui du SRAS (9,6%).

A titre de comparaison, le taux de mortalité de la grippe saisonnière, qui avoisine les un pour mille, est nettement moindre. Cependant, même avec une mortalité faible, un virus qui se répand largement peut faire beaucoup de morts. L'OMS estime par exemple que la grippe saisonnière emporte entre 290'000 et 650'000 personnes dans le monde chaque année.

Quels sont les risques en Suisse?

Aucun cas de contamination au coronavirus de Wuhan n'a encore été répertorié en Suisse, selon l'Office fédéral de la santé publique. Mercredi, son porte-parole a confirmé qu'une cinquantaine de cas suspects ont été analysés à ce jour en Suisse, sans aboutir à des cas positifs.

Un test de dépistage a été mis au point aux Hôpitaux universitaires de Genève. Des critères stricts sont appliqués pour ces examens. Ils sont menés sur des patients présentant de la fièvre, des problèmes respiratoires et de retour d'un séjour en Chine, ou ayant été en contact étroit avec des personnes revenues de ce pays.

Compte tenu de la situation actuelle, l'OFSP n'a pas jugé utile de faire des recommandations particulières à la population, comme par exemple d'acheter des masques de protection. "En l'état, la situation ne l'exige pas", a indiqué le responsable de sa division Maladies transmissibles. Du côté des aéroports, on est prêts à mettre en oeuvre des mesures pour filtrer les passagers, mais aucune mesure spécifique n'a encore été prise.

Une hotline pour décharger le système de santé

Selon la responsable du Centre des maladies virales émergentes des HUG Isabella Eckerle, une task force a été mise en place à Genève, avec des spécialistes qui peuvent travailler 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 en lien avec le coronavirus de Wuhan. Les hôpitaux universitaires suisses collaborent étroitement avec des laboratoires de toute l'Europe, ainsi qu'avec les médecins cantonaux.

Une hotline a également été mise en place pour répondre aux questions du public. Son numéro est le 058 463 00 00.

Elle devrait soulager les hôpitaux, dont les lignes téléphoniques sont submergées d'appels depuis quelques jours, a confié à la RTS le médecin cantonal vaudois Karim Boubaker.

Que faire si l'on craint d'avoir contracté la maladie?

Le risque d'attraper le coronavirus de Wuhan en Suisse est actuellement faible. Interrogé sur un éventuel danger d'être contaminé par des touristes chinois de passage en Suisse, le responsable de la division Maladies transmissibles de l'OFSP Daniel Koch a tenu à rassurer: il faudrait un contact très étroit pour être infecté. Mais la Suisse pourrait être touchée tôt ou tard, a reconnu son collègue Patrick Mathys, car plusieurs cas ont déjà été répertoriés en France et en Allemagne.

En cas de doute, il est important de faire confiance au système de santé suisse et de contacter en premier lieu son médecin généraliste, estime le médecin cantonal vaudois Karim Boubaker. Ce dernier se chargera ensuite d'orienter son patient vers la procédure appropriée.

Quand ce type d'événement se produit, le risque principal est que les personnes chez qui surviennent de vrais problèmes de santé soient mal prises en charge par le système en raison de sa surchage, invitant les personnes ayant besoin de renseignements à contacter, là encore, leur médecin traitant, ou la hotline de l'OFSP.

>> Ecouter l'interview de Karim Boubaker dans Forum :

Karim Boubaker, médecin cantonal vaudois. [RTS]RTS
Les mesures cantonales face au coronavirus: interview de Karim Boubaker, médecin cantonal vaudois / Forum / 5 min. / le 28 janvier 2020

Faut-il renoncer à voyager?

L'OFSP déconseille actuellement de se rendre à Wuhan, ainsi que dans toute la province de Hubei. Pour les voyages dans d’autres régions de Chine, elle recommande notamment de se laver régulièrement les mains, d'éternuer ou tousser dans le creux du bras ou encore d'éviter les grands rassemblements.

La page de l'OFSP consacrée au coronavirus de Wuhan

Mercredi, la compagnie Swiss a toutefois annoncé qu'elle suspendait ses vols de et vers la Chine, dans la foulée de sa maison-mère Lufthansa et de British Airways. La majeure partie des compagnies aériennes internationales ont suivi le mouvement les jours suivants. Air China, toutefois, continue de relier l'aéroport de Genève à Pékin trois fois par semaine.

>> Lire à ce sujet : Swiss suspend ses vols de et vers la Chine à cause du coronavirus

Vincent Cherpillod/agences

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26 pays touchés

Réunie jeudi soir à Genève, l'OMS a décidé de considérer l'épidémie de coronavirus de Wuhan comme une "urgence internationale". En plus de la Chine, des personnes contaminées ont été signalées dans 26 pays, notamment en Thailande (19 cas), au Japon (17) et à Singapour (16).

>> Plus de détails dans notre article: Le coronavirus est désormais une "urgence de santé mondiale", selon l'OMS

Rapatriés placés en quarantaine

En Europe, des cas ont été relevés en Allemagne, en France, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni, en Suède, en Finlande et en Russie, même si, pour l'heure, tous les décès constatés ont eu lieu en Chine.

Les gouvernements de plusieurs pays ont organisé des vols pour rapatrier ceux de leurs ressortissants qui le souhaitaient. A leur retour, ceux-ci sont généralement placés en quarantaine pendant 14 jours, à l'instar des ressortissants britanniques.

Evénements sportifs annulés

En Chine, Ikea, McDonald's ou encore Starbucks ont fermé plusieurs de leurs succursales, notamment dans la province de Hubei. Plusieurs événements sportifs ont aussi été annulés, à l'instar du tour cycliste de Hainan, des mondiaux indoor d'athlétisme, ou encore de l'étape de la Coupe du monde de ski qui devait se dérouler pour la première fois dans la station chinoise de Yanqing. Cette dernière doit accueillir les épreuves de vitesse des Jeux olympiques d'hiver de Pékin en 2022.