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L'année 2020 ouvre une nouvelle ère pour le tourisme spatial

Le vaisseau SpaceShipTwo de Virgin Galactic emmènera des touristes dans l'espace. [AFP - Mark Greenberg]
Les Etats-Unis prévoient une année record pour le spatial privé en 2020 / Le Journal horaire / 26 sec. / le 2 février 2020
Le rythme de lancement de fusées devrait nettement augmenter en 2020, ont annoncé les Etats-Unis cette semaine. L'année pourrait marquer un tournant dans l'essor du tourisme spatial, plusieurs compagnies prévoyant d'envoyer leurs premiers voyageurs dans l'espace.

Des touristes dans l'espace? L'idée ne date pas d'hier. Mais depuis la toute fin des années 2000 et le séjour du Québécois Guy Laliberté dans la Station spatiale internationale (ISS), plus aucun voyageur ne s'est envolé dans les cieux par curiosité. Le Canadien reste donc le septième et dernier touriste spatial en date.

La raison est simple: il n'y a plus eu aucune place disponible pour des touristes sur les vols spatiaux russes, à ce jour les seuls vols orbitaux ayant été ouverts aux non-professionnels. L'équipage des voyages à destination de l'ISS étant passé à six en 2009, il requiert un personnel au complet, sans place pour des touristes. L'arrêt des navettes spatiales américaines en 2011 a aussi contribué à la fin de l'expérience.

Mais l'idée n'a jamais été abandonnée, entre fantasmes de citoyens richissimes et ambitions de sociétés privées séduites par un marché juteux. Selon toute vraisemblance, l'année 2020 devrait donc ouvrir une nouvelle ère pour les touristes de l'espace. A condition d'avoir un porte-monnaie (très) bien rempli, tout un chacun pourra désormais payer son sésame pour gagner les étoiles.

Virgin Galactic prêt au décollage

"Le projet est dans sa phase finale de développement, plusieurs vols avec équipage ayant déjà été effectués dans l'espace. Le premier lancement commercial est prévu en 2020." Par cette phrase postée début janvier sur son site internet, Virgin Galactic, société du milliardaire britannique Richard Branson, affiche clairement ses intentions.

Après des années de tests, la compagnie créée en 2004 est à bout touchant: elle devrait lancer ses vols suborbitaux dans les prochains mois. Plus de 600 billets - d'une valeur de 250'000 dollars chacun - ont déjà trouvé preneur. Le chanteur Justin Bieber ou encore l'acteur Leonardo DiCaprio sont sur les rangs. Plusieurs Suisses ont aussi réservé leur place, comme le révélait l'émission Mise au point en 2014.

Ces vols commerciaux pourraient se dérouler juste au-dessus de la ligne de Kármán (à 100 kilomètres d'altitude), qui définit la frontière officielle entre l'espace et la Terre (les Etats-Unis fixent toutefois cette limite à 80 kilomètres). Durant le voyage de deux à trois heures, les passagers pourront admirer les courbes de notre chère planète et passeront une poignée de minutes en apesanteur.

Le premier touriste qui montera à bord du vaisseau SpaceShipTwo n'est pas n'importe qui. Virgin Galactic met en effet tout en oeuvre pour que son fondateur Richard Branson voyage dans l'espace cette année, alors qu'il fêtera ses 70 ans en juillet. Un beau cadeau d'anniversaire.

En octobre dernier, la compagnie est par ailleurs devenue la première société dédiée au tourisme spatial à entrer en Bourse. Malgré le crash tragique de 2014 lors duquel un pilote de Virgin Galactic avait perdu la vie, l'engouement n'a pas diminué.

Selon le PDG de l'entreprise, George Whitesides, interviewé par la chaîne américaine CNBC le 9 janvier, la demande du public est toujours très élevée. "Le nombre de personnes voulant voyager avec nous continue de grimper chaque mois", assure-t-il.

La guerre des étoiles

On l'aura compris, le tourisme de l'espace est une histoire de gros sous. Et plusieurs sociétés sont sur le coup. Un autre milliardaire, Jeff Bezos, veut lui aussi offrir les étoiles aux êtres les plus riches de la planète. Mais avec sa société Blue Origin, le fondateur d'Amazon ne veut pas brûler les étapes.

"Nous ne sommes pas dans une course. Le rôle de Blue Origin est de construire une route vers l'espace avec nos lanceurs réutilisables, afin que nos enfants puissent construire l'avenir. Nous allons avancer pas à pas", est-il écrit sur le site de l'entreprise américaine.

Les prix des billets de Blue Origin seraient moins chers, fixés à environ 200'000 dollars. Les personnes intéressées peuvent déjà s'inscrire, mais aucune date de lancement n'a encore été communiquée.

La société du fantasque Elon Musk, SpaceX, n'est pas en reste non plus. Elle prévoit d'emmener le milliardaire japonais Yusaku Maezawa dans un voyage privé autour de la lune en 2023. Le prix du billet n'est pas connu, mais devrait dépasser les 2 milliards de dollars.

Le plan de vol du dearMoon project. [SpaceX]

L'entrepreneur nippon fera monter six à huit artistes à bord (notamment un peintre, un réalisateur et un créateur de mode). "Si Pablo Picasso avait pu voir la Lune de si près, quel genre de peintures aurait-il dessiné? J'espère que ce projet inspirera le rêveur en chacun de nous", explique-t-il dans un communiqué. Les artistes seront invités à produire une oeuvre à leur retour sur Terre.

Accessible à tous?

Une chose est sûre, la décennie dans laquelle l'humanité vient d'entrer verra notre relation à l'espace changer considérablement. Les sociétés privées comme Virgin Galactic, Blue Origin ou SpaceX vendent une expérience spatiale sur un terrain de jeu souvent réservé aux professionnels, monnayant certes des sommes astronomiques.

Interrogé sur les ondes de la RTS il y a quelque temps, l'éthicien du Centre national d'études spatiales en France (CNES), Jacques Arnould, estime toutefois que le tourisme spatial peut se démocratiser. "Si on revient un siècle en arrière, les premiers vols aériens semblaient aussi réservés à quelques privilégiés. Ce sont ceux qui avaient les moyens et le courage de s'embarquer dans ces avions qui ont ouvert la voie à ce que nous connaissons aujourd'hui. Donc qu'en sera-t-il dans un siècle? Difficile d'en dire plus. Mais laissons la possibilité à ces gens fortunés d'ouvrir une nouvelle porte vers l'espace."

Guillaume Martinez

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Partir dans l'espace pour 100 francs? Le pari fou d'un Genevois

Vu les prix des billets affichés, le commun des mortels semble pour l'heure bien loin de pouvoir faire des selfies depuis l'espace. Mais s'il était possible de monter à bord d'un vaisseau sans débourser trop d'argent? C'est le pari fou de Boris Otter, un Genevois de 50 ans, qui remue ciel et terre pour s'envoler.

En avril 2016, ce passionné d'aviation a eu l'opportunité de réaliser un vol en apesanteur à la Cité des Etoiles de Moscou. L'expérience a été un véritable déclic: Boris Otter s'est dès lors juré de partir dans l'espace.

Et le Genevois a eu une idée originale. Via une association qu'il a créée et son site internet , il propose à tout un chacun de prendre part à un concours interne, moyennant la somme de 100 francs, pour obtenir un billet pour l'espace. La somme correspond à la cotisation d'inscription pour devenir membres à vie de Swiss Space Tourism.

Si 20'000 membres rejoignent son association, Boris Otter pourrait donc acheter six billets (en s'incluant dans le voyage). Un comité de sélection choisira les cinq gagnants. "L'association a été lancée en avril 2019. Pour l'heure, elle compte 75 membres. Mais c'est normal: je propose quelque chose qui n'existe pas encore. Quand le premier vol suborbital partira - et ça se fera en 2020 - il y aura un buzz mondial. A ce moment-là, les gens seront intéressés", prévoit le pilote sur simulateur chez Skyguide.

Prévue à la base pour un an, l'inscription à Swiss Space Tourism et la participation au concours interne seront prolongées pour 365 nouveaux jours. "Je suis 100% convaincu que les vols démarreront cette année. Je partirai donc au plus tôt à la mi-2020. Je table surtout sur mon association. Mais aussi, pourquoi pas, me faire sponsoriser par une marque, qui me permettrait de partir? C'est aussi une possibilité. Je ne vais pas baisser les bras. D'ici cinq ans je devrais pouvoir y arriver", estime Boris Otter.

Celui qui veut devenir le deuxième Suisse à aller dans l'espace après le Vaudois Claude Nicollier est par ailleurs convaincu que les prix des billets vont baisser dans les prochaines années: "On n'achète pas un objet, mais une expérience unique."

>> L'interview de Boris Otter dans La Matinale: