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Que sont ces "mèmes" qui prolifèrent sur les réseaux sociaux?

MEMES INTERNET
Les mèmes prolifèrent sur les réseaux sociaux / L'actu en vidéo / 2 min. / le 15 janvier 2020
Les mèmes, ces images détournées puis imitées, envahissent les réseaux sociaux et colonisent l'art de la communication. Décryptage du phénomène avec des créateurs de mèmes et un sociologue des médias numériques.

Une personne rigole toute seule à l'arrêt de bus en regardant son téléphone? Elle est peut-être en train de regarder des mèmes, ces photos détournées au moyen d'un montage rudimentaire, sur lesquelles on a collé un texte. Etymologiquement, le mot exprime l'imitation, et le concept est très sérieusement étudié à l'Université de Genève.

"Les mèmes se définissent comme étant des contenus numériques avec une base commune", explique Sébastien Salerno, sociologue des médias numériques. "Ils sont marqués à la fois par la répétition et la variation".

>> Regarder le sujet du 19h30 de la RTS mercredi :

Les mèmes - ces photos détournées puis imitées - envahissent les réseaux sociaux et colonisent l'art de la communication
Les mèmes - ces photos détournées puis imitées - envahissent les réseaux sociaux et colonisent l'art de la communication / 19h30 / 3 min. / le 15 janvier 2020

"Woman yelling at a cat"

Exemple avec un des plus fameux mèmes de 2019, "woman yelling at a cat" (femme criant contre un chat): en 2018, une blogueuse poste une photo de son chat attablé devant une assiette de légumes, avec un air anxieux. La femme en colère, elle, est une capture d'écran d'un show de téléréalité de 2015, lors d'une dispute que l'ivresse a rendue très émotionnelle.

Le 1er mai 2019, une usagère de Twitter poste un montage de ces deux images, et le phénomène de répétition/variation devient viral.

Ainsi, le même mème relaye autant de messages qu'il fait l'objet de montages. "Les mèmes ont plusieurs logiques", observe encore Sébastien Salerno. "Le fait qu'on puisse s'identifier, exprimer des valeurs, ou se divertir, s'amuser".

Des mèmes bien de chez nous

Faire rire, c'est le but du compte Instagram @suisseromandelibre, tenu par Lauriane et Lucien, étudiants de 23 ans respectivement en relations internationales et en architecture. Pour eux, le succès d'un mème s'explique par son caractère communautaire. "Il doit faire appel à mes références, on doit pouvoir s'identifier", affirme Lucien. "Ce qui plaît sur notre compte", poursuit Lauriane, "c'est que nos mèmes sont vraiment particuliers à la Suisse romande et les gens en-dehors ne comprennent pas forcément. Du coup, pour ceux qui comprennent, ça donne ce sentiment d'inclusion et je pense que c'est ça qui plaît aux gens".

Les particularismes linguistiques, ou encore la passion des Valaisans pour eux-mêmes, sont des notions qui font mouche. Lauriane et Lucien postent un mème par jour, ce qui leur prend en moyenne entre 15 secondes et 15 minutes. "La plupart, je les fais sur Snapchat", raconte Lauriane. "Mais parfois je sors Photoshop, alors je deviens perfectionniste. En période de révision, c'est juste pour faire autre chose; je me dis: allez, c'est le moment de faire un mème perfectionniste."

Par et pour les millenials

Le mélange de narcissisme et d'autodérision est aussi la recette de Fabian, 26 ans, résidant en Autriche et suivi par plus d'un million d'abonnés sur le compte Instagram @classicalfuck. Lui joue avec la capacité des mèmes à synthétiser en une image une humeur ou un état d'esprit ou mood. Plus efficace, selon lui, que de parler à un psy, il se considère comme un thérapeute de groupe, comme il l'a confié à la RTS: "Le huitième jour, Dieu a créé les mèmes. Il les a créés pour nous aider à montrer nos sentiments. Pour moi, un bon mème doit être racontable. Les mèmes sont notre façon de montrer ce que nous ressentons, dans toutes les situations possibles de la vie".

Bientôt des affiches électorales?

Le mème serait-il symptomatique d'un changement de culture? Finis les discours léchés, les photos parfaites? En 2020, le credo, c'est less is more. "Leur contenu est plutôt cru, volontairement amateur et relève d'une communication compulsive", observe encore Sébastien Salerno. "Tous ces traits de communication nous font penser à certaines figures politiques, notamment Donald Trump". Et le sociologue de conclure: "On peut imaginer qu'à terme, ils remplacent l'affiche politique traditionnelle, notamment aux Etats-Unis dans le cadre des campagnes électorales".

En captant l'attention des masses dans un marché saturé par l'information, le même s'arroge une valeur économique importante et s'assure par là-même un avenir radieux.

Cecilia Mendoza/vic

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