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A Vevey, Nestlé soupçonné d'utiliser le mécénat pour faire pression sur la Ville

Nestléland
Nestléland / Mise au point / 11 min. / le 11 février 2018
Alors que Nestlé vient d'annoncer son retrait de plusieurs projets culturels à Vevey (VD), des voix s'élèvent pour dénoncer la dépendance de la Municipalité vis-à-vis de la multinationale. Le reportage de Mise au Point.

Ex-cité industrielle et prolétaire, la ville de Vevey (VD) tente depuis vingt ans de se réinventer en misant sur la culture, mais Nestlé vient de mettre un frein à cette ambition.

La multinationale, historiquement un généreux mécène pour la Ville (voir encadré), a décidé de réduire son soutien à plusieurs projets culturels. Le musée Jenisch, une institution veveysanne, voit ainsi son budget d’acquisition amputé de 65'000 francs.

Le festival Images prévoyait quant à lui de transformer la Ferblanterie, une ancienne fabrique d’emballages Nestlé, en galerie d’art de 800m2, mais le projet a subitement été abandonné.

>> Lire : Des espaces culturels pénalisés par une querelle entre Nestlé et Vevey

Partenariat ou dépendance?

Cette décision abrupte intervient dans un climat politique tendu. La municipalité veut revoir ses règles en matière d'urbanisme et a gelé tous les grands projets immobiliers, y compris celui de Nestlé, qui prévoyait de construire des centaines d'appartements au coeur de Vevey.

L’entreprise essaie-t-elle alors de faire pression en réduisant son soutien à la culture? Elle n’a en tout cas pas souhaité répondre aux questions de Mise au Point face caméra. La syndique de Vevey Elina Leimgruber (Verts), elle, ne le croit pas.

Reste que Nestlé est un acteur incontournable à Vevey. Non seulement le plus gros employeur de la ville, la multinationale fait aussi bénéficier les associations sportives et culturelles de ses largesses.

Vevey serait-elle devenue dépendante de cette manne? Elina Leimgruber réfute ce terme mais reconnaît le poids de Nestlé dans la ville. "Vevey a grandi avec, (...) ou grâce, (...) à cette multinationale. (....) Au niveau financier, la somme reversée nous permet d'offrir des prestations intéressantes pour tous les Veveysans, je pense que tout le monde est gagnant".

"L'état d'esprit a changé"

Une opération "gagnant-gagnant", sauf si l'un des partenaires tente d’influencer le jeu. Certains à gauche estiment que l'entente s'est dégradée entre Nestlé et sa ville.

La multinationale a depuis un an un nouveau directeur général, l'Allemand Mark Schneider. Un homme qui a pour tâche de réduire les coûts et d'optimiser les rendements dans tous les domaines.

"Je crois que ce qui a changé, c’est l’état d’esprit dans le management à la tête de Nestlé", avance l’avocat Pierre Chiffelle, qui a siégé huit ans à la municipalité de Vevey.

"J'ai le sentiment qu'on cherche avant tout à augmenter les bénéfices des dirigeants, en tentant de couper le cordon ombilical qui existe depuis fort longtemps avec Vevey et la Riviera", regrette l'ancien municipal socialiste.

"Procès d'intention"

D'autres vont plus loin et soupçonnent Nestlé d'utiliser son rôle de mécène pour faire pression sur la Municipalité. C'est le cas du jeune socialiste veveysan Julien Rillier.

"Le mécénat est par définition une chose désintéressée (...). Conditionner des dons ou des subventions à des décisions politiques, je crois que ça ne s’inscrit plus dans une forme de mécénat", dénonce le co-président du PS Vevey.

Le conseiller communal PLR Philippe Herminjard, lui, dénonce un procès d'intention et jure n'avoir jamais entendu dire que Nestlé avait fait pression auprès de politiciens. "Je ne connais pas les responsables de Nestlé, je ne reçois pas de téléphones pour me dire que ce serait bien d'aller dans le sens d’une politique de Nestlé", assure le libéral-radical.

Reste que la multinationale sait qu'elle pèse lourd dans l'escarcelle veveysanne. La ville, quant à elle, n'a pas les moyens de se fâcher avec son précieux partenaire.

Cécile Durring / Pauline Turuban

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Plus d'un million de francs de financements de la part de Nestlé en 2017

La RTS a fait le point sur les financements de la multinationale veveysanne dans la région. Nestlé affirme avoir contribué en 2017 pour "plus d'un million de francs au soutien de 115 sociétés réparties entre Montreux et Lausanne". La firme assure que la majeure partie de cette somme est consacrée à des associations culturelles.

Principale bénéficiaire de cette manne: la Fête des Vignerons, qui est "le poste le plus important en 2017, et le sera jusqu'en 2019", année où la manifestation se tiendra à Vevey, explique une porte-parole. Le Montreux Jazz Festival, l'Alimentarium ou encore le musée Chaplin ont aussi eu droit à des financements de Nestlé.

A Lausanne, un million de franc a été investi par la multinationale dans le nouveau Musée cantonal des Beaux-Arts.

La municipalité de Vevey a expliqué avoir également profité d'un fonds Nestlé, qui a entre autres financé le développement des structures d'accueil de l'enfance. Si le solde actuel du fonds est de 20'000 francs, le montant total des investissements n'a pas été précisé.

Nestlé collabore également avec le monde universitaire et les écoles polytechniques. Une polémique avait éclaté en 2014 suite à des révélations de la Wochenzeitung montrant que le géant de l'alimentaire disposait d'un droit de regard sur les nominations de professeurs de l'EPFL à deux chaires cofinancées par Nestlé.

La carte des investissements:



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