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Drame de Montreux: les deux sœurs ont joué un rôle central dans le suicide prémédité

Dans le drame de Montreux, la justice vaudoise conclut à un suicide collectif prémédité excluant toute intervention extérieure
Dans le drame de Montreux, la justice vaudoise conclut à un suicide collectif prémédité excluant toute intervention extérieure / 19h30 / 2 min. / le 21 mars 2023
La justice vaudoise s'apprête à classer l'affaire de la famille ayant sauté du balcon de son appartement montreusien, en mars 2022. Après une année d'enquête, elle exclut toute intervention extérieure et décrit la dynamique familiale, en huis clos, qui a mené au drame.

L'acte a été préparé, organisé, et même répété. C'est la conclusion glaçante de l'instruction pénale menée par le Ministère public vaudois depuis un an. Dans un communiqué très détaillé et diffusé mardi matin, il annonce rendre un avis de prochaine clôture dans l'affaire dite du drame de Montreux.

Le fait divers, hors norme, avait créé une onde de choc en Suisse et bien au-delà. Au matin du 24 mars 2022, cinq membres d'une même famille – une fille de 8 ans, son frère de 15 ans, leurs parents et la sœur jumelle de la mère – sautaient du balcon de leur appartement du 7e étage, à Montreux. En silence, les uns après les autres, dans un intervalle de cinq minutes. A l'issue du saut, tous décédaient sur place, sauf l'adolescent. Il a survécu à ses blessures et est maintenant pris en charge par les autorités de tutelle du canton de Vaud.

A l'époque, la violence des faits suscitait l'incompréhension et soulevait de nombreuses questions. Comment expliquer un tel geste, en particulier de la part d'enfants? Aujourd'hui, le Ministère public vaudois y apporte quelques réponses.

Ses investigations se sont concentrées sur les examens de médecine légale, la perquisition des lieux du drame, l'étude des appareils électroniques de la famille et les images de surveillance du Casino de Montreux, à proximité de l'immeuble. Plusieurs témoins ont aussi été auditionnés: des voisins, la famille des victimes, des collègues.

>> Plus d'informations : Drame de Montreux: quatre personnes décédées et une autre grièvement blessée

Le rôle de la dynamique familiale

L'enquête du procureur révèle que la mère et sa sœur jumelle revêtaient des rôles centraux au sein du clan. Très contrôlantes, elles auraient exercé une forte emprise sur les enfants. "Elles présentaient des personnalités dominantes et possessives, contrastant avec un père effacé", détaille le communiqué. "Elles les maintenaient dans la croyance d'un monde qui leur était hostile".

La famille, originaire de France, vivait en autarcie et ne sortait que très rarement. A l'exception d'une des deux sœurs jumelles, qui se rendait régulièrement à son travail en tant qu'ophtalmologue. Les enfants étaient scolarisés à domicile. "Dans l'appartement, de grandes réserves de nourritures, vêtements, médicaments et produits d'hygiène ont été retrouvés, de même que des livres et des documents numériques", poursuit le communiqué de la justice vaudoise, qui assure que le clan suivait une doctrine survivaliste et complotiste. "Le Covid et le déclenchement de la guerre en Ukraine semblent avoir également affectés les membres de la famille. Ceux-ci faisaient montre d'une grande défiance envers tout ce que représentait l'Etat, notamment l'école et la police".

Un départ organisé vers un "monde meilleur"

D'après les preuves recueillies par les enquêteurs, attestant des croyances religieuses des victimes, la mort était vue comme un "départ vers un monde meilleur". Sur la base notamment d'analyses de messages qu'ils s'envoyaient entre eux, le Ministère public parvient à établir qu'ils s'étaient préparés, avaient répété et organisé cet acte. Détail sordide: le niveau de préparation était tel qu'ils savaient exactement dans quel ordre ils allaient sauter du balcon. Seule la date exacte du "départ" n'avait pas été arrêtée.

Toujours selon la justice vaudoise, c'est l'arrivée de deux agents de police venus chercher le père pour l'interroger sur la scolarité à domicile de son fils, le matin du 24 mars 2022, qui aurait agi comme déclencheur. "La porte était verrouillée et entravée par des affaires à l'intérieur du logement, décrit le communiqué, dénotant une volonté de se barricader".

>> Revoir l'enquête du 19h30 sur le drame de Montreux :

La ville de Montreux est sous le choc après le drame qui a frappé une famille d’origine française. Enquête
La ville de Montreux est sous le choc après le drame qui a frappé une famille d’origine française. Enquête / 19h30 / 2 min. / le 25 mars 2022

Pas de lien avec des groupes ou mouvances extérieures

Ce qu'il s'est passé ensuite sur le balcon, personne ne le sait exactement. Aucune image, aucun témoignage oculaire n'en atteste. Mais le procureur relève plusieurs éléments qui renforcent "la thèse du suicide collectif" et excluent l'intervention d'un tiers: l'absence de lutte dans l'appartement, l'absence de cri, et un escabeau sur le balcon, "vraisemblablement utilisé pour enjamber la rambarde". Par ailleurs, les analyses médico-légales n'ont trouvé ni lésion sur les corps des victimes, autres que celles liées à la chute, ni trace de substance chimique dans les organismes.

"L'enquête n'a pas non plus révélé de lien avec des personnes, des groupes ou des mouvances qui auraient pu inciter les trois adultes à mettre un terme à leurs jours en emportant les deux enfants", conclut le communiqué.

>> Les explications de Flore Amos dans le 19h30 :

L'analyse de Flore Amos concernant les conclusions de l’enquête sur le drame familial de Montreux
L'analyse de Flore Amos concernant les conclusions de l’enquête sur le drame familial de Montreux / 19h30 / 1 min. / le 21 mars 2023

Huis clos familial

Après un an d'enquête, le procureur s'apprête donc à clore le dossier sur ces constatations. Selon lui, tout s'est joué entre les cinq membres de la famille uniquement. Entre dérives complotistes, craintes de l'extérieur et conditionnement des enfants: ils ont finalement exécuté ce à quoi ils s'étaient préparés.

Une ordonnance de classement sera rendue d'ici quelques semaines. Elle sonnera vraisemblablement l'épilogue judiciaire de cette affaire.

Le fils de la famille lui, seul survivant, est aujourd'hui remis, physiquement tout du moins. Il a été entendu par les enquêteurs à sa sortie du coma. Il n'aurait gardé aucun souvenir de ce matin tragique du 24 mars 2022.

>> Lire aussi : Le jeune rescapé du drame de Montreux est hors de danger et a pu être entendu

Flore Amos / Pôle enquête

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