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La bataille contre le sans-abrisme est lancée à Lausanne

Des SDF attentent l'ouverture du centre d'urgence lausannois de la Vallée de la Jeunesse en 2012.
Zoom - Des actions à Lausanne pour réclamer plus de places pour les sans-abris / La Matinale / 2 min. / le 9 mai 2022
Plusieurs actions "coup de poing" ont eu lieu à Lausanne ces derniers jours pour réclamer aux autorités davantage de places pour les personnes sans-abri. Un débat qui fait rage depuis des années à Genève et qui enfle désormais dans le canton de Vaud.

Des matelas alignés devant le Palais de Beaulieu, puis le Grand Conseil vaudois, des écharpes accrochées aux lampadaires au centre-ville: ces actions sont le fait d'associations et d'un collectif, "43m2", en réaction à la fermeture de 160 places d'hébergement hivernal à Lausanne dès le 1er mai.

Les activistes dénoncent une politique du thermomètre et plaident pour le maintien à l'année de ces lits pour personnes sans-abri. Ils regrettent aussi que les moyens consentis durant la pandémie de Covid-19 n'aient pas été prolongés.

La guerre en Ukraine est aussi source de crispation, selon l'une des associations interrogées par la RTS. Des sommes importantes ont été rapidement débloquées là où elle en réclame depuis longtemps.

Pour les structures d'accueil lausannoises, le débat n'a toutefois rien de nouveau. Elles disent pointer du doigt le manque de places pour personnes sans-abri depuis des années et ont plusieurs fois trouvé un écho politique au Conseil communal de Lausanne. Ensemble à Gauche reviendra d'ailleurs ce mardi avec une nouvelle interpellation.

Plus de visibilité

Reste que le sujet semble prendre de l'ampleur depuis quelques semaines à Lausanne. A bout de patience, des travailleurs sociaux et des militants ont formé un collectif, "43m2", en référence à la surface moyenne occupée par une personne dans un logement suisse. Le mouvement a fait beaucoup de bruit avec ses campements sauvages sur l'esplanade de Beaulieu, devant l'entrée du parlement vaudois et sur la place Chauderon.

Des activistes du collectif "43m2" installent des lits dans un campement destiné à accueillir des sans-abris dans les jardins du Palais de Beaulieu, le samedi 30 avril 2022 à Lausanne. [KEYSTONE - VALENTIN FLAURAUD]
Des activistes du collectif "43m2" installent des lits dans un campement destiné à accueillir des sans-abris dans les jardins du Palais de Beaulieu, le samedi 30 avril 2022 à Lausanne. [KEYSTONE - VALENTIN FLAURAUD]

"Ces actions très médiatisées ont rendu plus visible un phénomène jusqu'ici plutôt invisible pour les Vaudois et les Vaudoises", observe Tshahe Anongba-Varela travailleuse sociale au Sleep-in, alors que Lausanne est la deuxième ville de Suisse avec le plus de SDF, juste derrière Genève, selon une étude financée par le FNS et publiée en mars dernier.

>> Relire : Les sans-abri sont plus nombreux dans les villes romandes

Le profil des personnes sans-toit est très varié, "loin de la seule image du toxicodépendant que se font parfois les gens", nuance Tshahe Anongba-Varela. Un quart des sans-abris a d'ailleurs un emploi. C'est une majorité d'hommes de 40 ans de moyenne d'âge, souvent arrivés de Roumanie ou du Nigeria. Un peu plus de la moitié est sans-papier.

Un dispositif "saturé"

A Lausanne, toujours selon la même étude, on estime à 150 le nombre de SDF pour 100'000 habitants adultes, contre 210 à Genève. Cent vingt-huit lits leur sont proposés, toute l'année, au Sleep-in, à la Marmotte et au Manteau de St-Martin. En hiver, s'y ajoutent 160 lits au Répit et dans un immeuble à la rue de la Borde. Mais les structures d'accueil disent avoir dû refuser un lit à 890 reprises, par manque de places, depuis le 1er janvier.

Le Répit ne refuse par principe personne, mais s'est trouvé plusieurs fois totalement débordé cet hiver, accueillant jusqu'à 120 SDF en une nuit.

"Où sont toutes ces personnes aujourd'hui? Ont-elles toutes une place dans le réseau ouvert à l'année? "Il paraît évident que non", s'inquiète Claire Aymon, responsable communication de la Fondation Mère Sofia qui gère le Répit.

Le dispositif est dépassé, hiver comme été, concluent les associations, et les conditions de travail du personnel s'en trouvent dégradées.

Les promesses des autorités

Le canton finance la majorité des lits à l'année, alors que la ville assure le financement de la majorité des places hivernales.

En réponse aux associations, la cheffe du Département de la santé et de l'action sociale a rappelé avoir augmenté les places et les budgets. Le montant consacré aux personnes sans-abri est ainsi passé à 4,94 millions de francs contre 4,23 millions l'an passé. Rebecca Ruiz a toutefois promis de réévaluer les besoins.

>> Lire aussi : Le canton de Vaud va réévaluer les besoins en hébergement d'urgence

La Municipale lausannoise Emilie Moeschler a même rencontré les militants du collectif "43m2". Elle s'est dit favorable au développement des hébergements d'urgence, mais aussi à des mesures qui permettent aux individus sans-toit de sortir de la grande précarité. Un projet pilote vient d'ailleurs d'être lancé avec la création de 21 studios pour personnes sans-abri au bénéfice d'un contrat de travail.

Mais les militants et les associations demeurent insatisfaites et réclament des mesures immédiates face à une situation d'urgence. L'exemple genevois est brandi. Les places dites hivernales y rouvrent peu à peu et les communes ont accepté de mettre la main au porte-monnaie.

A Lausanne, le nouvel Observatoire des précarités de la HETSL nourrit aussi quelques espoirs. Selon Olivier Cruchon, chef du secteur action sociale chez Caritas Vaud, il pourra apporter un éclairage scientifique et public, et trouvera peut-être plus d'écho auprès des politiques que les acteurs du terrain.

Julie Rausis

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