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Expérience concluante de sans-abri logés dans un immeuble vide à Lausanne

Véritable alternative à l'hébergement d'urgence, un immeuble lausannois offre un logement à une soixantaine de sans-abris
Véritable alternative à l'hébergement d'urgence, un immeuble lausannois offre un logement à une soixantaine de sans-abris / 19h30 / 2 min. / le 27 mai 2021
Une soixantaine de sans-abri vit depuis un an et demi dans des appartements près de la gare de Lausanne. Dans un rapport publié cette semaine, la Haute Ecole de travail social de Lausanne appelle à un développement du modèle comme alternative aux hébergements d’urgence.

A un jet de pierre de la gare de Lausanne, un immeuble de la Rue du Simplon abrite depuis un an et demi une cohabitation inédite entre 44 étudiants et 56 sans-abri. Le contrat de prêt à usage lie l’Association pour le logement des jeunes en formation (ALJF) et les CFF, propriétaires de l’immeuble, voué à disparaître en raison des travaux d’extension de la gare.

Nicolae, père de famille et ancien sans-abri qui a pris part à cette expérience hors du commun, vit dans un appartement de trois pièces au quatrième étage. Un véritable cadeau du ciel, comme il l'explique dans le 19h30. "On rentre à la maison quand on veut. On sort quand on veut. On prépare à manger quand on veut. C’est presque comme notre propre appartement."

A l’instar de Nicolae, Valentin (prénom d’emprunt) a pu faire scolariser son enfant après avoir enfin trouvé un pied-à-terre. "Quand mon fils était sur la route, il ne pouvait pas aller à l’école. Il avait beaucoup de difficultés pour dormir. C’est pas comme ici. Il est tranquille, il mange, il est propre. Quand il va à l’école, les autres ne le voient pas comme un Rom, un gitan ou un étranger. Il est vu comme les autres, alors que quand il est sur la route, les gens font des différences."

Les hébergements d’urgence saturés

Cette initiative de logement a vu le jour il y a deux ans grâce au Sleep-In, l’un des deux hébergements d’urgence de Lausanne, qui sont souvent saturés.

"On refuse du monde tous les jours", confirme Leonardo Carriero, travailleur social à l'Association Sleep-In à Lausanne. Avant d'ajouter: "L’accueil au Sleep-In est assez rudimentaire: on ouvre de 21h à 9h du matin. On offre des chambres communes, avec toutes les difficultés que cela engendre. Ce n’est pas une vie de vivre dans un centre d’hébergement. Certaines personnes travaillent, ils ont des enfants, donc l’idée du projet de la Rue du Simplon était de trouver une stabilité pour ces personnes."

Un objectif atteint, témoigne Nicolae, même si la pandémie est venue jouer les trouble-fêtes: "Grâce à cet appartement, j’ai trouvé du travail. J’ai travaillé presque huit mois. Puis à cause de ce Covid, j’ai perdu mon travail."

Tout comme lui, beaucoup ont un permis de séjour et enchaînent les missions temporaires. Mais leur revenu reste souvent insuffisant, et leur situation trop instable, pour accéder au marché du logement. A la Rue du Simplon, le loyer par adulte est plafonné à 150 francs par mois.

Le logement d’abord, pivot de la socialisation

Pour l’équipe de recherche mandatée par le Sleep-In, qui vient de publier une étude sur ce projet pilote, l'expérience est concluante et prouve qu’avoir une adresse est un pivot dans le processus de socialisation. "Le logement est un élément central. Il permet de s'insérer, d'avoir une ville de famille, de contracter une assurance maladie", souligne Hélène Martin, professeure à la Haute Ecole de Travail social et santé de Lausanne (HETSL).

Les résidents de l'immeuble de la Rue du Simplon devront quitter les lieux d'ici trois semaines, sous peine d’être expulsés. [RTS]

Pour la chercheuse, on ne peut absolument pas se satisfaire de l’urgence sociale, "qui est une politique qui a pour effet de chroniciser le sans-abrisme". Et d’en appeler à la mise en place d’une politique du logement d’abord. "Ça se fait déjà en Europe: une telle politique permet aux personnes de se stabiliser, de mettre leurs enfants à l’école, d’avoir un travail dans de meilleures conditions, d'accéder à l’assurance maladie..."

Mais pour la soixantaine d’anciens sans-abri, cette parenthèse enchantée à la Rue du Simplon touche à sa fin: le bâtiment, propriété des CFF, sera démoli en raison des travaux d’extension à venir en gare de Lausanne.

Les résidents doivent quitter les lieux d'ici trois semaines, sous peine d’être expulsés. Craignant que leur horizon ne s’assombrisse à nouveau, certains d’entre eux ont formé un collectif, "Le Peuple du Simplon", pour tenter de trouver un nouveau toit, et éviter ainsi à tout prix de se retrouver à nouveau dans la rue.

>> Voir aussi le débat dans Forum entre Jean-Pierre Tabin, professeur de politique sociale à la HES-SO, Kim Grootscholten, directrice de l’ONG "Toit pour tous", Louise Trottet, députée lausannoise (Vert·e·s), et Anne Hiltpold, secrétaire générale adjointe de la Chambre genevoise immobilière :

Le grand débat - Logement vacants, les sans-abris d’abord?
Le grand débat - Logement vacants, les sans-abris d’abord? / Forum / 23 min. / le 28 mai 2021

Sujet TV: Yoan Rithner

Adaptation Web: Fabien Grenon

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Trois interpellations urgentes de la gauche

Mardi soir, les conseillers communaux de gauche ont déposé trois interpellations urgentes afin que la Ville trouve rapidement une solution pour reloger les habitants de l'immeuble du Simplon. Ils doivent tous être expulsés le 15 juin, comme le relate le quotidien vaudois 24 heures.

Dans leur interpellation, les élus socialistes Muriel Chenaux Mesnier et Louis Dana se demandent "comment éviter la fin abrupte d’une expérience de logement et d’intégration réussie?". Ils insistent entre autres sur le succès de cette expérience qui "a permis aux personnes et familles précédemment sans-abri de se reposer, de stabiliser leur situation familiale et professionnelle, et de retrouver des perspectives d’avenir".

De leur côté, le groupe Ensemble à Gauche questionne aussi la Ville via une autre interpellation urgente, signée Johann Dupuis: "Des personnes se retrouvant à la rue alors que des immeubles lausannois sont vides: que fait la Municipalité?". Dans son interpellation, le groupe propose notamment d'autres lieux à même d'accueillir les sans-abri expulsés, comme l’Auberge de Sauvabelin.

Et enfin, les Verts s’inquiètent des fermetures de lieux d’hébergement d’urgence, comme Le Répit, L’Étape et, à la fin du mois, Montolieu. Et ils demandent si la Municipalité a recensé l’ensemble des logements vides pouvant faire l’objet de prêts à usage.