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Acquittement du policier jugé pour meurtre lors d'une intervention à Bex

La justice acquitte le policier qui avait abattu un Congolais armé d'un couteau à Bex
La justice acquitte le policier qui avait abattu un Congolais armé d'un couteau à Bex / 19h30 / 2 min. / le 31 mars 2021
La justice a acquitté mercredi le policier ayant abattu Hervé, un jeune Congolais armé d'un couteau, lors d'une intervention à Bex (VD) en 2016. L'agent a agi en état de légitime défense, selon le Tribunal. Près de 500 personnes ont manifesté leur colère à Lausanne

Légitime défense ou geste disproportionné du prévenu, alors caporal, qui devait répondre de meurtre, chef d'accusation passible de cinq ans de prison au moins? Les cinq juges ont tranché, suivant ainsi le réquisitoire du Ministère public qui avait demandé lors du procès la semaine dernière l'abandon des charges et donc l'acquittement.

Légitime défense

Le policier "a agi en état de légitime défense et a fait un usage proportionné de son arme à feu. Le meurtre ne peut pas être ainsi retenu", a déclaré Anne-Catherine Page, présidente du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois, délocalisé à Renens pour l'occasion.

La cour criminelle a estimé qu'il n'était pas possible de repousser l'attaque au couteau à pain par d'autres moyens vu la proximité et la rapidité de celle-ci. "L'attaque était actuelle, imminente, sérieuse et illicite. Elle portait atteinte à la vie ou à l'intégrité corporelle", selon le verdict de la présidente.

L'arme comme seul moyen

Hervé "surplombait" le policier avec un couteau "brandi en hauteur": il y avait un risque pour le policier d'être frappé au visage ou au cou, selon le tribunal. "Dans ce contexte, l'arme à feu était le seul moyen efficace pour contrer la rapidité de l'attaque", a dit Anne-Catherine Page.

Il ne peut pas lui être reproché d'avoir tiré et même trois coups, selon le tribunal qui a admis la "proportionnalité" de la réaction et du geste du policier par rapport au danger.

>> Voir l'analyse de Patrick Le Fort dans le 12h45 :

La justice acquitte le policier qui avait abattu un Congolais armé d'un couteau à Bex. Les explications de Patrick Le Fort
La justice acquitte le policier qui avait abattu un Congolais armé d'un couteau à Bex. Les explications de Patrick Le Fort / 12h45 / 1 min. / le 31 mars 2021

Les faits remontent au dimanche soir 6 novembre 2016. Une patrouille de police avait été alertée en raison d'un grabuge dans un immeuble de Bex. Sur place, Hervé, père de famille de 27 ans avait défoncé une porte et réveillé un voisin, faisant mine de l'égorger avec un couteau à pain avant de le laisser tranquille.

Drogué et menaçant

Arrivés sur place, cinq policiers avaient essayé de calmer l'homme, drogué et dans un état second, avant que celui-ci s'en prenne à un des agents en lui courant après avec le couteau à la main. Puis il s'était dirigé et rapproché du caporal, aujourd'hui âgé de 52 ans, le menaçant avec le couteau. Le policier avait dégainé et tiré trois coups de feu, atteignant la victime à la cuisse et au thorax.

La présidente du tribunal a eu des mots empathiques pour la famille de la victime présente au verdict. "Ce jugement n'implique pas que votre fils était un méchant ou un délinquant. Il y a eu un concours de circonstances entre son état psychique et l'intervention de la police ce jour-là".

La famille fait appel

L'avocat de la famille a aussitôt affirmé à la sortie du tribunal que la partie plaignante ferait appel à ce jugement. "Nous sommes très déçus du verdict, même s'il était prévisible dès le premier jour du procès puisque le tribunal nous a refusé de se rendre sur la scène du crime et de faire une reconstitution des faits", a déclaré Ludovic Tirelli.

Il a néanmoins dit avoir apprécié les "mots très justes pour la famille" de la part de la présidente. La lecture du jugement était "sobre et respectueuse" à l'encontre de la victime, a reconnu Ludovic Tirelli.

Soulagé et triste

De son côté, l'avocate du policier, Odile Pelet, a affirmé que son client était "très soulagé de cette décision d'être enfin libéré de l'accusation de meurtre après plus de quatre ans d'enquête". Et d'ajouter: "Il est triste pour la famille et comprend sa colère".

ats/jpr

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Nombreuses réactions

La mort d'Hervé avait suscité de nombreuses réactions. Plusieurs centaines de personnes avaient manifesté quelques jours plus tard à Lausanne pour rendre hommage à la victime et dénoncer "un profilage racial" de la police. La République démocratique du Congo (RDC) était également intervenue pour demander des explications aux autorités suisses.

Mardi à Renens, à l'extérieur du Tribunal, une quinzaine de jeunes de différents collectifs étaient présents pour la lecture du jugement, en solidarité avec la famille de la victime et en mémoire de la victime.

Ingrid Karega, membre de l'association "À qui le tour", proche de la famille d'Hervé, ne se dit pas rassurée par le jugement: "Nous sommes sous le choc, surpris", dit-elle au micro de Forum. "Il y a encore énormément de questions pour nous qui n'ont pas eu de réponses. Il est difficile de sentir que justice a été faite. Il y a eu différentes versions, des rapports ont été changés".

Elle souligne encore: "C'est un fait: la police tue. Un homme a été abattu. C'est quelque chose d'emblématique".

Pour Frédéric Maillard, analyste des pratiques policières et responsable de formations continues pour les corps policiers, la police ne tue pas, "elle se défend", explique-t-il dans l'émission Forum. "Elle tue dans un cas de légitime défense, proportionnée, bien sûr. Il y a des exactions, mais je crois extrêmement faibles, dans notre pays".

Il se dit soulagé par l'issue du procès: "Car ce n'est pas sur ce champ d'opérations, dans cette typologie d'intervention que se produit le racisme. Que l'on ne s'y méprenne point: le racisme sévit à l'abri du courage, des regards, de la peur et des menaces, dans les vestiaires des institutions de police, mais aussi dans les interpellations courantes, anodines. C'est là où nous devons prêter attention".

>> Dans Forum, les interventions d'Ingrid Karega, membre de l'association "À qui le tour", proche de la famille d'Hervé, et de Frédéric Maillard, analyste des pratiques policières et responsable de formations continues pour les corps de police :

Acquittement du policier qui avait abattu un jeune Congolais à Bex : débat entre Ingrid Karega et Frédéric Maillard
Acquittement du policier qui avait abattu un jeune Congolais à Bex : débat entre Ingrid Karega et Frédéric Maillard / Forum / 10 min. / le 31 mars 2021

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Manifestation à Lausanne

Mercredi à Renens, à l'extérieur du Tribunal, une quinzaine de jeunes de différents collectifs étaient présents pour la lecture du jugement, en solidarité avec la famille d'Hervé et en mémoire de la victime. En début de soirée, quelque 500 personnes se sont réunies au centre-ville pour crier leur colère et dénoncer "un meurtre policier".

"Un Noir peut être une bonne personne. S'il se retrouve au mauvais endroit, il meurt. C'est notre quotidien", a lancé un des orateurs qui a appelé à continuer le combat. "Je ne lâcherai pas l'affaire."

Après un rassemblement à la Riponne, les participants ont défilé en ville et se sont dirigés vers Montbenon, le siège du tribunal d'arrondissement de Lausanne, où ils ont observé une minute de silence.

>> Voir le sujet du 19h30 :

Une manifestation de Black Lives Matter s'est tenue à Lausanne
Une manifestation de Black Lives Matter s'est tenue à Lausanne / 19h30 / 15 sec. / le 31 mars 2021