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Les vendanges 2019 s'achèvent sur fond de crise du marché viticole

Les vendanges 2019 sont le symbole d'une énorme crise du marché viticole.
Les vendanges 2019 sont le symbole d'une énorme crise du marché viticole. / 19h30 / 2 min. / le 30 octobre 2019
Les vendanges 2019 auront été le symbole des stocks difficiles à écouler, d'une baisse de la consommation et de la menace de la concurrence étrangère. Les producteurs de vrac et le marché de gros ont vécu un automne horribilis. Mais des solutions se profilent.

Tandis que les derniers raisins prennent le chemin des caves, les producteurs se battent pour tirer leur épingle du jeu.

Le marché du vrac, le marché de gros, traverse une crise. La petite récolte 2017 due au gel et l'abondante récolte 2018 ont faussé les marchés.

>> Lire : La vendange 2018 à un niveau jamais atteint depuis 2011

Au début des vendanges bon nombre de caves avaient encore des dizaines de milliers de litres en stock. Par conséquent, l'offre dépasse largement la demande.

Se séparer des fournisseurs

Face à ce marché du vrac sinistré, Frédéric Dumoulin, viticulteur, a dû se séparer de ses fournisseurs: "J'ai écrit à une quinzaine de fournisseurs que, suite aux difficultés sur le marché du vrac, je renonçais à l'achat de vendanges pour me concentrer sur la production de mes raisins. Actuellement, on vend bien notre vin en bouteille: on va se concentrer sur ce marché-là plutôt que de satisfaire le marché du vrac".

Plusieurs caves ont mis en garde par courrier leurs fournisseurs: impossible de garantir un prix de la vendange.

Une situation inédite qui ne décourage pas Samuel Luisier, jeune viticulteur, qui se lance avec un domaine de deux hectares à Fully. Il a la chance d'avoir signé un contrat avec une cave qui lui donne certaines garanties, contrairement à beaucoup de ses confrères: "On est dans un climat très tendu. Mes collègues vignerons, quelques jours avant l'ouverture des caves, ne savaient pas où livrer l'entier de leur récolte. Quand on livre dans les grandes caves, elles sont elles-mêmes sous l'influence du marché de l'importation. On sent qu'il y a des pressions de tous les côtés".

>> Regarder :

En Valais, l'incertitude plane sur les prix de la vendange 2019.
En Valais, l'incertitude plane sur les prix de la vendange 2019. / 19h30 / 1 min. / le 30 septembre 2019

Appel au secours

Face à ces pressions, les organisations professionnelles tirent la sonnette d'alarme auprès du grand patron, l'Office fédéral de l'agriculture. Le budget annuel de 3 millions de francs risque cette fois de ne pas suffire.

Pour Pierre-Antoine Héritier, président de la Fédération valaisanne des vignerons, le salut doit venir d'une opération de promotion d'envergure, en Suisse alémanique notamment: "Aujourd'hui, on demande un budget extraordinaire parce que la situation est extraordinaire; on pense qu'on va l'obtenir".

>> Lire : La grande distribution ne se sent pas responsable des excédents de vins

S'exporter

En attendant davantage de moyens pour promouvoir le vin suisse sur nos marchés, cinq domaines de la Côte ont décidé de se lancer dans l'exportation: "Compers'5", leur association, est née en août.

Leur voyage en Asie est déjà planifié: "On va aller prochainement en Chine pour se rendre dans les expositions, les restaurants, les écoles de vin aussi", explique Julien Rolaz, responsable communication de la nouvelle société: "Le but, ce n'est pas d'attendre que les gens viennent vers nous: c'est d'aller vers les gens".

La récolte 2019, moins importante que prévu, devrait détendre quelque peu les marchés. Une importante opération de promotion en Suisse alémanique pourrait également aider les brumes qui ont plané sur ces vendanges à se dissiper.

Claudine Gaillard Torrent/sjaq

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Des hectares de vigne pourraient disparaître

Cette situation exceptionnelle pourrait déboucher à moyen terme sur une diminution du vignoble.

Frédéric Dumoulin, vigneron encaveur, avertit: "Si cette situation perdure, avec la libre importation des vins étrangers en Suisse, on va perdre 800 hectares en Valais. Et sur les 15'000 hectares qu'on a en Suisse, on va perdre peut-être 1000 hectares".

La coopérative Provins a dénoncé des contrats de location de vignes: une décision qui force les propriétaires de ces parcelles à chercher d'autres exploitants.

A Savièse, cela représente une trentaine d'hectares; cette commune viticole a vu ses parcelles se réduire ces dernières années. Six hectares de vigne ont ainsi disparu. En cause: la construction et, dans une moindre mesure, l'abandon de certaines parcelles.

Depuis quelques années on assiste également à la disparition de ceux qu'on appelle les "vignerons du samedi": les anciennes générations ne peuvent plus travailler les vignes et les jeunes ne veulent pas forcément se lancer sur un marché incertain.

A l'avenir il y aura sans doute "une professionnalisation de l'ensemble de l'exploitation; cela va sans doute restreindre le vignoble", conclut Frédéric Dumoulin.