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A Genève, les touristes chinois sont attendus... avec patience

Des touristes chinois photographiés à Genève devant le Mur des Réformateurs. [Keystone - Martial Trezzini]
A Genève, les touristes chinois sont attendus... avec patience / Le Journal horaire / 43 sec. / le 1 octobre 2022
En 2018 mais aussi en janvier 2020, Genève Tourisme avait choisi la Chine pour sa grande campagne de promotion. Plus de deux ans et demi plus tard, les touristes chinois ne sont toujours pas revenus dans la Cité de Calvin. En cause, les mesures anti-Covid encore en vigueur en Chine.

Le secteur du tourisme aura été l'un des plus rapidement touché par les années coronavirus. A Genève, l'entreprise Hao Feng Cie SA, spécialisée dans l'import-export mais aussi dans l'organisation de voyages pour les touristes chinois, a été contrainte dès fin 2020 de fermer ses locaux de la Rue Pradier.

Sa directrice Yihong Li, qui continue ponctuellement cette activité, s'est reconvertie dans la restauration, où elle dispose désormais d'une clientèle plus stable: "La plupart de mes clients sont des locaux. J'ai bien sûr encore des Chinois, mais ce sont plutôt des étudiants ou des parents qui viennent rendre visite à leur enfant. Actuellement, les voyageurs en provenance de Chine, ça reste une très petite minorité", confie-t-elle.

"Nous avons coupé tous nos investissements"

Du côté de Genève Tourisme et Congrès, après des mois de janvier et février encore difficiles, on a retrouvé des couleurs au premier semestre 2022. Le nombre de nuitées s'est peu à peu rapproché des chiffres de 2019 jusqu'à n'être au mois de juillet que de 2% inférieur à ceux d'il y a 3 ans.

Mais sur le marché chinois, pas d'éclaircie à l'horizon. Sur les 6 premiers mois de l'année, Genève n'a comptabilisé que 8500 nuitées de touristes chinois, soit 6 fois moins qu'en 2019. Une situation qui a poussé la fondation à prendre une décision radicale.

"Durant la pandémie, nous avons eu des coupes budgétaires. On est passé de 18 millions à environ 8 millions. On a bien entendu dû faire des choix et nous avons coupé tous les investissements sur le marché chinois", explique son directeur Adrien Genier à la RTS.

Adrien Genier, directeur de la Fondation Genève Tourisme et Congrès. [RTS - Tristan Hertig]

Et d'ajouter: "Par contre, nous avons continué à être actifs sur les réseaux sociaux, Wechat, Weibo, Douyin (ndlr. le TikTok chinois) et nous avons une responsable du marché chinois qu'on a souhaité garder et qui a pu s'impliquer dans l'intervalle sur d'autres marchés (...) on a donc surtout maintenu le contact".

Genève Tourisme a dû couper tous ses investissements sur le marché chinois, mais elle est restée active sur les réseaux sociaux, comme ici, sur Weibo. [Weibo/Genève Tourisme - RTS]

Un peu plus de 3% de part de marché

Avant le début de la pandémie, Genève était la quatrième ville suisse la plus visitée par les voyageurs chinois, après Lucerne, Interlaken et Zurich: des touristes qui ne représentaient pourtant qu'un peu plus de 3% des nuitées sur une année.

Un chiffre qui peut paraître insignifiant alors qu'on évoquait souvent ce marché comme un "eldorado". Pour Adrien Genier, ce terme n'est toutefois pas usurpé, tant le potentiel de développement est grand. "C'était un peu plus de 3%, mais c'était un marché en fort développement (...) un marché qui reste quand même énorme. Enorme en termes de population, avec des gens qui ont souvent un pouvoir d'achat assez élevé. Donc non, ce terme n'est pas usurpé, je pense que le potentiel est toujours présent et que la clientèle chinoise reviendra quand les frontières rouvriront", explique-t-il.

Pas de crise sur le marché du luxe

L'absence de touristes chinois aurait également pu se faire ressentir sur les commerces de la ville, notamment les boutiques de luxe. Les Chinois sont en effet parmi les plus dépensiers, avec une moyenne de 330 francs par jour et par personne, juste derrière les voyageurs du Golfe.

Contactée, Genève Commerce n'a pas pu obtenir suffisamment de retours de ses membres pour donner des chiffres précis, mais là-aussi, l'impact semble toutefois limité.

Le fait que les Chinois ne représentaient qu'un peu plus de 3% des nuitées est sans doute l'un des éléments explicatifs, mais pas seulement. Avant la pandémie, les grands groupes de touristes chinois privilégiaient plutôt Lucerne ou Interlaken pour ce genre de dépenses. "Là-bas, tout est fait pour ça. Les boutiques sont centralisées et il y a également plus de place pour les cars. C'est donc plus facile d'organiser un moment shopping", détaille Yiwan Zhang, une ex-guide touristique désormais reconvertie dans le secteur bancaire.

Des touristes chinois en visite à Lucerne. [RTS - Alain Arnaud]

Une analyse que partage d'ailleurs Adrien Genier: "A Genève, notre cible, ce ne sont pas ces grands groupes en car, qui logent souvent de l'autre côté de la frontière et qui ne passent au final que quelques heures ici pour partir à Lucerne ou à Interlaken. Nous, ce qui nous intéresse, c'est plutôt des touristes chinois qui sont déjà venus en Suisse et qui reviennent pour un séjour plus long. En général, ce sont des familles, ou des petits groupes qui viennent avec des moyens plus élevés et qui ne vont pas hésiter à passer plus de temps ici. Deux, trois, voire quatre jours".

Au final, Genève peut se permettre de patienter pour le retour des touristes chinois. L'impact est sans aucun doute plus fort dans des villes comme Lucerne, où les nuitées en provenance de l'Empire du Milieu représentaient plus de 10% du total avant la pandémie.

Reste toutefois pour l'ensemble du secteur touristique à affronter d'autres défis. Inflation, renchérissement continu du franc par rapport à l'euro ou encore pénurie énergétique annoncée.

Tristan Hertig

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