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Suisse-France, ni le Covid, ni les polémiques n’ont de frontière

Frontaliers pénétrant en Suisse par la douane de Bardonnex, à Genève. clandestins suisses [Keystone - Martin Ruetschi]
Suisse-France 5/5 - À qui profite la frontière…? / Vacarme / 25 min. / le 27 novembre 2020
Hors Covid, lorsque qu’aucun bloc de béton n’entrave la circulation, le Grand Genève forme un seul bassin de vie transfrontalier. Mais lorsqu’une pandémie oblige les Etats à se confiner, la frontière réapparaît et les polémiques resurgissent, à commencer par les responsabilités transfrontalières face à la propagation du virus.

Le ton était donné dès la première vague, en mars, le sénateur de Haute-Savoie Loïc Hervé accusant la Suisse de mettre en danger la santé des Français avec ses mesures de semi-confinement. Berne répliquait en qualifiant les méthodes françaises de "politique spectacle".

Les choses ne s’arrangent pas avec la deuxième vague, alors qu’un médecin lyonnais vient d'accuser la Suisse d’être à l’origine du fort taux de contaminations en Haute-Savoie, l’un des départements français les plus touchés par le virus (900 cas pour 100'000 habitants).

Des propos qui ont fait réagir Mauro Poggia, conseiller d'Etat genevois chargé de la santé: "Ce genre de commentaire est aussi sérieux que celui qui consisterait à dire que la situation à Genève a pour cause les 95'000 frontaliers qui viennent chaque jour de France en étant potentiellement porteurs du virus."

La gestion sanitaire différente de part et d’autre n’est pas la seule pomme de discorde dans le Grand Genève. La question de la répartition de la recette fiscale des frontaliers et des logements est également une vieille rengaine, sans compter les problèmes de trafic routier.

Fiscalité, mobilité, démographie

Les élus du Genevois français pointent du doigt la croissance démographique galopante en raison des nombreux Suisses qui s’installent côté français et qui font grimper le prix du foncier. Les politiques genevois brandissent eux les chiffres de la compensation financière fiscale.

Le canton de Genève emploie 87'979 travailleurs frontaliers et encaisse un peu plus d'un milliard de francs d'impôt à la source. Il reverse aux collectivités françaises 3,5% de la masse salariale, soit 315 millions de francs en 2020.

Des recettes qui ne couvrent pas les frais d'équipements en France voisine, selon Antoine Vielliard. Pour l'ancien maire de Saint-Julien-en-Genevois, les politiques genevoises sont incohérentes et le Genevois français en subit les conséquences.

"Genève se compare à Singapour et à New York pour sa politique économique et au Gros-de-Vaud pour sa politique de construction de logements".

Antoine Vielliard, ancien maire de Saint-Julien-en-Genevois

Le canton de Genève reconnaît qu'il existe bien un déficit de logements qui est difficile à combler car les projets de développement se heurtent à l'opposition de la population. Le 9 février dernier, le peuple avait refusé de déclasser deux zones villas en zone de développement à Cointrin, à proximité de l'aéroport. Ces deux zones faisaient partie des grands projets prioritaires d'urbanisation du canton, souligne Sylvain Ferretti, directeur de l'Office de l'urbanisme du canton.

Quelque 2300 logements et 800 emplois devaient y voir le jour à l'horizon 2050. La densification du Petit-Saconnex et une modification de zone au Grand-Saconnex en vue d'un projet immobilier ont également été refusées par le peuple.

Les communes françaises profitent aussi du Grand Théâtre, de l'aéroport et de l'offre culturelle genevoise, ça ne sert à rien de savoir qui tire la couverture à soi, mieux vaut construire ensemble une agglomération qui fonctionne

Sylvain Ferretti, directeur de l'Office de l'urbanisme du canton de Genève

La petite commune française de Vulbens, située à deux kilomètres de la frontière suisse, connaît également une forte croissance démographique, plus de 4% par an depuis plusieurs années. "300 logements sont en cours de construction à Vulbens, ça veut dire 800 nouveaux habitants qui vont arriver dans la commune. Aujourd'hui, notre école est saturée", explique le maire Florent Benoît. "Avec la hausse du coût du foncier, nos artisans, nos fonctionnaires, nos enseignants qui n'ont pas un salaire de frontalier n'ont plus les moyens de se loger", ajoute le maire.

L'exode du personnel soignant

La Commune peine également à recruter du personnel soignant, attiré par des salaires 2,5 fois plus élevés côté suisse.

"Lorsque la frontière a été fermée en mars, on a vu à quel point nos territoires sont liés, on a une relation d'interdépendance: lorsque la Suisse tousse, la France s'enruhme". Mais pour Florent Benoît, la proximité de la frontière est une chance pour autant que les problématiques soient gérées ensemble.

Katia Bitsch

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A qui profite la frontière?

Regardez cette vidéo qui expose les arguments sous forme de conversation simulée entre Antoine Vielliard, conseiller municipal et ancien maire de Saint-Julien-en-Genevois, et Sylvain Ferretti, directeur de l'Office de l'urbanisme du canton de Genève.

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