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La bataille est lancée sur l'application du nouveau salaire minimum à Genève

Patrons genevois inquiets face au salaire minimum. [Keystone - Martial Trezzini]
Le désarroi des patrons face au salaire minimum à Genève / Forum / 2 min. / le 28 septembre 2020
A Genève, la mise en oeuvre du salaire minimum cantonal, accepté dimanche par 58% des votants, risque d'être compliquée. Les discussions s'annoncent rudes entre le patronat et les syndicats, et certaines questions restent ouvertes sur l'application du texte.

Suite à ce vote, un salaire horaire de 23 francs sera introduit dans la loi dès le mois prochain, et sera applicable immédiatement après sa promulgation. Les conventions collectives de travail et les contrats-types n'auront donc qu'un mois pour intégrer ce nouveau salaire minimum.

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Lorsque les cantons de Neuchâtel et du Jura avaient voté l'introduction d'un salaire minimum, ils avaient laissé un délai transitoire aux employeurs pour se conformer à leur salaire minimum. Mais ici, spécificité genevoise, l'initiative adoptée dimanche ne prévoit aucun délai de mise en oeuvre.

Primauté de la loi sur les conventions collectives

Et les initiants n'ont pas l'intention de faire de cadeau au patronat de ce point de vue. Ils estiment que la plupart des entreprises genevoises ont parfaitement les moyens de verser dès maintenant 23 francs de l'heure à leurs employés. Le syndicat Unia vient d'ailleurs de publier un communiqué dans ce sens. Il exige une "entrée en vigueur immédiate", estimant que "le manque de prévision des représentants de la droite et des employeurs sur l’acceptation de l’initiative ne saurait être une raison à une entrée en vigueur différée".

Dans le détail, l'initiative genevoise consacre la primauté du salaire minimum sur les contrats individuels, mais aussi sur les conventions collectives et les contrats-types de travail. Sur ce point, Genève diffère du Jura, qui a une logique inverse, mais rejoint Neuchâtel. Les partenaires sociaux seront donc invités par l'Etat, dans les deux semaines, à dialoguer sur l'application concrète de la loi, sous l'égide du Conseil de surveillance du marché de l'emploi.

Aucune concession

Or, ces débats s'annoncent tendus. Les syndicats viennent de remporter une victoire importante et n'ont pas l'intention de faire de concessions, notamment sur la possibilité d'extension des exceptions possibles. Par ailleurs, ils exigeront l'application de l'indexation du salaire minimum à l'indice des prix à la consommation, telle que le prévoit l'initiative. Le salaire minimum devrait donc passer de 23 francs à 23 francs 15.

Par ailleurs, il faudra certainement résoudre un certain nombre de questions laissées ouvertes: le salaire minimum calculé sur an sera-t-il calculé en tenant compte d'un 13ème salaire? Il faudra également régler la question des travailleurs détachés, ainsi que des employés genevois effectuant un mandat de plusieurs mois dans un canton voisin, ainsi que le cas inverse.

Mauvais timing pour les "perdants" du Covid

Quoi qu'il en soit, cette nouvelle contrainte arrive au mauvais moment pour certains secteurs particulièrement touchés par la crise, notamment celui de la restauration. Actuellement, la Convention collective de travail (CCT) de la branche fixe des salaires minimaux de l'ordre de 3400 francs par mois. Un salaire minimum de 23 francs de l'heure fera grimper ce seuil à environ 4000 francs. Une nouvelle réalité à laquelle il faudra s'adapter.

Interrogé dans Forum, le patron du café-restaurant de l'Hôtel-de-Ville de Genève, qui emploie au total 22 personnes, confirme que l'introduction rapide de ce plancher salarial risque d'être "un poids supplémentaire sur le dos des patrons". "Je pense qu'il y aura beaucoup de casse du côté des petites PME", estime-t-il. Il se dit dans l'expectative, en attendant qu'une nouvelle CCT soit mise en place.

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Raphaël Leroy/jop

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