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Les lanceuses d'alerte du Service des votations genevois ont perdu leur emploi

GE: soupçons de fraudes électorales grâce à deux lanceuses d’alertes
GE: soupçons de fraudes électorales grâce à deux lanceuses d’alertes / Forum / 2 min. / le 6 décembre 2019
Les deux auxiliaires qui avaient dénoncé des pratiques litigieuses au Service des votations et élections à Genève se retrouvent aujourd'hui sans emploi, a appris la RTS. Elles ont été écartées en raison de la procédure pénale en cours pour fraude électorale.

Elles ne sont prévenues de rien à ce stade, mais elles ont tout perdu. Les deux auxiliaires à l'origine de la perquisition spectaculaire qui a eu lieu en mai dernier au Service des votations et élections (SVE) sont au chômage technique. Depuis cet été, elles ne sont plus appelées pour travailler au sein de ce service.

>> Lire : La commission électorale genevoise n'a pas constaté d'irrégularités

Cette situation est une première depuis plus de onze ans pour les deux femmes, qui travaillent sur appel au SVE depuis 2007 et 2008 sans discontinuer. Désormais sans revenus et avec des personnes à charge, elles peinent à s'en sortir. L'une d'elles s'est même tournée vers l'Hospice général, selon les informations de la RTS.

"Plus sollicitées" jusqu'à la fin de l'enquête

Elles ont cherché pendant longtemps à savoir ce qu'on leur reprochait, car elles n'ont reçu aucune nouvelle de leur employeur durant des semaines. Ce sont finalement leurs ex-collègues qui leur ont parlé de leur convocation pour le dépouillement des élections fédérales alors qu'elles n'avaient toujours rien reçu.

Fin août, les deux auxiliaires ont écrit à la Chancellerie pour savoir ce qu'il en était. La réponse est tombée vingt jours plus tard: étant les auteures de "déclarations importantes", elles ne seront plus sollicitées jusqu'à la clôture de la procédure pénale. Cette dernière est toujours en cours, selon le Ministère public. L’employé interpellé en mai reste le seul prévenu à ce jour.

Dysfonctionnements dénoncés correctement

Privées de travail, elles se retrouvent de facto logées à la même enseigne que le principal accusé. Les deux femmes n’ont pourtant qu’un statut de témoin. Et surtout, elles n'ont fait que signaler des dysfonctionnements préoccupants. Elles ont d'ailleurs suivi la procédure adéquate pour ce faire. Elles sont d'abord passées par le groupe de confiance de l'Etat avant d'être redirigées vers la Cour des comptes. C'est ensuite que le Parquet s'est saisi de l'affaire.

Or, la Constitution genevoise est très claire: elle protège les personnes "qui, de bonne foi et pour la sauvegarde de l’intérêt général, révèlent à l’organe compétent des comportements illégaux constatés de manière licite". La Loi genevoise sur la surveillance de l'Etat stipule même que "la transmission d’informations aux organes de surveillance, de bonne foi, ne constitue pas une violation des devoirs de service du collaborateur". Enfin, la Loi d’application du code pénal suisse oblige même à dénoncer des délits potentiels.

Dossier en mains d'avocats

Les deux auxiliaires ont cherché à contester leur mise à l'écart. Elles ont d'abord essayé de s'en référer à la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil. Sans succès puisque celle-ci a transmis leur cas à la Cour des comptes, selon les renseignements de la RTS. La Cour des comptes enquête sur le Service des votations et élections. Elle rendra son rapport fin février.

Les deux femmes ont finalement décidé de prendre chacune un avocat. Me Thomas Barth et Me Romain Jordan ont envoyé le 27 novembre deux lettres au Conseil d'Etat genevois. Ils demandent l'ouverture d'une procédure administrative, de sorte à sortir de cette zone grise où ces femmes se trouvent. Car elles ne sont actuellement ni licenciées, ni suspendues. Ils exigent leur réintégration sans délai, ainsi que leur indemnisation pour toutes les heures où elles auraient dû travailler. Contacté par la RTS, l'Exécutif ne fait pas de commentaires vu l'enquête pénale en cours.

Raphaël Leroy/oang

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"L'Etat de Genève fait tout faux"

"Nous sommes dans le cadre d'une atteinte grave à la protection des lanceurs d'alerte. C'est contraire à la Constitution et aux devoirs élémentaires de l'Etat, et ce quelles que soient les circonstances de l'affaire. Qu'on se passe des services du prévenu pendant la procédure, c'est une chose, mais qu'on se passe des services des plaignantes, cela crée un précédent. Je crois que l'Etat de Genève fait tout faux", fustige vendredi Me Thomas Barth, l'avocat d'une des auxiliaires, dans Forum.

Selon lui, le fait que sa cliente travaille sur appel ne change rien. "Les rémunérations qu'elles avaient étaient très importantes, équivalentes à un plein temps pour ma cliente. La jurisprudence est très claire à cet égard, on a l'interdiction de faire des contrats à la chaîne et de violer les droits des travailleurs de cette sorte", déclare-t-il.

>> L'interview de Me Thomas Barth: